The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

La bibliothèque de Mount Char - Scott Hawkins - Retour de Bifrost 89


La maison ne reculant devant aucun sacrifice, après une chronique VO pour le blog, voici une seconde chronique, VF celle-ci et écrite pour Bifrost.
Dire deux choses différentes sur le même roman, un exercice intéressant.
Et je ne dis rien de la phrase de dix lignes.

"La bibliothèque de Mount Char" est le premier roman de Scott Hawkins. Et, pour un coup d'essai, c'est un sacré coup de maître. Entre fantastique et horreur, LBDMC est un roman qui n'aurait pas dû fonctionner. Trop barré, trop violent, trop graphique, trop cruel, trop tortueux. Trop tout, en fait. Qu'on en juge !

Carolyn est une jeune femme qui vit dans la petite ville américaine de Garrisson Oaks. Elle y partage une maison avec onze autres jeunes adultes, adoptés comme elle il y a bien longtemps par « le Père ». Il les sauva d'une mort certaine, les conduisit dans la Bibliothèque, puis s'occupa d'eux, à sa manière. Par des années d'un entraînement impitoyable, il fit des douze orphelins des armes mortelles à son service. Mais aujourd'hui, le Père a disparu. Est-il mort ou vivant ? S'il est mort, qui l'a tué ? Et que vont faire ses ennemis de la place qu'il laisse vacante ? Ses « enfants » – chacun maître d'un domaine, du meurtre à la prédiction en passant par la résurrection ou l'interrogation des morts –  vont devoir le découvrir.

Ca pourrait être un simple polar fantastique, bonifié par le rôle trouble d'une Carolyn qui est la seule des douze à sembler avoir un agenda propre. Ca fonctionnerait peut-être, et ça serait oubliable. Mais Hawkins, qui n'a ni limite ni surmoi, rend son histoire inoubliable en tissant un récit proprement incroyable, aux dimensions mythiques et aux développements résolument pyrotechniques. Qui, ici, peut citer un autre roman dans lequel l'auteur a fait tenir entre deux couvertures : une échelle de temps se comptant en dizaine de milliers d'années, un ennemi antédiluvien, une apocalypse qui surviendra peut-être sous peu, un (ou deux) complot(s) s'étalant sur la longueur d'une vie, un garçon qui parle aux animaux, un tigre et un calmar ancestraux, deux lions père et fille aidant un humain contre molosses et morts-vivants, une vieille femme ressuscitée qui fait des pâtisseries, des punitions d'une telle cruauté qu'on doit parfois relire pour être sûr d'avoir bien lu, une légende vivante des forces spéciales US, un tueur quasi-invincible, une fille qui ne ressuscite que pour mourir encore et encore, un Président des USA sous influence, des héros si déconnectés du réel qu'ils se sapent comme des clowns, des opérations de police à la bombe atomique, une pyramide clairement non-euclidienne, sans oublier, bien sûr, du guacamole ?

Ca ne devrait pas tenir. Ca devrait sombrer dans le grand guignol ou le ridicule. Et pourtant, ça n'est jamais le cas, bien au contraire. Hawkins réussit le tour de force de lier tous ces éléments dans la trame d'une histoire aussi vive que captivante, d'en faire les facettes incontestables d'un récit cohérent, mystérieux, dur, et caustique à la fois. Il capture son lecteur dès les premières lignes, et ne le lâche plus avant de l'avoir conduit à une conclusion aussi rassurante qu'inattendue. Épuisé, pantelant, le lecteur sort de LBDMC aussi époustouflé que ravi. De tels romans, on n'en lit pas tous les jours, on n'en lit même pas tous les ans.

La bibliothèque de Mount Char, Scott Hawkins

Commentaires

Acr0 a dit…
J'ai été tentée par cette histoire pour le guacamole, et attendais d'être surprise du récit créé avec les autres éléments que tu cites. J'ai aimé le côté palpitant de l'intrigue, le maillage des indices mais le dernier tiers du roman n'a pas su m'emporter, j'ai décroché sur la phase un peu "hallucinatoire" avec des scènes qui s'étirent trop pour moi.
Gromovar a dit…
Je peux comprendre qu'on n'accroche pas à ce livre. Ca dépend de la sensibilité et des goûts de chacun.
C'est un peu comme la BD d'horreur, personne ne trouve au même moment que ça devient too much.