Les Navigateurs - Lehman - De Caneva

La bande du Panorama c'est trois garçons, Arthur, Sébastien et Max. Amis depuis le collège, les trois résidents de la rue du Panorama (sur les hauteurs de la banlieue parisienne) partagent les mêmes passions et vivent cette compacité qu'on crée quand on est jeune et qu'on fait tout ensemble. Viennent les années lycée où arrive une nouvelle, Neige Agopian. Photographe amateur, belle à se damner, l'adolescente se joint peu à peu à la bande et à son journal lycéen. Comme c'est souvent le cas, les trois gars gravitent autour d'elle. Puis Neige part, quittant le lycée et la France pour aller vivre à Londres, laissant les trois garçons un peu abasourdis. Vingt ans plus tard, Arthur croise Neige, rue du Panorama encore. Il prévient les deux autres, ils sont invités à un dîner de retrouvailles – qui ne se passe pas si bien que ça. Puis Neige disparaît...et les trois garçons se lancent à sa recherche. Les Navigateurs est un one-shot de Serge Lehman et Stéphane de Canev...

Semiosis - Sue Burke - Décevant


Fin du XXIème siècle. Un groupe de cinquante riches idéalistes quitte une Terre en proie aux tourments de la violence et de l'effondrement environnemental pour tenter un nouveau départ sur une nouvelle planète.

Pax, la colonie utopiste fondée après un siècle et demi de voyage en hibernation, est dotée d'une Constitution pacifiste, égalitariste, délibérative, et écoresponsable. Hélas, et en dépit d'un stock additionnel mais limité d'embryons congelés, ce sont moins de cinquante personnes qui s'établiront sur la terre promise (qui n'est d'ailleurs pas celle prévue – mais étonnamment l'histoire ne fait pas grand chose de ce détail), l'arrivée ne s'étant pas faite sans quelques accidents. Le pool génétique est étique, les ressources disponibles faibles (tant par manque d'emport que par absence de fer sur la planète), la survie de la petite colonie paraît problématique.
D'autant qu'il s'avère assez vite que, si la vie animale est gérable par les colons, la planète abrite des végétaux assez intelligents pour vouloir et pouvoir, et que ceux-ci risquent d'être des adversaires redoutables dans la lutte pour l'espace vital. La colonie devra alors s'adapter à un environnement radicalement nouveau pour survivre, et le faire en essayant de ne pas perdre de vue les idéaux qui ont présidé à sa création.

Sur le papier, "Semiosis" a tout pour être excellent. Un écosystème absolument dépaysant, une forme de vie sentiente originale en SF (d'autant que Burke joue largement de la capacité de synthèse chimique des plantes dont il est dit à un moment qu'elle joue le même rôle que les membres ou les outils pour les animaux ; cette capacité sert autant à contrôler les commensaux qu'à les gratifier des molécules – vitamines par exemple – qui leur font défaut, ou encore à attaquer les ennemis en les empoisonnant ou en attirant vers eux des prédateurs), une civilisation autre à rencontrer (un autre groupe de colons – les Glassmakers – antérieurement arrivés d'une autre planète et qui ont subi, eux, les affres de la rareté non mutualiste), plus les problèmes organisationnels concrets d'une micro-société en expansion lente.

Burke décrit, avec les Pacifistes, une de ces sociétés sans stock qu'on dit ici lignagères. Elle montre que la question de la survie ne cesse jamais d'y être prégnante, car une mauvaise récolte ou une saison de pluies trop fortes peut annihiler sans pitié un aussi petit groupe. Que les adultes valides meurent, que les bras manquent pour chasser ou planter, et c'est toute la colonie qui disparaît à brève échéance. Même s'ils sont aidés par les outils technologiques emmenés de la Terre (qui finissent par faillir), les colons font face sans répit à la rareté au sens le plus strict du terme.
La survie à long terme de la petite communauté ne pourra passer que par un mutualisme fécond avec l'organisme le plus « puissant » de la planète, un bambou géant à la recherche de commensaux qui deviendra même un citoyen à part entière de la communauté et adhérera avec enthousiasme à ses valeurs.

Dans son monde original mais finalement pas si détaillé que ça (un genre de prairie dans laquelle se serait posée une petite maison), l'histoire permet à Burke d'aborder quantité de questions intéressantes. La gestion de la rareté certes, mais aussi la politique dans une société sans Etat. Le premier contact avec des entités radicalement étrangères, et l'apprentissage patient de la communication inter-espèces. La nécessité de punir ou de faire la guerre (même si on se dit Pacifistes), quand le meurtre ou l'agression s'invitent dans la colonie. La question de la citoyenneté, de son octroi, et du statut de ceux qui ne l'ont pas. La difficulté à faire confiance, à accepter de servir pour être servi en échange (don – contre-don). La poids des anciens et des traditions dans un groupe trop récent et trop petit pour que chacun n'y soit pas le descendant direct des initiateurs du projet initial.

Tout ceci est bel et bon. Où est le problème alors ?

"Semiosis" est construit en sept chapitres s’étendant sur plus de cent ans. D'un chapitre à l'autre, le personnage-point-de-vue change évidemment, et les circonstances ne sont pas les mêmes (même si les derniers chapitres sont proches dans le temps).

De ce fait, impossible d'accrocher vraiment à un personnage, ni principal, ni secondaire. C'est très ennuyeux car ça détache du destin de la communauté (d'ailleurs peu décrite si ce n'est par name dropping). Au jeu du personnage captivant, c'est le bambou qui s'en sort le mieux et dont la psychologie est la plus fouillée, mais il n'intervient vraiment que trop tard et trop peu.

De plus, il ne se passe objectivement pas grand chose d'intéressant entre les premiers moments de l’installation suivie de la prise de conscience du rôle des plantes, et le climax final quand une confrontation violente devient inévitable. Et même cette partie, si elle a un coté fascinant avec le bambou jouant le rôle de chef d'orchestre chimique pour toutes les plantes environnantes et se montrant aussi omnipotent qu’empêtré dans son immobilité, abuse de termes biochimiques qui manquent singulièrement de poésie, et met de surcroît en scène toute une communauté de plantes dont on ne soupçonnait pas vraiment le niveau de l’intrication jusque là. Il y a là une sorte de Deus ex Machina un peu dérangeant.

Finalement, c'est un livre qui ne se hisse jamais à la hauteur de son potentiel. Sur ce coup, je rejoins largement l'avis d'Apophis.

Semiosis, Sue Burke

Commentaires

Anonyme a dit…
Tiberix : Déçu que tu n’ais pas aimé. Je crois que ce qui m’a au contraire enthousiasmé c’est que j’ai pris le bambou comme personnage principal qui se dévoile lentement après le 1er ou 2ème chapitre. Mais j’ai peut-être lu plus d’intention qu’il n’y en avait dans le livre.
Gromovar a dit…
Ca arrive. Et puis, on est au moins d'accords sur le bambou.

Je pense m'attaquer vite à Gnomon, de Harkaway. Si tu le lis aussi, on s'en parlera.
Cedric Jeanneret a dit…
Lu cet article aujourd'hui : https://www.letemps.ch/sciences/plantes-beaucoup-plus-intelligentes-animaux

Un complément intéressant à Semiosis je trouve ;)
Gromovar a dit…
Halte au plantisme.
Anudar a dit…
Comme dit dans ma chronique à publier demain : il aurait pu s'agir d'un classique mais il manque un peu d'ambition, et c'est dommage.
Gromovar a dit…
Ben oui, j'ai été déçu aussi.