The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Orwell - Christin - Verdier


Avant de devenir un mème Internet aussi galvaudé que le Grumpy Cat avec qui il partage des moustaches, avant de commencer à être cité par votre coiffeuse commentant – pour votre seul profit – l’actualité politique et sociale, Orwell (oui, à ce niveau de notoriété on n'a plus de prénom, Rembrandt en a-t-il un ?) fut un écrivain anglais, un journaliste politique, un combattant d'Espagne, entre autres. Toute une vie qui ne tient pas en flocage sur un t-shirt.

Il fallut donc le travail de Christin et Verdier pour rendre accessible au plus grand nombre la biographie de George Orwell – l'homme qui naquit Eric Blair avant de prendre un nom de plume qui rejeta l'autre dans l'ombre.
Christin l'écrit en postface, il s'est largement appuyé sur la monumentale biographie de Bernard Crick et l'a rendue plus digeste pour l'honnête homme. Tu en es un, alors lis ! Big Brother te surveille, et Gromovar aussi.

Strictement linéaire et chronologique, l'album nous présente d'abord les jeunes années d'Orwell (né en 1903 au Bengale), un enfant de « la frange inférieure de la classe moyenne supérieure » (typologie de Warner avant l'heure). Rentré avec sa mère en Angleterre, aisé mais pas riche, grand lecteur de SF, le jeune homme se retrouve admis à tarif réduit à la prep school Saint-Cyprian, dans l'optique de préparer la prestigieuse public school d'Eton (d'où sort l'élite politique et administrative du pays). Brillant, il intègre Eton, mais n'y fait pas grand chose. Après sa scolarité il entre dans la police birmane (!), un hommage sans doute à son histoire familiale toute pleine de l'empire colonial britannique.

C'est à Saint-Cyprian, Eton, puis en Birmanie, qu'Orwell fait son apprentissage politique. Pas marxiste, jamais marxiste, Orwell ne lit pas les inégalités de classe (toujours signifiante en UK), il les vit dans ces écoles dont il est l'un des plus pauvres étudiants. Il ne pense pas l'impérialisme, il l'observe et le « pratique » en Birmanie. Il tire des unes comme de l'autre une horreur dont il ne se départira jamais et qui guidera son action militante, tant dans l'écriture que dans l'action concrète. Une horreur du stalinisme aussi, qu'il range sur la même étagère que le nazisme, pour l'avoir vu à l’œuvre à Barcelone quand les représentants du PCUS éliminent tous les autres révolutionnaires de gauche – et notamment ce POUM qu'Orwell avait rejoint. Stalinisme qui servira de modèle au monde de 1984 – que, pour l'anecdote, Orwell publiera seulement peu de temps avant sa mort.

D'asiles de nuit en guerre d'Espagne, de manuscrits encore et toujours refusés en nombreux articles de journaux, de sous-officier de tranchée républicaine blessé à membre de la Home Guard pendant le Blitz, Orwell peaufine à la fois sa conviction politique et son écriture qui, avant La ferme des animaux et 1984, est réaliste – et pleine d'une expérience vécue presque jusqu'à l'embedment.

Progressiste politiquement mais assez conservateur culturellement, Orwell ne cesse jamais son action politique, sous une forme ou sous une autre. Mais il n'est pas que cela. Derrière l'écrivain et le politique, les auteurs donnent aussi à voir sa relation d'amour et d'engagements partagés avec sa femme Eileen, l'amour aussi qu'il a pour son fils adoptif, son goût pour la pèche, la campagne, et le jardinage.
L'homme, derrière l’icône.
Le penseur du banal et du concret, dont les allers-retours entre sa carrière à Londres et son jardin à la campagne ne lui laissent jamais oublier la réalité des inégalités de classe, et qui attribue à la classe populaire une « common decency » dont seraient largement dépourvues les autres classes – expression qui est aussi en train de devenir une tarte à la crème médiatico-politique depuis que Michéa l'a remise dans les mémoires.

Citant intégralement de nombreux passages d'Orwell même – dans une graphie permettant de les identifier –, racontant avec précision mais sans pathos aucun, Christin fait un beau travail de vulgarisation biographique – sur des thèmes qui parlent forcément à l'auteur de Partie de chasse ou de Les phalanges de l'ordre noir.

Graphiquement, le tout est très joliment fait. Sobre, réaliste, noir et blanc, mis à part quelques aléatoires moments colorés. De plus, de grands dessinateurs sont invités, chacun illustrant d'une page un extrait d'un texte d'Orwell.

Maintenant que tout le monde et son beau-frère parlent 1984 comme une langue maternelle, tout le monde me comprendra si je dis que cet album très recommandable est la bio d'Orwell pour les membres du parti extérieur ; ce qui fait que le livre de Crick est destiné à ceux du parti intérieur, et les mèmes ou slogans à ces proles sans conscience politique claire qui forment le gros de la population d'Oceania.

Orwell, Christin, Verdier

Commentaires