Daryl Gregory : I’m Not Disappointed Just Mad AKA The Heaviest Couch in the Known Universe

Conseil aux nouveaux auteurs : Faites attention quand vous plaisantez en ligne. Imaginez, vous faites une blague sur l’écriture d’une histoire ridicule, quelque chose que vous n'écririez jamais ; ce n'est qu'une bonne blague jusqu’à ce qu’un éditeur en entende parler et vous demande d’écrire cette histoire. Il y a quelques années, sur un site, je disais à quel point Iain Banks était mon écrivain préféré mais que si je devais écrire un space opera, ce serait sur deux fumeurs défoncés qui manquent la guerre interstellaire parce qu’ils essaient de déplacer un canapé d’un bout à l’autre de la ville. Jonathan Strahan est alors intervenu et a dit : Je publierais ça. Ha ha ! Très drôle. Il a alors ajouté : Non, vraiment. Plus tard, on s’est croisés à une convention, et il m’a dit : Alors, cette histoire façon Iain Banks ? Et voilà, c'est fait ! Je sais, c’est une histoire absurde, mais en ces temps sombres... Sachez juste qu’elle a été écrite avec beaucoup d’amour et d’admir

Interview Thomas Day : A new Macbeth



Thomas Day et Guillaume Sorel sortent dans sept jours seulement, chez Glénat, le premier tome de leur Macbeth. Intitulé Macbeth, roi d'Ecosse, c'est un album puissant, à la beauté sombre, à la dureté âpre, à la violence assumée.

Alors que le moment de la révélation approche, Thomas Day explique ici longuement ce qu'il a voulu mettre dans cet album magistral - qui veut être un Macbeth pour notre temps - et nous parle un peu du second tome à venir.


QDNSMP : Thomas Day, vous venez d’adapter le Macbeth de Shakespeare en BD avec Guillaume Sorel aux pinceaux. Le très bon premier tome sort sous peu, le second devrait arriver début 2020. Lequel de vous deux est à l’initiative du projet ? Et comment a-t-il trouvé l’autre ?

Avant tout, je dois préciser qu'à mes yeux Macbeth, roi d'Ecosse n'est pas une adaptation de la pièce Macbeth de Shakespeare, mais une fantasy historique avec du Shakespeare dedans. Ça peut sembler complètement idiot comme nuance, ou une pose artistique prétentieuse, mais je ne le crois pas. C'est, à mes yeux, la nature-même du projet qui certes se sert de Shakespeare, mais pour faire autre chose. J'avais envie de raconter cette histoire pour les lecteurs d'aujourd'hui, ceux qui bouffent Games of thrones à la télé, jouent à The Witcher 3 et lisent des comics indépendants.

Sinon, je connais Guillaume Sorel depuis le milieu des années 90. Il a beaucoup fait de couvertures pour moi, sous ma casquette d'auteur, notamment celle qui a valu à La Voie du sabre son succès commercial. Il a réalisé beaucoup de couvertures pour moi, sous ma casquette d'éditeur, quand je travaillais chez Denoël. Et il m'a suivi chez Albin Michel, puisqu'il a réalisé la couverture du Chant mortel du soleil de Franck Ferric.

Tout ceci précisé, Guillaume n'est pas du tout à l'origine du projet. J'ai écrit Macbeth, roi d'Ecosse pour moi, tout seul dans mon coin, à une période de ma vie, difficile, où j'étais en plein divorce (et je crois sincèrement que le divorce n'a pas été le pire épisode de cette période-là). J'ai écrit ce scénario pour m'amuser (j'y reviendrai) et progresser en BD. J'avais un projet de BD historique en trois tomes (je l'ai toujours, d'ailleurs) et à l'époque (2014) j'étais vraiment inexpérimenté comme scénariste BD. Et plutôt que de me lancer dans trois fois cinquante planches, je me suis dit, tiens essayons quelque chose d'un peu moins ambitieux. C'est là qu'on s'aperçoit que la difficulté d'un projet ne réside pas dans le nombre de ses planches...

J'ai fini le scénario du tome 1, j'avais une ébauche de tome 2 et j'ai tout envoyé à mon éditeur Benoit Cousin qui a beaucoup aimé. Nous avons cherché un dessinateur. Benoit voulait Andreas, (soyons fou!) ce qui m'allait très bien. Andreas a très vite répondu qu'il voulait faire « son » Macbeth, mais pas celui d'un autre. Je n'avais pas pensé à Guillaume, car je l'avais vu quelques mois auparavant, lors d'un vernissage à Paris, et il m'avait dit être « complet » jusqu'en 2020, quelque chose comme ça. Je ne lui avais pas parlé de Macbeth. Un jour je discute avec Benoit et on se dit qu'on est passé à côté du meilleur candidat, le plus évident : Sorel. Benoit le contacte. Je n'interviens surtout pas ; ça me mettait dans une position personnelle ambiguë. Guillaume lit et dit « OK, mais dans deux ans », pas avant. Fou de joie, je dis à Benoit que je ne vois aucun problème pour attendre deux ans. Tout le monde est content.


QDNSMP : Comment cette BD s’inscrit-elle dans votre travail de scénariste et de romancier/novelliste ?

Naturellement.

Ça fait trente ans que je travaille sur des icônes : Musashi pour les Japonais, Chaka Zulu pour les Sud-africains et on pourrait en citer d'autres. Macbeth rentre dans cette catégorie-là. Macbeth est une icône, à la différence qu'il ne fonctionne qu'avec son épouse, plus ou moins dans l'ombre (nous y reviendrons).

Tout mon travail d'auteur tourne autour de la violence. C'est comme ça, certains sont obsédés par la Seconde guerre mondiale, les secrets de famille ou la vie parisienne rive gauche, moi c'est la violence. Et depuis quelques années, les violences faites aux femmes. Ou aux enfants, dans Dragon.
Faire Macbeth en BD, ça n'a d'intérêt que si on n'adapte pas la pièce. C'est ce que je me suis efforcé de faire : ne pas adapter la pièce, juste m'en nourrir.


QDNSMP : Quand avez-vous rencontré Macbeth pour la première fois ? Quelle impression cette tragédie vous avait-elle faite alors ?

J'ai découvert Macbeth avec Le Château de l'araignée d'Akira Kurosawa. Plus tard, j'ai découvert une interview de Toshiro Mifune où il parle de la « scène des flèches ». Il ne joue pas la peur, il est authentiquement terrifié, car les archers tirent de vraies flèches.

Puis j'ai vu l'adaptation d'Orson Welles. Celle de Polanski, quelques années après. Enfin j'ai lu L'histoire d’Écosse de Michel Duchein.

Je n'avais jamais lu la pièce avant d'attaquer le scénario. Je l'ai lue en français et en anglais. Souvent en parallèle pour voir comment le traducteur s'en était sorti pour faire sonner Shakespeare en français.

Pour moi l'étincelle vient de la tirade de Dame Macbeth :

« Venez, venez, esprits — qui assistez les pensées meurtrières ! Désexez-moi ici, — et, du crâne au talon, remplissez-moi toute — de la plus atroce cruauté. Épaississez mon sang, — fermez en moi tout accès, tout passage au remords ; — qu’aucun retour compatissant de la nature — n’ébranle ma volonté farouche et ne s’interpose — entre elle et l’exécution ! Venez à mes mamelles de femme, — et changez mon lait en fiel, vous, ministres du meurtre, — quel que soit le lieu où, invisibles substances, — vous aidiez à la violation de la nature. »

qui chez moi devient [B correspondant au n° de la bulle dans la planche]:

B3 - Cousez-moi le sexe, ici, et du crâne au talon remplissez-moi de la plus atroce cruauté
B4 - épaississez mon sang ; fermez en moi tout accès, tout passage au remords.
B5 - Venez à mes mamelles de femme et changez mon lait en fiel, vous, ministres du meurtre, quel que soit le lieu où, invisibles, vous aidez à la violation de la nature.
B6 - Viens, nuit épaisse, enveloppe-moi de la plus sombre fumée de l'enfer ; que mon couteau ne voit pas la blessure qu'il va faire.

Tout est là.

Et quand Polanski tourne Macbeth en 1971 (l'année de ma naissance), il comprend bien la problématique de la pièce. Qui est celle de la femme puissante, autrement dit de la sorcière. Pour moi, Welles passe à côté. Il est trop masculin dans son approche. Polanski qui a un rapport très compliqué avec l'occulte est davantage l'homme de la situation.


QDNSMP : Et, plus généralement, quel est votre rapport à l’œuvre de Shakespeare ?

Je l'ai toujours découvert par un autre média que le théâtre. Le cinéma de SF, Planète interdite pour La Tempête. La comédie musicale West Side Story pour Roméo et Juliette, Ran d'Akira Kurosawa pour Le Roi Lear, Le Château de l'araignée pour Macbeth... Ennemis jurés pour Coriolanus. J'ai adoré ce film de Ralph Fiennes, mais je comprends qu'on puisse y être complètement imperméable.
Et ce n'est que dans un second temps que je plonge dans le texte... et parfois jamais, il y a plein de pièces de Shakespeare que je n'ai jamais lues. J'ai beaucoup aimé Henry V au cinéma, mais je n'ai jamais lu la pièce. Très sincèrement, je n'en ai jamais eu envie.

Al Pacino un jour expliquait en interview que ce qu'il y avait de génial chez Shakespeare c'est que personne ne disait : « j'ai soif », mais plutôt un truc du genre « quelle est cette douleur qui ne dit pas encore son nom, cette lente lave qui m'étrangle la gorge ? Comment pourrais-je m'en libérer ? Par le poison, par le vin ? »

C'est ça, Shakespeare, c'est la poésie permanente, qu'il parle des affres du pouvoir ou d'un inconfort des plus triviaux.
Il y a quelque chose de punk chez Shakespeare, comme chez Mozart, quelque chose de révolutionnaire.


QDNSMP : Chaque adaptateur est confronté aux comparaisons que font les spectateurs/lecteurs avec l’œuvre adaptée. Dans le cas de Shakespeare s’y ajoute la comparaison avec quatre siècles d’adaptations précédentes. Comment aborde-t-on cette situation ?

On n'y pense pas. C'est le meilleur moyen. Ou plutôt on pense à autre chose.
Moi je voulais faire de la fantasy, mon Excalibur, et c'était ça mon mantra.
Je vais faire Macbeth à la Rospo Pallenberg.
Je vais montrer la confusion, quand les puissances de la terre laissent la place à celles du ciel.


QDNSMP : Comment, concrètement, se nourrit-on d'une pièce de théâtre pour un scénario de BD, comment les éléments de la pièce interviennent-ils dans la narration ?

Il faut trouver un angle d'attaque ; c'était Dame Macbeth. Il faut trouver une tonalité. Je voulais faire 1/ de la fantasy 2/ quelque chose de syncrétique. Je crois pouvoir dire sans me tromper que mon film préféré est Il était une fois l'Amérique de Sergio Leone. Ce chef d’œuvre contient tout : l'amour, la folie, l'argent, la politique, l'ambition, le viol, la violence, la sexualité, la mort, le deuil, le racisme, l'addiction, etc. Manque peut-être la religion, mais ce manque est en fait une présence, je me comprends.

J'ai vraiment cherché à faire quelque chose de syncrétique : Macbeth + Kurosawa + Excalibur + La Chair et le sang + Braveheart + deux ou trois autres petits trucs planqués ça et là. Quand je parle de Kurosawa, c'était plutôt faire de l'anti-Kurosawa, sortir Dame Macbeth de l'ombre, lui donner un rôle « moteur ». Les femmes ont rarement le beau rôle chez Kurosawa, il suffit de revoir Ran pour s'en convaincre.


QDNSMP : Comment s’effectue le travail avec le dessinateur, quelle part de la narration et de sa forme est-elle « négociée » ou « synchronisée » avec lui ?

Guillaume a pris des tas de notes sur le scénario et m'a demandé des changements et des éclaircissements. Notamment sur la nature réelle de Dame Macbeth, sur les liens entre Macbeth et sa femme. Bien sûr qu'ils s'aiment ! Mais de nos jours, on parlerait sans doute de relation sado-masochiste.

Et puis on a travaillé ensemble de façon plus fine, page par page, case par case. Lui maître, moi élève. J'ai beaucoup appris, en termes de mise en scène. Il a un œil, une compréhension des rapports humains que je n'ai pas. J'ai défendu certains trucs et j'ai bien fait de céder sur d'autres qui ne fonctionnaient pas.

Il a tenu a apporter quelque chose dont je me moquais un peu, une véracité graphique « moyen-âge ». Pallenberg et Boorman s'en sont totalement moqué quand ils ont fait leur Excalibur, comme Ken Russell quand il a tourné de The Devils, qui est peu la collision improbable du film hippie/pop et du drame historique sanglant.

Le souci permanent de Guillaume c'était comment mettre en scène mes « putains de dialogues interminables ». Il ne l'a jamais dit comme ça, mais c'est vrai que y'a du texte. En même temps, faire une fantasy historique sans textes, c'est un peu compliqué... rajoutez Shakespeare à la tambouille et c'est tout simplement impossible.


QDNSMP : Pourquoi avoir choisi cette pièce plutôt qu’une autre, Richard III par exemple ou Jules César ?

Il manque quelque chose dans cette discussion, c'est L’Écosse. Macbeth est venu à moi aussi (surtout?) à cause de l’Écosse. Je vais en Écosse régulièrement depuis mes vingt ans. J'y suis allé pour faire les repérages de la BD, j'y suis retourné cet été avec mes deux fils. J'aime l’Écosse, c'est un de mes endroits préférés au monde. J'aime marcher et l’Écosse c'est le paradis des marcheurs, surtout l'île de Skye.

Donc avant Shakespeare (que je n'avais pas lu), y'a l'Écosse que j'ai sillonnée en long, en large et en travers.

Quant aux deux pièces que vous citez, Polanski n'a jamais fait le film ! Je ne suis baigné d'aucune de ces deux pièces. Richard III, ça peut sembler prometteur. Il faudrait que je mate le film de Laurence Olivier. Voilà l'aveu...

Ma culture est cinématographique, parce que quand je sors d'une journée où j'ai passé dix heures à lire de mauvais manuscrits, le dernier truc dont j'ai envie c'est d'ouvrir un livre. C'est ou série TV ou film ou BD, à la rigueur.


QDNSMP : Y a-t-il une ou des représentations de Macbeth dont vous reconnaîtriez l’influence dans votre travail ? Ou des images/situations issues d’autres sources ?

J'ai mis des petits trucs dans le scénar (Kurosawa, Excalibur, le Polanski, déjà cités). Un petit hommage à Eisenstein dans le tome 2, une scène très précise de son Alexandre Nevski. Je ne sais pas si Guillaume conservera la référence (je n'ai encore vu aucune planche du tome 2). Guillaume est un cinéphile et un littéraire. Je peux jouer avec lui sur les deux répertoires, dans tous les cas, il me comprendra. Après, il faut accepter qu'il fasse sien tout ça et qu'il ne garde que ce qui a du sens à ses yeux.

Pendant que j'écrivais le scénar, je me suis interdit de revoir les Macbeth d'Orson Welles et Polanski. Je ne l'ai fait qu'une fois que j'avais fini. Récemment, j'ai regardé le nouveau, avec Fassbender, qui est un extraordinaire gâchis. Mais qui contient quelques beaux morceaux de pure mise en scène.


QDNSMP : Pour vos extraits de texte, vous avez choisi la traduction de François-Victor Hugo. Pourquoi ? Etait-ce une question de rythme, de langage, autre chose ?

J'imagine mal travail plus complexe que de traduire Shakespeare en français. L'anglais est une langue rock, le français serait plutôt une langue classique à mes yeux, assez ample, qui n'a pas le côté ramassé de l'anglais. L'anglais gifle et frappe, le français caresse. Traduire c'est sauver le sens et trouver une musicalité. Comme j'avais décidé que j'allais m'amuser, par exemple remplacer le « désexez-moi » de la traduction classique par « cousez-moi le sexe » (qui porte une imagerie plus forte), la fidélité m'importait moins que la musicalité. Et donc j'ai choisi la traduction qui m'a semblé la plus musicale. Une amie qui fait du théâtre et s'y connaît beaucoup mieux que moi en Shakespeare m'a expliqué par A + B que j'avais choisi la pire. Mais non, pour faire Macbeth à la Rospo Pallenberg, la traduction de François-Victor Hugo est parfaite.


QDNSMP : Comment avez-vous choisi concrètement les extraits à utiliser et l’ordre dans lequel le faire ?

J'ai acheté la traduction de François-Victor Hugo en poche et j'ai stabyloté dedans tout ce qui me semblait correspondre à mon projet : « une fantasy historique avec du Shakespeare dedans ». Et puis j'ai dispatché les morceaux dans le scénario. Il y a très peu de Shakespeare dans le tome 2, beaucoup plus d'Histoire, de religion et de fantômes.


QDNSMP : Pourquoi avoir changé le début, ne pas avoir gardé celui de la pièce.

Personne n'en a fait la remarque jusqu'ici, mais un certain Cuilèn remplace le Banquo de la pièce. Même Glénat utilise le nom de Banquo pour leur PLV. Glénat s'appuie sur Shakespeare, c'est de bonne guerre, et il ne va pas leur faire de procès.

J'ai trouvé mon point de départ dans les recherches que j'ai faites sur Gruoch d’Écosse. Macbeth et son bras droit Cuilèn se vengent d'un vieil affront familial, et provoquent ainsi la suite de l'histoire. C'est dans le sang répandu que leur apparaît leur destin, mais pas le sang d'un quelconque ennemi norvégien. C'est plus proche d'eux, plus intime. Je ne pouvais pas commencer autrement : il me fallait une faute originelle, et, si possible, l'enraciner dans le passé familial de Macbeth.

La notion de famille est au cœur du projet. Lulach, le fils de Dame Macbeth, aura une importance capitale dans le T2.
Donc, je suis parti de l’Écosse puis de l'Histoire pour finir chez Shakespeare, et non l'inverse.


QDNSMP : Dans l’album, vous mettez en avant Lady Macbeth. Comment la décririez-vous ? Et qui est Lord Macbeth alors ?

Si je réponds à cette question, je spoile complètement mon projet.
(Par conséquent : sentez-vous totalement libre ne pas lire cette réponse.)

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Pour moi Dame Mabeth est une sorcière qui ignore sa condition de sorcière et donc va se tourner vers l'église pour trouver des réponses qui se trouveraient plutôt dans la lande, la pierre, la bruyère et les animaux morts. Ou pour le dire autrement dans son sang, son cycle menstruel et son sexe.
Sa nature étant contrariée (on pourrait l'imaginer sorcière heureuse, dans un autre contexte) son esprit se brise et n'a de cesse de se briser.

Son mari l'aime et veut la sauver, donc il accepte et renonce. Il se trompe de diagnostic. On est avant Freud et l'acte de verbaliser. On parle beaucoup, mais on ne verbalise pas grand chose dans cette histoire. On observe, mais on ne voit pas. Ou de travers.
Ce qu'on pourrait considérer comme un manque de courage de la part de Macbeth est en fait l'expression d'un amour sidéré.

Dans le tome 2, un fantôme est témoin de tout ça.

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Maintenant, il faut sans doute revenir sur le mot sorcière. Il a une connotation très négative : verrue, poisons, bûcher, etc. Si j'utilise le mot chamane, tout de suite l'imagerie est différente. Si je dis « femme puissante » plus personne ne comprend de quoi je parle. Pourtant tout ça, à mon sens c'est un peu la même chose. Au Moyen Âge, on brûlait des femmes parce qu'elles ne voulaient pas coucher ou au contraire avait un pouvoir sexuel trop fort sur certains hommes. Le chamanisme, les intoxications volontaires pour avoir des visions, les rythmes, les percussions qui induisent des états seconds, tout ces sujet me passionnent, et depuis longtemps.

Je crois aux lieux de pouvoir et aux femmes puissantes.


QDNSMP : Votre éditeur écrit dans sa présentation : « mettent également en avant la très machiavélique Lady Macbeth, dont le rôle réel chez Shakespeare est finalement plus secondaire que ce que la postérité en a retenu ». Or il me semble que tout est déjà dans le texte - vous en citiez d’ailleurs un extrait capital sur un forum BD bien connu. Qu’en pensez-vous ?

Mon éditeur connaît tout le projet et donc présente à la fois le tome 1, très shakespearien, et le T2 qui explore les tourments, triviaux et historiques, de la vie d'un couple hors du commun. Après je me suis fort nourri de la pièce, donc oui on peut dire que tout était déjà dans la pièce. Mais j'ai changé la trajectoire personnelle de Dame Macbeth. C'est quelque chose qui vient plutôt de Duchein, de mes recherches historiques, et non de Shakespeare. Il faut aussi préciser que ça reste de la fantasy, je ne respecte pas l'Histoire à la lettre. D'ailleurs elle est très mal connue. Les faits avérés sont relativement peu nombreux.

C'est ludique. On peut lire ce Macbeth comme une histoire de meurtres, de pouvoir, de sexe (ô oui !). On peut aussi s'amuser à voir ce que j'ai déplacé, trahi, inverti.
Je me suis beaucoup amusé, je ne vais pas dire le contraire.


QDNSMP : On entend souvent dire que Shakespeare est intemporel. Qu’est ce que Macbeth peut nous dire aujourd’hui ?

C'est une pièce sur l'ambition, tout le monde la comprend comme ça. Pour moi LE sujet de la littérature c'est la « nature du mal ». Ce qui m'intéressait dans cette histoire écossaise, pleine de bruit et de fureur, c'était de montrer des gens qui, à force de se tromper (ou ne pas comprendre leur nature profonde), créent le mal, en voulant paradoxalement plutôt faire le bien. Dame Macbeth ne se pose jamais la bonne question : « qui suis-je ? » Et Macbeth se laisse porter par son amour, car c'est la chose la plus puissante dans sa vie, plus puissante que son amitié pour Cuilèn, plus puissante que ses victoire militaires. C'est un orage qui balaie un barrage, celui de la raison.
Si je dois être roi pour avoir le droit de l'aimer, soyons roi !


QDNSMP : Une question naïve mais passionnée. Pourquoi ne pas avoir intégré, sous une forme ou l’autre, du texte en VO ?

Quelle horreur !
Plus sérieusement, je n'y ai jamais pensé. Jamais. Je voulais faire « mon » Macbeth. Et c'est ce que j'ai fait. C'était déjà assez compliqué comme ça. Alors jouer sur deux langues... Non, je ne vois pas comment ça aurait été possible.


QDNSMP : Et pour finir, à quoi s’attendre, en deux mots, dans le tome 2 ?

Des batailles et des fantômes.
La fantasy c'est la littérature de l'enchantement du monde.
Le fantastique c'est la littérature de la vie après la mort. C'est une littérature occidentale aux racines judéo-chrétiennes.
La tragédie de Macbeth va passer de la fantasy au fantastique. Les puissances de la terre vont laisser place à celles du ciel.

Un grand merci à Thomas Day et une bonne chance à ce nouveau Macbeth.

Commentaires

Lhisbei a dit…
Excellente interview.
A questions intelligentes... ;)
Lune a dit…
Costaude l'interview, merci !
Je ne suis ni très bd ni très fantasy mais pour le coup ça me donne bien envie de me pencher sur ce livre.
Gromovar a dit…
Penchez-vous, penchez-vous ! Ca vaut la peine.
celindanae a dit…
Excellente interview! On apprend plein de choses sur la création du livre.
Gromovar a dit…
Passionnant en effet :)
Baroona a dit…
Cet homme devrait écrire des romans, il est passionnant à lire.