La Migration annuelle des nuages - Premee Mohamed

Post-apo intimiste, monde effondré, référence à The Last of Us . Dans La Migration annuelle des nuages suivez les traces d'une jeune femme qui se demande si elle peut quitter sa famille et sa communauté pour répondre à l'appel d'un avenir meilleur. Une lecture très plaisante. Et, oui, c'est bien mieux que The Butcher of the Forest . Je ne peux en dire plus car ma chronique sera dans le Bifrost n° 118, et elle ne reviendra ici qu’un an après la sortie de la revue (c’est à dire, pfff…). Je peux au moins donner le résumé de la couv’ car celui-ci est disponible partout : Une communauté unie est toujours plus forte face aux inévitables effondrements que l’avenir dessine. Celle d’Edmonton, ville en ruines au cœur du Canada, oscille au jour le jour entre rudesse et recherche d’un meilleur confort. Un équilibre que l’apparition du cad, un parasite semi-conscient qui influence le comportement de son hôte, teinte de drame. La vie ne sera plus jamais comme avant, mais ...

Dans l'abîme du temps : Gou Tanabe d'après Lovecraft


Après une magistrale adaptation des Montagnes Hallucinées en deux tomes, le mangaka Gou Tanabe revient encore aux grands textes de Lovecraft avec un "Dans l’abîme du temps" réalisé cette fois en un seul volume, de 350 pages quand même.

On trouvera toutes les informations utiles sur la nouvelle elle-même sur Wikipédia ; qu'on sache seulement qu'elle raconte l’histoire d'un universitaire, Nathaniel Wingate Peaslee, dont le corps fut occupé pendant cinq ans, à son corps défendant, par un membre de la Grande Race de Yith, et qui passera le reste de sa vie à vouloir comprendre et prouver la réalité de son expérience – les détails sont au bout du lien Wikipédia.

Comme pour l'adaptation précédente, je me bornerai à faire quelques remarques.

Comme dans Les Montagnes Hallucinées, on est aussi saisi qu'émerveillé par le monde dans lequel vivait Lovecraft.
Un monde dont de nombreuses parties étaient encore imparfaitement explorées – l'autre fois l’Antarctique, cette fois le désert australien –, ce qui permettait d'y imaginer des scènes incroyables.
Un monde dans lequel tout déplacement prenait du temps, qu'on déplace des hommes et du matériel par voie maritime puis terrestre ou des informations par courrier papier, câble, radio non satellitaire.
Dans le monde de Lovecraft donc, le mot d'exploration a encore son sens le plus profond. On part loin, lentement, pour aller voir ce qui est inconnu. Et on n'a que des contacts imparfaits avec son point de départ et la « civilisation » ; on est coupé ou presque de sa base lorsqu'on part dans l'inconnu.
Rien d'étonnant alors à ce qu'HPL ait jugé judicieux d'utiliser plusieurs fois Les aventures d'Arthur Gordon Pym comme référence.

Ensuite, les allers-retours temporels du personnage principal, le malheureux Nathaniel Wingate Peaslee, et ceux de la Grande Race de Yith, rendent encore plus pesante la vision nihiliste de l'auteur. Car, ici, le danger, le risque, prennent des allures de certitudes ; les voyages temporels des protagonistes ayant permis, hélas, de répondre positivement à la question de la survenue fatale.
Et quelle belle invention que cette bibliothèque des Yithiens, patiemment écrite par des millions peut-être d'intervenants, qui contient l'histoire de tous les temps, passés et à venir !

De plus, c'est encore un personnage solitaire que l'auteur met en scène. Mis à part son fils cadet – universitaire – qui « travaille » avec lui à comprendre ce qui lui est arrivé lors de la crise de dédoublement de la personnalité de cinq ans qu'il a traversé et qui est le premier mystère de l'histoire, il ne reste personne à  Nathaniel Wingate Peaslee. Sa femme a obtenu le divorce après quelques années de crise, son fils aîné et sa fille sont partis avec leur mère. L'homme est seul dans l'univers, il est aussi bien seul dans le monde, accompagné seulement des autres universitaires avec qui il partage un langage et un ethos communs.

Enfin, écrite en 1935, après tant d'autres textes, la nouvelle contient beaucoup d'intertextualité personnelle, comme si Lovecraft lui-même commençait à entrevoir son mythe, dont il est pourtant admis que ce n'est qu'après sa mort qu'August Derleth lui donnera consistance.

Du point de vue de l'adaptation, les images sont superbes, et l'histoire est globalement respectée.

On peut regretter un peu trop peut-être de planches muettes, et surtout un infodump trop visible. Dans la nouvelle, construite en enchâssement, et écrite comme une lettre au fils relatant les découvertes et les questions de Peaslee, cela passe car c'est presque la loi du genre. En revanche, dans une BD qui, par nature, se lit plus vite, cela donne des transitions abruptes entre de gros pans de récit enchâssés aux temporalités – et donc à la densité d'informations transmises – différentes.

C'est un peu dommage, mais y avait-il moyen de faire autrement en respectant la structure originale ? Je l'ignore.

L’abîme du temps de Gou Tanabe est néanmoins recommandable, et toujours aussi beau dans sa présentation façon carnet de cuir.

Dans l'abîme du temps, Gou Tanabe d'après Lovecraft

L'avis de Fayd Rautha

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