The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Exhalation - Ted Chiang


En trente ans, Ted Chiang aura publié 17 nouvelles. C'est peu. Mais quelles nouvelles !
A la louche, 18 récompenses obtenues, dont plusieurs textes multiprimés.

Le deuxième recueil de l'orfèvre vient de sortir. Il est titré "Exhalation" et il est époustouflant, m’impressionnant bien plus que le premier qui, pourtant, comptait dans ses pages la stupéfiante Story of your Life (adapté au cinéma en Premier Contact). Ca va ? Je suis assez dithyrambique ?

Pertinence du propos, imagination sans limite, perfection de la construction, Chiang impressionne par la façon dont il maîtrise à part égale la science qu'il décrit, l'art de la présenter, et l'artisanat de la construction.

Libre arbitre, conscience, identité, intelligence, ce sont les thèmes brassés par Chiang dans ses textes.
Avec – et c'est lié – des voyages temporels qui ne permettent pas de changer mais de connaître mieux (même quand le « voyage » n'est que virtuel comme dans The Truth of Fact, the Truth of Feeling, et que parfois c'est pour le pire).
On notera aussi une prise en compte de la religiosité humaine qui contraste fort avec l'approche de Peter Watts par exemple.

Cette chronique sera éclatée car :

Sur Story of your Life j'écrivais ceci en 2007 :

L'histoire de ta vie est une nouvelle formellement extraordinaire. L'histoire en deux mots : une linguiste participe à la première prise de contact avec une intelligence extra-terrestre. Elle décrit son patient travail, et parallèlement s'adresse à son enfant à venir à qui elle raconte sa vie future comme des souvenirs. Ce qui est absolument fascinant dans la nouvelle c'est la manière dont les deux récits s'imbriquent et en viennent à reproduire la structure linguistique de la race non humaine avec qui l'héroïne est en contact. Son récit est construit comme le sont ceux qui utilisent la xénostructure. Et ce glissement structurel arrive progressivement tout au long des pages et d'une manière parfaitement naturelle. Roland Barthes aurait sûrement adoré.
C'est donc une histoire extrêmement intelligente dont la mise en œuvre est parfaite. Après la lecture on ressent un sentiment d'enchantement devant cette réussite.

The Lifecycle of Software Objects était chroniquée là en 2011

The Truth of Fact, the Truth of Feeling l'était en 2013

The Merchant and the Alchemist’s Gate en 2013 aussi


Et puis, dans le recueil, on trouve encore :

L'aussi plaisante que tristounette "The Great Silence" qui se demande pourquoi tant d'efforts pour tenter d'entendre les aliens quand des créatures intelligentes sont, là, juste à côté de nous. Et que nous les éliminons sans même le vouloir, en silence aussi.

Une "Omphalos" drolatique dans son ton qui imagine un monde dans lequel le créationnisme serait dominant et qui découvre, effaré, que la Terre n'est pas le centre de l'univers. Cette révolution copernicienne engendre un effroi métaphysique difficilement supportable.

Dans "Anxiety is the Dizziness of Freedom", alternatives quantiques et intrication entrent dans la vie des gens. Savoir – grâce à un gadget high-tech devenu grand public – ce qui aurait pu être si les dés avaient roulé autrement est source d’angoisse, d'escroqueries, de bien plus de misères que de joies. Avec encore, en bruit de fond, les questions du libre arbitre et de l'identité.

ET PUIS IL Y A : EXHALATION

Et là, que dire ?

Hard SF déguisé en steampunk (quoique...), "Exhalation" est un vrai bijou.

C'est l'histoire d'un scientifique très particulier qui découvre par sérendipité la vérité sur son cerveau, son monde, l'univers entier. Ne pas en dire plus, il vaut mieux découvrir.
Remplacer notre biologie par une « mécanologie » cohérente, c'est déjà impressionnant.
Mais au-delà, très au-delà, donner du fonctionnement d'un ordinateur (transistors, charges, décharges, rafraîchissement, portes logiques, etc.) une interprétation pneumatique, c'est audacieux. Et faire de même avec l'entropie, la conservation de l'énergie, et jusqu'à une version réinventée de la mort thermique de l'univers, c'est proprement époustouflant.
Et quelle beauté dans les descriptions ! Quelle poésie ! Brian Greene parlait en 1999 « d'univers élégant », l'univers d'Exhalation l'est assurément et à un niveau rarement atteint.

Exhalation, Ted Chiang

L'avis de Feyd Rautha

Commentaires

Anonyme a dit…
Tiberix : Can’t agree more. Je suis aussi sous l’emprise.
Vert a dit…
Bon bah hâte que ce soit traduit du coup ^^
Gromovar a dit…
C'est dans les tuyaux.