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All Systems Red" est une novella de Martha Walls publiée en 2017. Première de la série des
Murderbots Diaries (comme il y a des Vampire Diaries j'imagine), elle a remporté les Nebula et Hugo 2017 de la meilleure novella, entre autres.
Futur indéterminé. L'humanité colonise l'espace. Des formes inédites d'entités politiques et de gouvernement apparaissent. A côté des humains baseline vivent aussi des augmentés qui se connectent directement aux systèmes informatiques, des bots dotés d'intelligence artificielle, et enfin des cyborgs de sécurité ou de combat – chimères sentientes mi-clone mi-machine que leur module de commandement, par l'injonction et la punition, rend aussi dociles que des esclaves.
Dans cet univers infini où des systèmes entiers sont revendiqués pour l'exploitation et/ou la colonisation par des mégacorps profit-driven, une sociétés de sécurité privée loue des services de protection complets – incluant mainframe informatique, drones, et cyborgs – aux compagnies ou entités politiques qui explorent ou exploitent des planètes potentiellement dangereuses.
C'est sur l'une de ces planètes que se trouvent les membres de l'expédition scientifique PreservationAux. Venue explorer la planète aux fins d'étude, la petite équipe embarque avec elle un équipement de sécurité comprenant le cyborg qui aime à s'appeler lui-même Murderbot. Alors que les choses se passaient jusque là comme elles le devaient au vu du rapport de dangerosité initial – c'est à dire très paisiblement –, les scientifiques de l'expédition sont soudain attaqués par une forme de vie autochtone très agressive que ledit rapport ne mentionnait pas. Réagissant comme l'éclair, Murderbot sauve ses clients et les ramène vivants au camp de base.
Réexaminant l'imprévisible incident, humains et cyborg comprennent assez vite que les données fournies ont été volontairement tronquées. Par qui ? Pourquoi ? Il faudra le découvrir pour survivre. D'autant que les choses prennent une tournure plus sinistre encore quand l'équipe de PreservationAux réalise que l'autre équipe présente sur la planète – celle envoyée par le DeltFall Group – ne répond plus.
Détail important : il y a encore une chose que les membres de l'expédition ne savent pas. Murderbot a hacké son module de commandement, il est donc maintenant pleinement autonome. Et, entre deux moments sur le terrain, il regarde avec passion des milliers d'heures de séries et de films.
Sur une histoire assez classique
(même si le traitement se veut moderne avec humains augmentés, IAs sentientes, et famille multicomposées), Wells donne le point de vue de Murderbot.
Se confessant à la première personne, le cyborg adopte un ton aussi caustique que régulièrement autodépréciatif. Dans un univers où le profit gouverne tout, l’équipement fourni par la Compagnie est de piètre qualité, celui qui constitue Murderbot aussi. Il le sait et le dit aussi souvent que nécessaire
(jusqu'à avouer que cela a conduit à des drames dans le passé).
Mais le cybernétique narrateur n'est pas juste un goon que sa mission ne passionne guère ni un autre
Marvin dépressif et suicidaire. Doté d'une grand honnêteté et d'un sens moral que pourrait lui envier bien des humains, le cyborg choisit librement d'aider ses clients jusqu'à mettre son existence en danger alors qu'il n'est plus contraint à le faire. Il choisit aussi, petit pas après petit pas, de franchir cette
uncanny valley qui l'affecte autant qu'elle affecte les humains et qui lui fait préférer parler le moins possible et garder son casque pour ne jamais être en face à face avec eux. Ses actes parlent pour lui plus que ses mots. Il y gagnera du respect et une forme authentique d'affection.
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All Systems Red" peut être vu – en dépit de sa faible longueur – sous quatre angles différents.
D'abord, comme une histoire d'amitié naissante, de respect, et d'humanisation, mettant en scène un personnage singulier que sa rouerie, son humour pince-sans-rire, et sa matter-of-factness rendent attachant.
Ensuite, comme un récit d'aventure spatiale plein de dangers comme on en trouvait dans les
FNA de la grande époque. Prévisible certes, mais plutôt bien conduit dans les limites de ce qu'est l'exercice.
Egalement, comme un récit d'émancipation. Murderbot, à qui une forme de liberté était offerte et qui aurait pu se contenter d'attendre qu'elle s'approfondisse encore, choisit de vouloir le tout et de devenir une fois pour toutes la créature libre qu'il est déjà dans sa tête cybernétique. Le loup, plutôt que le chien proverbial.
Enfin, comme l'épisode de Noël d'une de ces séries télé dont Murderbot est si friand. A la fin, tout s'arrange, les gentils sont sauvés, les méchants punis, et de grandes récompenses tombent sur ceux qui se sont bien comportés. C'est cet angle qui fait qu'on pardonnera à la novella sa simplicité et ses facilités
(je l'ai donc peut-être lue au bon moment).
All Systems Red, Martha Wells
L'avis moins indulgent d'Apophis
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