Hard Boiled - Miller - Darrow - Stewart

Hard Boiled, édition intégrale Futuropolis. Quelques données factuelles pour commencer : En 1990, Dark Horse publie le premier opus de la saga Hard Boiled de Frank 'Daredevil' Miller, dessiné par Geoff Darrow. En 1991, ils gagnent le Eisner du meilleur duo Scénariste/Artiste. Deux autres tomes suivront, qui complètent l'histoire, traduits en français chez Delcourt. Arrive 2017 et une recolorisation réalisée par Dave Stewart qui donne au comic un ton plus neutre et réaliste (!). En France, après Delcourt dans la version couleurs initiales, c'est Futuropolis qui sort l'Intégrale recolorisée fin 2021. 128 pages grand format sous une couverture cartonnée du meilleur effet. Ouvrons-là. Hard Boiled c'est d'abord un scénario linéaire, simple, dont on devine facilement la conclusion à venir. Ex post, c'est si basique que ce n'est guère tentant (c'est aussi pourquoi je ne dirais rien de l'histoire, pour ne pas spoiler le peu qu'il y a à spoiler...

The Survival of Molly Southbourne - Tade Thompson


Il y a deux ans déjà, je tombais en admiration devant The Murders of Molly Southbourne. Voici qu'arrive une suite intitulée "The Survival of Molly Southbourne" (dont Le Bélial publiera bientôt une VF). La magie allait-elle se répéter, ou hélas, comme on le dit souvent, rien n'égale jamais la première fois ?

Ce nouvel opus commence directement après la fin du précédent. Contrairement à celui-ci, il est raconté chronologiquement.
Sans trop spoiler, disons que molly a survécu au combat furieux et à l'incendie qui emportèrent Molly et quelques autres mollys. Seule restante, elle doit se faire une vie et une identité, trouver une place dans un monde qui, jusque là, s'était fort bien passé d'elle. Commence alors une errance – débutée par de chaotiques expériences presque adolescentes – qui offrira à molly quelques réponses et un début de stabilisation autour d'un embryon de famille.

25 ans de vie vécues en quelques mois du point de vue de la construction personnelle. un coming of age en fast forward.
Pour molly, l'enjeu ici est d'exister, de donner sens à son essence, une tâche bien difficile pour elle qui a si peu vécu et dont le plus gros des souvenirs lui vient directement de Molly. D'autant qu'elle doit aussi changer radicalement une vision agonistique du monde qui lui a été transmise et dont elle hérite comme du reste de sa vie.
C'est grâce à une succession de rencontres (d'abord avec des tamaras – ce qui lui prouve que son cas n'est pas unique – puis avec le « complotiste » Vitali Ignatiy – qui en sait long sur l'origine de sa lignée) que molly parviendra à dire ce qu'elle est et par là-même commencer à bâtir son identité propre en tournant le dos à toute assignation identitaire.

« I shall feel the affections of a sensitive being, and become linked to the chain of existence and events, from which I am now excluded. » Cet extrait du Frankenstein de Mary Shelley est placé en exergue de la novella. Et elle la résume totalement, tant thèmes et tribulations respectives se répondent.
Savoir qu'on n'existe que par la volonté technologique d'autres, subir la peur d'autres encore, connaître la paranoïa qu'engendre le décalage entre ce qu'on est et ce qu'on pense que les autres en savent, être assez fort pour tuer et tuer encore, ne pas pouvoir se fier aux rares qui savent, devoir se cacher pour vivre, vouloir surtout (misère de la stérilité induite) ne pas être le seul de son espèce.
C'est l'enfer du monstre de Frankenstein, auquel il ne résiste pas ; c'est celui de molly, qui tente, elle, de s'y affronter.

Notons un dernier parallèle, identitaire : hors roman, dans l'imaginaire collectif, Frankenstein c'est le monstre (captation involontaire d'identité), dans la novella, une bonne part du monde croit que molly est Molly.
Faute d'identité, de famille, d'amour, le monstre part vers sa mort, quand molly change de nom pour devenir enfin her own self, entourée de l'affection de ses dernières « sœurs » qui la lavent d'une culpabilité qui n'aurait pas dû lui échoir.

Well, well, well, donc ?

Sans trop spoiler le récit, disons que ce texte, très attendu, est une déception. Précisément, le décrochage s'est fait pour moi quand molly s'évade de l'asile. Juste comme ça. Dedans/dehors, comme le personnage d'Erik le Viking qui met un torchon magique sur sa tête pour devenir (croit-il) invisible.
Et, à y réfléchir, tout dans le récit est à ce niveau de simplicité incroyable.
Fuite initiale. Asile donc. Révélations. Une ou deux fuites subséquentes et improbables (la tortue romaine !!!). Une ou deux blessures aussi vite reçues qu'oubliées. Une infiltration réussie sans coup férir. molly est l'un de ces personnages de Tex Avery auquel rien de grave ne peut arriver.

Alors, même si le style est limpide et la lecture fluide, même si les informations nouvelles apportent quelques éclaircissements bienvenus dans l'optique d'une suite à venir (?), même si la scène de l’entraînement à la résistance physique est émouvante, le gap n'a jamais cessé de grandir entre ce qu'on pouvait espérer et le spectacle d'une Nikita bouleversée que nous offre ici l'auteur.

The Survival of Molly Southbourne, Tade Thompson

Apophis a bien aimé
L'avis de Feyd Rautha

Commentaires

Vert a dit…
Argh. Bon je suis quand même curieuse de le lire quand il arrivera en VF pour voir si c'est une déception pour moi aussi (beaucoup aimé le premier)
Gromovar a dit…
Apparemment il faut le lire dans l'optique d'un bouquin qui aura une site. C'est pas trop mon truc cette approche.
Unknown a dit…
J'ai lu les deux dans la foulée.
Certes le premier est un vrai coup de poing (dans le genre du fantastique horrifique), mais le second sans avoir la même force ouvre des pistes intéressantes pour une série dont on sait désormais qu'elle devrait compter 4, voire 5 volumes.
J'en encourage donc fortement la lecture.
Gromovar a dit…
On lira la suite, aucun doute.