Yal Ayerdhal in Bifrost 118 - La fin de la guerre éternelle

Dans le Bifrost 118 il y a les rubriques habituelles. Critiques des nouveautés, scientifiction and so on. Il y a aussi un édito d'Olivier Girard qui rend un hommage appuyé et émouvant à Yal Ayerdhal , un grand de la SF française qui nous a quitté il y a dix ans et dont je me souviens de le gentillesse et de la capacité d'attention à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, appartenait à ce milieu qui était le sien et qui est le nôtre. Dans le Bifrost 118 , il y a   donc un gros dossier sur Yal Ayerdhal (qu'on appelait entre nous simplement Yal) . Un dossier sur l'homme actif et en colère qu'il était, de ses combats pour le droit des auteurs à son militantisme intelligent (il y en a) . Dans le  Bifrost 118  il y a aussi une plaisante nouvelle de Yal Ayerdhal,  Scintillements . Il y raconte comment finit la "guerre éternelle" entre deux civilisations galactiques qui n'auront jamais pu communiquer. Dans un écho déformé de Lem ou d'Haldema...

Doctor Star and the Kingdom of Lost Tomorrows - Lemire - Fiumara


"Doctor Star and the Kingdom of Lost Tomorrows" est le dernier spin-off en date de la série Black Hammer de Jeff Lemire. Et c'est encore une fois brillant.

"Doctor Star and the Kingdom of Lost Tomorrows" est l'histoire tragique de James Robinson, un héros du Golden Age. Chercheur obsessionnel, Jim Robinson obtient, en plein guerre, un financement du Pentagone pour avancer ses recherches sur la Para-Zone, une dimension énergétique hors espace qu'il pense pouvoir atteindre. Travail, travail, travail, puis succès. Robinson « touche » la Para-Zone et en tire un pouvoir cosmique qu'il contient dans un artefact, une sorte de torche, qu'il brandit fièrement pour faire régner la justice.
Robinson devient Doctor Star, un héros qui va s'impliquer dans la guerre au sein d'une équipe qui rappelle vaguement la Société de Justice d'Amérique (avec même un Hawkman local).
La guerre finie, Robinson continue son œuvre héroïque jusqu'à un tournant fatal. Parti aidé une race extra-terrestre, il se trouve plongé dans une situation qui va changer sa vie pour toujours et, peu ou prou détruire sa famille. Aujourd'hui, bien des années après, Robinson tente de retisser le lien brisé avec son fils unique. Reprendre langue, s'expliquer, s'excuser ; il y a urgence, son fils est mourant.

Avec "Doctor Star and the Kingdom of Lost Tomorrows", Lemire raconte encore une histoire de paternité brisée. Dans Sherlock Frankenstein and the Legion of Evil, l'auteur disait la souffrance de la fille de Black Hammer après la disparition de son père, ici, dans une histoire à la Rip van Winkle, il redit le malheur de l'absence. L'indifférence aveugle de Robinson s'exprime partout dans les pages du comic – deux scènes très caractéristiques : deux héros de la SJA ne veulent pas aller faire la guerre en Allemagne car ils ont deux enfants, Robinson pousse pour y aller en dépit de son enfant ; Robinson oppose une cassante fin de non-recevoir à la demande de son fils de participer à ses aventures spatiales.

Ce que dit l'auteur, c'est qu'il est pire de perdre l'amour que de ne l'avoir jamais connu, ce qu'il évoque, c'est le prix payé par les familles aux obsessions professionnelles ou (dans ce cas) héroïques. C'est beau, poignant, jusqu'aux dernières pages vraiment déchirantes.
Le royaume des lendemains perdus est celui où on peut, comme dans le Christmas Carol de Dickens, sans réussir à  redresser tous les torts peut-être, au moins faire pénitence et espérer l'absolution, celui aussi où, comme dans les Vestiges du Jour, on réalise qu'on est passé à côté de sa vie.

Cette superbe histoire humaine est aussi, comme dans toute cette série, un hommage amoureux aux comics, avec un Doctor Star qui est un Starman revisité (Jim Robinson est d'ailleurs le nom du scénariste qui relança la série dans les 90's) et qui se trouve, à son corps défendant, à la tête d'un genre de Green Lantern Corps.
Très joliment dessinée, cette histoire est à lire absolument si on aime le genre comics, et, suis-je tenté de dire, même si on ne l'aime pas.

Doctor Star and the Kingdom of Lost Tomorrows, Lemire, Fiumara

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