Shaun Hamill est un nouvel auteur heureux, il a écrit le très bon Une cosmologie de monstres, qui sortira le 2 octobre chez Albin Michel Imaginaire.
Bonjour Shaun et merci pour votre temps.
Tout d'abord, je tiens à vous féliciter pour Une cosmologie de monstres. C'est un roman impressionnant. Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs français qui ne vous connaissent pas encore ?
Merci beaucoup pour ces mots. Je suis si heureux que vous ayez apprécié le livre !
Alors, sur moi :
J'ai grandi dans une ville du Texas, Arlington. Mes amis et moi étions de grands fans d'horreur. Nous avons même fait ensemble des courts métrages d’horreur, que vous pouvez trouver sur IMDB (ils sont plus stupides qu’effrayants). J’ai terminé mes études de premier cycle à l’Université du Texas à Arlington et obtenu une maîtrise en Beaux-Arts de
l’Iowa Writers’ Workshop.
J'ai toujours été un grand lecteur. J'ai travaillé dans une librairie pendant huit ans, pendant mes études secondaires et supérieures, et c'est même là que j'ai rencontré ma femme. Elle est originaire de l’Alabama et, après que j’ai obtenu mon diplôme du Writers' Workshop, nous nous sommes installés là-bas pour nous rapprocher de sa famille. Nous vivons dans une région boisée et isolée avec beaucoup de brouillard et de nombreuses maisons en décrépitude. C’est un lieu formidable pour un écrivain d’horreur. J'occupe un emploi de bureau pendant la journée et j'écris le soir, bien que j'espère pouvoir bientôt écrire à plein temps.
Un premier roman est comme un premier bébé. De grandes attentes et de plus grands doutes. Puis Stephen King vous a donné une appréciation très positive. Qu'avez-vous ressenti ?
Le meilleur cadeau que ma mère m'ait jamais offert pour Noël était une pile de livres de poche de Stephen King quand j'avais treize ans. Le meilleur cadeau d'anniversaire qu'elle m'ait jamais offert était un hardcover de la première édition de Ça lorsque j'avais quatorze ans. Stephen King est au sommet de mon panthéon personnel de héros. Je reviens encore et encore à ses livres pour y chercher réconfort et inspiration, et son style d'horreur « en banlieue » a eu une grande influence sur la
Cosmologie. J'ai été extatique quand j'ai appris qu'il lisait le livre et pensait lui écrire un blurb.
Lorsque mon publicitaire américain m'a envoyé le mail avec le joli texte de présentation de Stephen King, j'étais au travail. Je me suis levé, j'ai fermé la porte de mon bureau, je me suis assis et j'ai un peu pleuré. C'était surréaliste et gratifiant, et à bien des égards, le point culminant de toute cette expérience jusqu'à présent. Peu importe ce qui se passe, que le livre se vende bien ou pas, que les critiques et les lecteurs l’apprécient ou pas, j’ai obtenu l’approbation de Stephen King. C'est un succès pour moi.
Ecrire, c'est bien, être publié, encore mieux. Pouvez-vous nous raconter l'histoire de la publication du livre ? Comment votre manuscrit est-il devenu un roman publié ?
Comme je l’ai mentionné ci-dessus, j’ai eu le privilège de participer à l’Iowa Writers’ Workshop, qui offrait à la fois une excellente formation à l'écriture et de nombreuses possibilités de réseautage.
De puissants agents littéraires et rédacteurs en chef s’y déplacent car ils souhaitent rencontrer les étudiants en tête-à-tête et lire leur travail.
Je me suis inscrit à autant de réunions que possible, mais j'avais du mal à intéresser qui que ce soit à
Une cosmologie de monstres. C'était un livre étrange pour l'Iowa. L’Iowa est célèbre pour avoir produit des écrivains réalistes, tels que Flannery O’Connor et Raymond Carver. Certains auteurs de genre notables ont aussi émergé du programme, comme Steve Erickson ou, plus récemment, Justin Cronin et Carmen Maria Machado
[à lire très bientôt en VF aux Editions de l'olivier], mais nous avons tendance à être l'exception plutôt que la règle.
Un jour, vers la fin de mon dernier semestre, j'ai rencontré la rédactrice en chef Jenna Johnson. Notre conversation a commencé en parlant de la Cosmologie, mais elle a rapidement dévié sur ce que je portais : un t-shirt recouvert de Super-héros DC (Batman, Superman , etc.). Après m'avoir demandé de nommer quelques-uns des autres personnages (comme Red Tornado et les Blackhawks), Jenna a déclaré: « Vous devriez contacter Kent Wolf à l'agence Friedrich. Il porterait un t-shirt comme ça. ».
Je suis sorti de la réunion et ai descendu le couloir jusqu’à un coin salon, j’ai ouvert mon ordinateur portable, trouvé l’adresse électronique de Kent, et lui ai envoyé une lettre de requête. Il m'a répondu très rapidement, a demandé à voir le livre, et, une semaine ou deux plus tard, j'avais un agent.
Nous avons passé plus d'un an à réviser et à éditer le roman. Mon projet initial faisait 220 000 mots, et je pense que la version publiée en contient un peu plus de 100 000 - il y avait beaucoup de gras dans le livre !
Nous l'avons finalement soumis aux éditeurs vers Halloween 2017 et, bien que Kent m'ait averti qu'il pouvait se passer un certain temps avant d’avoir des réponses, nous avons eu la chance de commencer à en recevoir très vite.
Quelques semaines plus tard, nous avons vendu le livre à Pantheon aux États-Unis et peu de temps après à Albin Michel en France. Le processus éditorial a été une autre année de mise au point et d’expérimentation, qui a permis de rationaliser le livre pour en faire quelque chose de plus resserré et de plus dynamique. Je ne sais pas exactement quand le livre sortira en France
[le 2 octobre – notez-le bien !], mais aux États-Unis, il paraîtra le 17 septembre, soit 22 jours après que j’écrive ces lignes. C’est excitant, mais aussi stressant parce que je suis anxieux de voir comment le public réagira.
Well, au point maintenant, HPL. Pouvez-vous nous raconter votre histoire avec lui ?
De nombreux fans américains de Lovecraft le découvrent à l'adolescence. J'ai été un peu hors-norme - je n’ai commencé à le lire qu’à l’âge de vingt ans et, même à cet âge j’ai dû lutter avec sa prose. Je ne redirai pas pourquoi - bon nombre de mes problèmes avec lui ont été inclus dans le livre, et vous en avez même cité certains dans votre chronique. Mais malgré ces inquiétudes, lorsque j'ai décidé d'écrire
Une cosmologie de monstres, je savais que Lovecraft serait une pierre de touche majeure du roman.
Il y a plusieurs raisons à cela.
Tout d'abord, du fait de l'évolution de sa place dans la culture américaine. La Cosmologie débute en 1968 et se termine à peu près aujourd’hui, et, dans le même temps, Lovecraft est passé d’un auteur de genre obscur mais adoré à une présence ubiquitaire de la pop culture. Cette longévité permettait de faire de son œuvre un fil conducteur efficace entre Harry Turner en 1968 et son fils Noah à l’heure actuelle.
Ensuite, Lovecraft était un pessimiste cosmique qui voyait l’humanité comme une poussière insignifiante dans un vaste cosmos chaotique et sans Dieu. Cette vision nihiliste fournissait une esthétique forte pour l’histoire d’une famille assaillie par la tragédie.
Troisièmement, et c'est le plus important, malgré les reproches que je viens de faire à la prose de Lovecraft, quelque chose de magique se passe dans ses histoires quand, une fois passées les couches de suggestion, se révèle la véritable horreur qui attendait à l'intérieur. Les phrases, jusque là maladroites et boursouflées, commencent à couler, et les pages tournent comme soufflées par le vent. Ses personnages subissent alors de sombres expériences religieuses, touchant à la trame même d'un vaste univers hostile. Ce sombre émerveillement est un effet incroyable, et je voulais capturer cela dans mon propre travail.
En écrivant mon livre, j'ai lu tous les ouvrages de Lovecraft (moins ses collaborations avec d'autres écrivains), ainsi que de nombreux documents critiques, y compris les travaux de S. T. Joshi, mais aussi le
Lovecraft : Contre le Monde, Contre la Vie de Michel Houellebecq et le documentaire de Patrick-Mario Bernard (je pense que cela faisait partie d'une série télévisée française) intitulé
Le cas Lovecraft.
Je voulais comprendre l'homme et son travail dans le contexte de son temps, et le nôtre. Il serait faux de dire que cette immersion a engendré un amour pour l'homme et son travail, mais cela m'a permis de mieux comprendre son importance et de mieux respecter son travail.
Le meilleur effet secondaire de tout ce travail documentaire a été de m'ouvrir à la fiction weird, où j'ai trouvé des écrivains aussi étonnants que Clark Ashton Smith, John Langan, Laird Barron, Caitlyn Kiernan, Gemma Files, Miskowski, Mark Samuels, et Jeff Vandermeer. J'avais enfin trouvé mon genre de fiction, ce que je cherchais depuis toujours comme lecteur.
Quels autres écrivains ont pu vous influencer ?
Pour ce qui est des influences qui ont conduit à La Cosmologie, Stephen King serait l'influence évidente après Lovecraft, tout comme les romans épiques intimes de John Irving. Les page-turners de Donna Tartt ont été une inspiration, tout comme les merveilleux dialogues de Lorrie Moore. Thomas Ligotti, l'un de mes écrivains préférés d'horreur cosmique
[moi aussi], a également eu une influence considérable sur les dernières sections du livre.
Comment avez-vous décidé d'écrire Une cosmologie de monstres ? Que vouliez-vous dire ? Combien de temps cela a-t-il pris ?
Ce roman est né de la collision de deux projets échoués.
Le premier était une saga tentaculaire tragi-comique du style de John Irving ou Meg Wolitzer, sur une famille exploitant une auberge de jeunesse à Taos, au Nouveau-Mexique.
Le second était une nouvelle à propos d’un couple marié qui se séparait alors qu’il visitait une attraction de maison hantée.
Aucune des deux parties ne fonctionnait, mais un jour, alors que je promenais mon chien, les deux idées se sont associées dans mon esprit et j'ai réalisé que le roman épique de mon entreprise familiale devrait concerner une maison hantée et non une auberge de jeunesse. Cela me donnerait l’occasion de fusionner mon goût pour la fiction littéraire axée sur les personnages avec mon amour pour les tons plus sombres et plus étranges de l'horreur.
La voix de Noah
[le narrateur] m’est tout de suite venue, de même que les notes de suicide d’Eunice, ainsi que la romance qui ouvre le livre. Le reste est arrivé de manière naturelle ; je suivais l’histoire jusqu'où elle m’emmenait, explorant mes personnages et leur monde de plus en plus sombre.
Je voulais explorer le concept de monstres à un niveau émotionnel, humain.
Qu'est-ce qui définit un monstre? Est-ce quelque chose d'inné chez une personne, ou est-ce un comportement qui peut être appris et désappris, ou les deux?
Recourir à une famille en proie à une tragédie et à une maladie semblait être un moyen idéal d’explorer ces questions (sans nécessairement y répondre).
En ce qui concerne la longueur du processus, j'ai commencé en novembre 2014 et les modifications finales ont été approuvées en novembre 2018, donc, du premier mot à la version finale, le tout a duré environ quatre ans. J'espère que le prochain roman ne prendra pas aussi longtemps !
Comment avez-vous façonné la famille Turner ? Ont-ils des homologues réels (au moins en partie) ?
Les Turner ont été façonnés en partie par ma propre vie et en partie par les besoins de mon histoire.
Par exemple, j'ai grandi sans père dans une maison de femmes, alors je savais que je voulais que Noah Turner fasse de même. J'ai eu aussi affaire à la pauvreté et à la maladie mentale, alors ces deux éléments ont été intégrés au roman.
Mais aucun des Turner n’a de contrepartie exacte dans la vie réelle.
J'ai une soeur, mais elle est plus jeune que moi et ne ressemble pas à Sydney ou Eunice. Mes parents se sont rencontrés dans une université chrétienne conservatrice, mais ma mère est une personne beaucoup plus chaleureuse que Margaret Turner, et mon père est un ancien prédicateur qui aime l'histoire, pas un mordu de l'horreur.
J'ai emprunté des morceaux de toute ma vie - une expression du visage ici, une coiffure là - pour fabriquer ces gens et leur monde, mais parce que le livre est noir et plein de gens très imparfaits, j'ai pris soin de ne jamais prendre pour modèle exact une personne réelle.
J'avais besoin de la liberté d'écrire honnêtement sur tous mes personnages, de les laisser faire de mauvaises choses et avoir des idées noires, sans craindre de perdre des amis ou de voir ma famille ne plus me parler.
Construire une maison hantée semblait un caprice (avant que nous en sachions plus), puis c'est devenu l'entreprise familiale des Turner pendant des années. Pourquoi faire de ces gens des propriétaires de maison hantée ?
D'abord par pur égoïsme d'auteur. J’avais toujours voulu écrire un roman sur une famille qui dirigeait une entreprise et j’allais souvent dans des maisons hantées quand j’avais 20 ans. Je me demandais toujours ce qui se passait dans ces endroits après la fermeture, après que les “monstres” se soient déshabillés et démaquillés. Qui étaient ces gens? Qu'est ce que ça impliquait de vivre la trame de sa vie dans un contexte aussi inhabituel ?
Le concept même - les tenants et aboutissants de la construction et de la gestion d'un lieu au fil des années – m'a intrigué, obligé à une gymnastique intellectuelle, et offert un fil amusant à suivre au sein d’une grande agitation émotionnelle.
Mais ce que j’ai découvert en écrivant ce livre, c’est que la maison hantée était un milieu parfait pour mes personnages. Harry Turner est hanté, il en construit une manifestation littérale et son destin ultime hante le reste de la famille. Ils finissent par créer une manifestation encore plus impressionnante de leur traumatisme, et au milieu de ce temple, Noah Turner commence à explorer les grandes questions de l'amour, de la vie, de la mort et de la monstruosité.
Votre Amérique est finement décrite, pas son histoire. Pas de Twin Towers, pas de guerres irakiennes, par exemple. Pas même une mention. Le roman étant en partie « première personne », qu'est ce que cela nous dit des Turner ?
Un cynique pourrait dire que cela nous montre que les Turner sont des blancs, de la classe moyenne, et suffisamment privilégiés pour ignorer en toute sécurité les événements sur la scène mondiale.
Un lecteur plus perspicace voudrait souligner que le livre se déroule sur de petites périodes très ciblées et que chacun représente un moment de crise pour la famille. Si le livre était un peu plus volumineux en terme de timeline, Nixon, les Bush, et Clinton, auraient probablement tous été mentionnés. Tel quel, Noah et sa famille se débattent vraiment dans ce livre, avec des problèmes immédiats de nature cosmique, qui mettent naturellement les événements mondiaux à l'arrière-plan.
Comment avez-vous créé le panthéon très personnel du roman ? Quelles ont été vos inspirations ?
Ou, le Dieu du roman semble être un mashup de Cthulhu, le Rex Mundi des Cathares et Galactus, comment le décririez-vous ?
Je n’avais jamais entendu parler de Rex Mundi avant cette interview, mais après avoir effectué quelques recherches sur Internet, je me dis que j'aurais aimé le connaitre pendant l'écriture du livre. Cela aurait ajouté quelques couches intéressantes à la mythologie.
Écrire ce roman, c'était un peu comme explorer The Wandering Dark
[l'attraction, qui s'appelle Promenade dans les ténèbres en VF]. Je ne savais pas ce que j’y trouverai avant d'y être. Cela signifie que les monstres, la cosmologie, le panthéon et le dieu ont été "découverts" plutôt que conçus.
À l'été 2016, alors que j'écrivais les dernières parties du roman, j'ai eu une série de rêves bizarres comportant des images étranges et obsédantes - des personnages vêtus de robes sous un ciel miasmatique, des hommes aux visages d'animaux, etc. Je ne me souviens presque jamais de mes rêves, et ceux dont je me souviens sont généralement banaux : me perdre quelque part, me séparer de mes amis au cinéma, etc. Avoir, et, plus encore, me souvenir de rêves aussi ésotériques et intéressants a été comme un cadeau inattendu.
Pour ce qui est de leur inspiration, je lisais presque exclusivement Lovecraft et Thomas Ligotti à ce moment-là, alors je suis sûr qu’ils ont collaboré avec mon subconscient pour aider à préciser les détails.
Quant à la manière dont je représenterais la divinité de ce roman, je ne pense pas pouvoir me rapprocher plus près que le roman lui-même. En dire plus le diminuerait en quelque sorte. Et puis, si le livre marche bien, je veux garder des choses à explorer dans des suites.
Le dieu de tous les jours, celui des églises, est présenté comme oppressant pour certains et purement rituel pour d'autres. Cette représentation est-elle un message sur le christianisme américain d'aujourd'hui ?
Absolument. Je sais qu'il y a de bons chrétiens et de bonnes églises, mais la plupart de mes expériences avec la religion ont été toxiques. Je l’ai vue faire de gros dégâts à des gens que j’aime. Les pasteurs et les politiciens s'appuient sur la foi pour restreindre les droits de la personne et promouvoir un programme misogyne, LGBTQ-phobique, suprémaciste, et cela me met en colère de voir les gens se laisser faire. Je pense qu’une version du christianisme est profondément bonne, compatissante et douce, mais ce n’est pas la version qui parle le plus fort ou qui se bat le plus fort dans ce pays.
Même constat et même question concernant la famille et les relations en général.
Je pense que le livre est plus gentil pour les familles et les relations que pour la religion organisée. Je souhaitais explorer ce qui peut mal tourner dans une famille, une relation amoureuse ou un mariage - comment ils peuvent commencer pour les mauvaises raisons, ou souffrir sous le poids des mensonges, ou s’effondrer en raison d’un manque de communication, etc.
Mais alors que le christianisme reste odieux dans toute la Cosmologie, les familles et les relations peuvent s’améliorer, se développer et se modifier. Leurs problèmes peuvent être guéris par la communication, l'empathie et l'amour.
Au milieu du livre, après la première visite à la maison du monstre, je pensais que vous faisiez une Rip van Winkle (d'autant plus que lorsque le garçon revient, sa maison est en grand désordre, comme abandonnée). La référence est-elle volontaire ou incidente ?
C’est censé être un moment troublant et mettre le lecteur dans l’état désorienté de Noah, mais la théorie du « Rip van Winkle » n’était pas prévue ! C'aurait été intéressant en effet.
Le roman nous dit de regarder la personne derrière le masque du monstre. Est-ce une sorte de message politique ? Une incitation à considérer les véritables personnes derrière les stéréotypes, ou plus encore, à surmonter ce qu’Adorno a appelé « l'intolérance à l'ambiguïté » ? Ou est-ce que j'en lis trop ici ?
Je ne pense pas que vous en lisiez trop ici. Je pense que vous avez parfaitement compris !
Une grande partie du livre traite des masques et de la dissimulation, et tente de donner un visage simple à des choses profondément complexes. Je suppose que vous pourriez soutenir que c’est politique, parce que reconnaître et accepter la complexité fait partie de ma propre réponse humaniste laïque à la 'trop' simple dichotomie bien-mal posée par le christianisme américain.
J'ai eu un seul problème avec la Cosmology, c'est la (courte) séquence « Superman ». Quel est le sens de cette partie?
Je pense à Noah comme un descendant spirituel du Lestat d’Anne Rice.
Bien qu’ils ne puissent être plus différents en apparence et en comportement, ils sont tous deux des créatures des ténèbres attirées par la lumière. Noah passe beaucoup de temps dans le livre à essayer différents masques (il porte un masque de Batman lorsque nous le rencontrons pour la première fois). Le moment « Superman » est une autre étape de son évolution. Il essaie un masque simpliste de good guy pour cacher certaines complexités dont il a honte.
L'histoire que vous racontez, la façon dont vous la racontez, est très émouvante (je suis sincère). Avez-vous eu un lecteur test ? Votre femme peut-être, ou un ami ?
Merci beaucoup d'avoir dit ça. Ce projet a été incroyablement difficile et émotionnellement éprouvant à écrire, et cela signifie beaucoup d’entendre dire que cela vous a touché.
Mon lecteur test est généralement ma femme, mais elle a eu de gros problèmes de santé pendant que j'écrivais la Cosmologie, et sa capacité à se concentrer a été altérée pendant un certain temps.
Donc, mon agent a été mon lecteur test pour ce livre. Il a été le premier à le lire et a été un collaborateur formidable. Il a bon goût et n’a pas peur de vous dire que quelque chose ne fonctionne pas. En un sens, je préfère recevoir une mauvaise appréciation de Kent que de ma femme. Si ma femme me donne une mauvaise appréciation, je vais me morfondre et bouder et faire le gros bébé. Si Kent m'en donne une, je vais aussi me morfondre et bouder, mais au moins nous ne partageons pas un lit alors il ne peut pas me voir le faire !
Kent m'a aidé à réduire le livre de 220 000 mots à 110 000 mots et à le concentrer sur les éléments de l'histoire qui résonnaient, à savoir les relations. Ca a été un long processus, mais cela a fonctionné et, alors que je commence à travailler sur un nouveau livre, Kent est la première personne sur laquelle je teste des idées et des arguments, et ses commentaires m’aident déjà à façonner le récit.
La Cosmologie est une histoire lovecraftienne qui prend en compte le temps qui passe, les secrets de famille, l'amour contrarié, l'amour durable, le sacrifice fait par amour. C'est centré sur la famille et, plus ou moins, sur la maison. Le décririez-vous comme « gothique américain contemporain » ?
Je ne serais pas en désaccord avec cette description, mais j’aime aussi beaucoup le terme « gothique de banlieue ». Je porterais l’un ou l’autre de ces insignes avec fierté !
Merci pour votre temps et bonne chance pour Une cosmologie de monstres. J'espère que vous vous rendez compte que très vite vous aurez besoin d'un bon stylo pour signer et d'une HOMEPAGE !!!
Merci beaucoup ! C’était génial : ce sont les meilleures questions que j’ai eues en interview et j’ai dû réfléchir longuement à mes réponses. Je promets que j'ai le bon stylo, et ma femme et moi allons faire le site bientôt !
Commentaires
Et, dans un style différent, ça vaut la peine de lire l'Annihilation de Jeff Vandermeer : https://www.quoideneufsurmapile.com/2014/02/plongee-en-grande-profondeur.html
Hope it helps.