Avant de parler de "
La Source au bout du monde", il faut dire quelques mots de William Morris, l'auteur injustement méconnu de ce roman présenté comme la grande œuvre picaresque de l'époque victorienne.
William Morris (1834-1896) est un artiste britannique polyvalent, membre du groupe Arts and Crafts, poète, écrivain, dessinateur, architecte, imprimeur... C'est aussi un militant socialiste et un écologiste radical infatigable qui pourfendait avant l'heure la société de la marchandise, et ajouta à ses discours et pamphlets une touche romanesque avec
Un rêve de John Ball, une fable morale qui parle de voyage dans le temps et d'émancipation. C'est dans cette même veine que s'inscrit la bien plus ambitieuse "
Source au bout du monde".
Moyen-Âge rêvé. Rodolphe, fils cadet du roi des Hauts-Prés, s'enfuit du château de ses parents – de bons et sages seigneurs – pour partir à l'aventure et à la découverte du monde. Il apprend vite la légende d'une mystérieuse source, loin, si loin, qui donnerait puissance et longévité à ceux qui y boiraient. En chemin, il connaît moultes aventures et périls sans nombre, aime deux femmes qui l'aiment et l'aident toutes deux, est le témoin aussi du malheur que subissent les peuples gouvernés par de mauvais souverains. À l'issue d'une quête aussi longue que périlleuse, Rodolphe boit à la source magique puis revient dans le royaume de son père. L'enfant est devenu un homme, il a vu des merveilles, vaincu des ennemis redoutables, retrouvé puis épousé la dame de ses pensées, il est maintenant prêt à régner dans la justice et pour le bien du peuple.
Ecrit dans un style à mi-chemin entre conte et roman de chevalerie, "
La Source au bout du monde" est un roman d'une lecture agréable et facile qui ramènera le lecteur aux souvenirs les plus doux des épopées de son enfance. Il y croisera des chevaliers justes ou félons, des brigands, une sorcière, un ours, des traîtres, des lascars, et devra, à la fin, chasser les brigands qui menacent son pays avec l'aide d'une armée de tous les amis qu'il s'est fait. Présenté comme un des premiers textes de fantasy, le voyage aller/retour de
La Source évoque bien sûr
Le Hobbit, et l'opposition entre bon et mauvais souverains, esclavagistes et artisans, dans un monde que l'industrie n'a pas encore flétri,
Le seigneur des anneaux. On pense aussi à la quête du Graal.
Mais il y a plus. Contrairement aux très chastes héros de Tolkien, ceux de Morris ont un sexe et un cœur ; le roman, tant par son contexte que par ses élans outranciers des sentiments lorgne vers le romantisme, voire le gothique, style que Morris appréciait beaucoup en architecture.
Et il y a encore plus. Morris dépeint un héros qui apprend de ses observations, porte attention à la misère sociale – de l'esclavage jusqu'à l'infortune des hommes libres gouvernés par des tyrans –, n'hésite pas à accorder la place prééminente dans son aventure à une femme, trouve amitié et amour au-dessous de sa condition. A la fin, Rodolphe vainc grâce à tout un peuple qui lui fait confiance car il le sait juste. Il régnera pour le bien de tous, illustrant – dans ce roman intemporel mais imprégné de culture chrétienne – la doctrine thomiste :
« omni potestas a Deo sed per populum ».
La source au bout du monde, William Morris
Commentaires