Londres, fin XIXème. Samuel Prothero est un jeune aliéniste ambitieux. Sa position est encore mal assurée, mais il espère vivement que les relations qu'il se fait au sein du prestigieux Club des Inventeurs lui assureront carrière, fortune, et ascension sociale.
Quand le controversé Jeffrey Richmond lui propose de réaliser une double analyse très bien payée, Prothero accepte d'aller s'installer dans la maison de l'inventeur, au cœur du quartier déliquescent de Saint Nichol. Là, dans la demeure – un ancien bordel – qui appartint à Christine, la sœur défunte de Richmond, il découvre que la machine à purifier l'air londonien inventée par l'homme attire en fait les fantômes présents dans l'atmosphère et, singulièrement, la malheureuse Christine.
Trouver la vérité sur la mort de Christine, libérer son âme, régler la question des fantômes, autant de tâches imprévues qui tombent sur un Prothero qui ne peut guère compter sur un Richmond de plus en plus lointain, et qui s'amourache par ailleurs de Jane, l'une des deux bonnes de la maison.
Avec "
Les Attracteurs de Rose Street", Lucius Shepard plonge dans le Londres brumeux et sordide du XIXème siècle. Quartier mal famé, ancien lupanar, puissants qui vont au bordel pour s'encanailler, stratification sociale forte, poids des conventions, on est un peu ici chez Dorian Gray.
Mais l'essentiel est ailleurs. C'est un texte gothique, ou néogothique pour les puristes, que propose Shepard
(Fuck steampunk !). Certes, ici, pas de transport dans un Moyen-Âge fantasmé ni de monastère hanté, mais on trouve dans "
Les Attracteurs de Rose Street" de longues phrases descriptives très évocatrices, une centration sur le surnaturel et l'effroi, une tension sexuelle constante cohabitant avec un romantisme plein d'emportements. Et puis, l'ambiance amène à l'esprit quantité de références plus ou moins volontaires. Prothero, invité dans une demeure dans laquelle il s'installe à long terme, rappelle Jonathan Harker dans le château de Dracula. Richmond et sa machine évoquent plus le docteur Frankenstein que les protagonistes du cataclysmique
La fin de Londres de Robert Barr, en dépit du rôle que joue le fog londonien dans les deux récits. Les faux-semblants et les sautes d'humeur de Richmond rappellent ceux du Docteur Jekyll. Et surtout, il est impossible de ne pas penser à
La chute de la maison Usher en lisant cette histoire de passion et de fureur entre un frère et sa sœur.
Science expérimentale, fantômes, sexe, passion, mort violente et remords, "
Les Attracteurs de Rose Street" – traduit par un J.D. Brèque qui fait ici d'une pierre deux coups entre savanturiers et Shepard – est donc un pastiche très réussi de la littérature néogothique qui rend hommage à un genre d'une rare élégance et en fait une sorte de résumé conclusif.
Les Attracteurs de Rose Street, Lucius Shepard
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