Yal Ayerdhal in Bifrost 118 - La fin de la guerre éternelle

Dans le Bifrost 118 il y a les rubriques habituelles. Critiques des nouveautés, scientifiction and so on. Il y a aussi un édito d'Olivier Girard qui rend un hommage appuyé et émouvant à Yal Ayerdhal , un grand de la SF française qui nous a quitté il y a dix ans et dont je me souviens de le gentillesse et de la capacité d'attention à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, appartenait à ce milieu qui était le sien et qui est le nôtre. Dans le Bifrost 118 , il y a   donc un gros dossier sur Yal Ayerdhal (qu'on appelait entre nous simplement Yal) . Un dossier sur l'homme actif et en colère qu'il était, de ses combats pour le droit des auteurs à son militantisme intelligent (il y en a) . Dans le  Bifrost 118  il y a aussi une plaisante nouvelle de Yal Ayerdhal,  Scintillements . Il y raconte comment finit la "guerre éternelle" entre deux civilisations galactiques qui n'auront jamais pu communiquer. Dans un écho déformé de Lem ou d'Haldema...

Black Hammer Age of Doom - Lemire - Ormston


Avec ce tome 3, sobrement intitulé "Age of Doom", les événements se précipitent dans la petite ville de Rockwood où sont exilés depuis des années les héros de Black Hammer.

Lucy, la fille du Black Hammer historique, a récupéré les pouvoirs de son père, et, au début du TPB, sa propre mémoire. Elle s'apprête à révéler la vérité sur leur situation aux exilés. Hélas, à l'espoir d'un retour à la maison succède le plus profond des désespoirs quand la jeune femme disparaît avant même d'avoir pu parler.
Commence alors pour elle un voyage intertextuel éprouvant, et pour les autres une période étrange entre rage, révolte, et résignation – étonnamment suivie par la réalisation inopinée de leurs désirs inassouvis. Tous se retrouveront pour un final qui répondra à toutes les questions, montrera une échappatoire, mais lancera un mouvement dont l'enjeu est rien moins que la survie de  la réalité (dans le style superlatif de ces sagas cosmiques dont les comics sont régulièrement gros).

Lemire offre ici encore une histoire de très bonne qualité.
Il offre un répit, si fictif soit-il, à ses héros en leur donnant enfin un peu de ce bonheur qu'ils n'osaient plus espérer. Tentative de calmer leur ardeur à rentrer chez eux, sans doute. Mais que ce baume est doux, et qu'il sera peut-être difficile d'y renoncer. Un crève-cœur.
Il suit la déterminée et brillante Lucy dans la fin de sa quête mémorielle en la projetant contre son gré dans un remake de L'auberge de la fin des mondes de Sandman. De là, accompagnée par un Jack Sabbath hilarant, elle visite l'enfer du Lucifer de Gaiman (et surtout de Carey), participe à un dîner avec un pseudo Dream et sa pseudo famille au complet (où on lui conseille de retourner dans sa propre histoire), traverse même un bout du Sweet Tooth de Lemire lui-même. Puis, at last, finit par retrouver les héros exilés pour une explication finale qui n'est en fait que la première partie d'une conclusion qu'on pressent cataclysmique.

Dans une ambiance paranoïaque où il devient raisonnable de se méfier de tout et de tous, car le mensonge a fondé la situation de Rockwood, le récit fonctionne sur quatre niveaux d'informations : ce que sait le lecteur, ce que savent les héros, ce que savent Captain Weird et Dragonfly (qui intriguent), ce que sait Captain Weird seul (qui, lui, voit le futur). Les quatre niveaux de connaissance convergent au fil des pages jusqu'à se retrouver à la fin pour une vérité profondément dickienne (ne pas trop en dire ici).
Lemire est ici toujours aussi subtil, attentif à joindre hommage aux comics et attention fine aux personnages - pour ce qui est de l'hommage, le sens du détail est poussé jusqu'à l'utilisation de phylactères différenciés par membre de la famille de Dream, comme dans le comic original de Gaiman.
C'est passionnant, émouvant, construit, écrit, franchement bluffant. Vivement que ça sorte en VF pour les lecteurs francophones.

Black Hammer 3, Age of Doom part 1, Lemire, Ormston, Stewart

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