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Le Dogue noir" est une novella de Neil 'himself' Gaiman. Elle se situe dans l'univers
d'American Gods ; on y retrouve logiquement Ombre en personnage principal.
De passage dans un village du nord de l’Angleterre
(ou en Ecosse), Ombre s'arrête dans le pub local. C'est la tempête. A l'intérieur, il fait chaud et lumineux
(on pourrait se croire dans l'auberge à la fin des mondes de Sandman, d'autant que l'illustration associée s'y prête). L’ambiance est amicale, même si la décoration est pour le moins surprenante.
Alors qu'il hésite à repartir à pieds dans la nuit tempétueuse, Ombre se voit proposer par un couple d'aimables Anglais un hébergement pour la nuit. Mais, dans la lande, le surnaturel rode. Le repos au sec offert à Ombre dérape et l'implique quand entrent dans la danse une mystérieuse jeune femme ainsi qu'un chien maudit dont on dit qu'il cause la mort de ceux qu'il suit jusqu'à chez eux.
Le texte de Gaiman, traduit par Patrick Marcel, est un joli conte noir, une petite histoire sombre comme on en lisait dans les
House of Mystery, ou dans
Sandman aujourd'hui. C'est une histoire d'amour tragique, de fantôme, de surnaturel s'introduisant dans les interstices de la réalité entre royaume de la faërie et Chasse royale. On y rencontre un
barghest, un monstre canin du folklore nord-anglais. Ce chien de malheur, on le croise dans la lande juste avant de mourir, il ressemble à celui qui empoisonne la vie des
Baskerville, on a pu le combattre à
Dungeons et Dragons.
Mais, au-delà du texte, ce qui fait la valeur de l'objet, ce sont les illustrations de
Daniel Egneus. L'artiste suédois fait du livre un véritable objet d'art graphique
(qui justifie le prix un peu élevé imho). Il l'embellit et l'enrichit.
Il l'embellit car au plat neutre du texte il ajoute un élément de visualisation qui en agrémente les pages.
Il l'enrichit surtout car les dessins de Egneus soulignent le propos du texte. A l'encre, parfois précis et d'autres fois plein de débordements ou de projections, entre McKean et Rorschach, il pénètre la page par les bords, puis s'étend, envahit les milieux, dégouline, noircit parfois complètement la page. Il s'insinue par les interstices puis grandit, de manière presque organique, jusqu'à devenir impossible à ignorer. Les dessins de Egneus sont le secret et le meurtre qui ne peuvent rester cachés, ils sont le surnaturel – toujours présent mais toujours difficile à voir précisément – qui s'insinue dans le réel prosaïque jusqu'à l'envahir complètement, en changeant par là-même radicalement la nature.
Je suis assez peu fan habituellement de l'expression « objet-livre » qui souvent désigne un contenant certes beau mais non signifiant. Ici, il l'est. Sans les illustrations le texte perdrait beaucoup, et mon plaisir de lecture aurait été bien moins grand. "
Le Dogue noir" n'est pas un livre, c'est une œuvre multimédia de fort belle qualité.
Le Dogue noir, Neil Gaiman et Daniel Egneus
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