Les Yeux Doux - Corbeyran - Colline

Futur indéterminé et résolument glauque. Arsène travaille à la chaîne dans une usine du conglomérat Atelier Universel. « Travaillait » devrais-je dire car, pour avoir pris une initiative afin de corriger une erreur de production, Arsène est renvoyé dès le début de l'album. On ne plaisante pas avec la hiérarchie dans le système tayloro-fordiste de l'Atelier Universel ; FW Taylor lui-même disait  : « On ne vous demande pas de penser ; il y a des gens payés pour cela. » Privé de son emploi, Arsène, qui vit avec sa sœur cadette Annabelle dans un tout petit appartement, devient vite invisible. Physiquement invisible car invisibilisé socialement par la perte de son statut dans un monde qui définit les êtres par leur place dans le système de production. Et la situation va encore s'aggraver pour le frère et la sœur. Anatole Souclavier, lui, travaille pour Les Yeux Doux, le système de surveillance global par caméra qui épie en permanence les citoyens (sujets?) af...

Retour sur Titan - Stephen Baxter


Système solaire. Quatrième millénaire. L'occupation massive du système est devenue possible grâce aux trous de vers géants inventés par le génial Michael Poole avec l'argent de son père Harry. Problème, les deux magnats de l’industrie spatiale ont besoin de rentabiliser le trou de ver de Saturne. Pour cela il faut exploiter Titan, mais la loi est claire, ça ne sera possible que si aucune vie sentiente ne s'y trouve. Il faut donc « prouver », autant que faire se peut, l'absence de sentience sur la satellite de Saturne. Pour ce faire, les Poole père et fils organisent une expédition scientifique clandestine qui embarque entre autres un contrôleur de sentience corrompu et lâche, Jovik Emry, d'autant moins disposé à coopérer de bon cœur qu'il a été enlevé par la petite bande pour leur assurer l'accès à la quasi-réserve que constitue Titan.

Avec "Retour sur Titan", Baxter revient sur un satellite qu'il avait déjà atteint avec son très crédible et très (trop ?) long Titan. Il y joue sur le cycle du méthane local et s’attaque à la question encore non résolue du renouvellement du méthane atmosphérique. Il utilise, dans une optique Hard-SF, les connaissances que nous – misérables terriens – avons accumulé sur l'astre – grâce à la sonde Huygens notamment. Pluies et lacs de méthane, transformation de l'alcane en composés organiques complexes, en y ajoutant le temps long de l'évolution et un peu d’organisation, Baxter postule l'existence d'une vie organisée sur Titan, une vie dont il faut déterminer le degré de sentience.

Pour cela, l'auteur envoie une petite équipe sur place, dans le cadre d'un récit profondément vernien. Qu'on en juge. Quatre personnes – l'une à son corps défendant – descendent vers Titan dans une petite capsule exiguë. Le projet initial est de flotter en ballon autour de la planète pendant deux semaines afin de rassembler des preuves ?!? de l’inexistence de vie sentiente. L'objectif est clair, la réponse doit être négative, ce n'est pas de science qu'il s'agit ici mais de business. Hélas, dès le début de l'aventure, le ballon est touché par des créatures volantes, la capsule s'écrase sur le sol gelé de l'astre, et il faut, pour espérer survivre, se lancer à la poursuite d’étranges « araignées » mécaniques voleuses de métaux en espérant que les secours arrivent avant la fin des réserves.

Voyage en ballon, accident, risque vital, écologie étrangère, descente dans les profondeurs de la Terre (Titan ici) pour une plongée contrainte dont on peut seulement espérer qu’elle sera réversible, tous ces éléments rappellent divers romans du visionnaire nantais. Il en est de même pour les personnages. Le tycoon avide et malhonnête, l'ingénieur génial, le scientifique pur, le « comptable », sont proches d'archétypes verniens, et dans "Retour sur Titan" il y a même un filou débrouillard en la personne de Emry.

Baxter revient donc encore une fois, dans un récit ici clairement contemporain, à ses amours pour la merveilleux scientifique du début du XXème siècle.

"Retour sur Titan", plus réussi qu'Anti-Glace imho, car bien plus tiré par l'exploration et le risque vital, trouve un dynamisme que n'avait pas le pastiche précédent. Et puis, parlant de merveilleux, déambuler sur Titan, y voir les lacs de méthane noirs, les nuages d'hydrocarbures aromatiques, les cryovolcans cracheurs d'eau, d'ammoniac, de méthane, y côtoyer des formes de vie symbiotiques non basées sur la chimie du carbone, quel dépaysement ! Quel plaisir ! De ceux pour lesquels on commence à lire de la SF après s'être envoyé, enfant, tous les livres de vulgarisation sur le système solaire. Baxter n'est certes pas un grand styliste, mais il sait emmener son lecteur par l'imagination en des lieux où, hélas, il ne pourra jamais se rendre en personne.

Retour sur Titan, Stephen Baxter

Commentaires

Anudar a dit…
Ouh, tu m'intéresses beaucoup, beaucoup, beaucoup...
Gromovar a dit…
Voui. Tu as lu Titan toi ?
Des fois j'ai l'impression d'être le seul à avoir lu et aimé ce roman.
Baroona a dit…
Y'a des liens avec "Titan" outre que de revenir sur le même satellite ? J'imagine que si Le Bélial' le sort c'est que c'est assez indépendant, mais l'est-ce complètement ?
Gromovar a dit…
J'ai bien cherché mais pas vu de lien narratif.

En revanche, Titan a été écrit l'année du lancement de Cassini-Huygens, Baxter a fait beaucoup de recherches dessus, alors j'imagine que le retour est pour lui (et au début pour Huygens).
Vert a dit…
Intéressant, je vais me pencher dessus (et je pourrais ptêtre le faire lire à Monsieur celui-là)
Miroirs SF a dit…
Comment tourne le récit une fois l'expédition en perdition sur Titan ? Ma crainte étant, en te lisant, que cela se transforme en "simple" récit de survie
Gromovar a dit…
L'enjeu est la survie, mais il y faut de l'exploration. Le sense of wonder est là quand même.
Miroirs SF a dit…
D'accord, merci de ta réponse. Je me laisserai peut-être tenter. Me balader sur Titan, ça a l'air assez dépaysant ^^
Lune a dit…
Je l'ai récupéré à la bib, je le lis dès que je termine La Porte de Cristal. Enfin j'espère !
Lune a dit…
Très intéressante ton analyse sur le côté vernien du texte !