The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Station Eleven - St. John Mandel - Retour de Bifrost 84


Toronto, bientôt. Victime d’un infarctus, le célèbre acteur Arthur Leander s’effondre sur scène en pleine représentation du Roi Lear. En dépit des efforts de Jeevan, un secouriste présent dans le public, il meurt sous les yeux de Kirsten - 8 ans, sa partenaire dans la pièce -, « échappant » ainsi à la pandémie de grippe qui, dès le lendemain, embrase la planète et tue en peu de semaines presque toute l’humanité. Vingt ans après, dans un monde en ruines, La Symphonie Itinérante - groupe de survivants à la fois troupe de théâtre et orchestre - parcourt le Michigan en jouant de communauté en communauté. Entre un monde qui se souvient, un monde qui oublie, un monde qui ignore, et un monde qui sombre, difficile de rester humain. La culture peut y aider. C’est en tout cas le crédo de la troupe : « Parce que survivre ne suffit pas ». Une troupe dont Kirsten fait partie. Et là, on sent venir le problème. Oscillant entre les trente années précédant la catastrophe et les vingt années qui la suivent, le roman – vendu comme post-apo – compte au moins autant de pages pré-grippe que post-grippe.

Pré-grippe : la vie et l’œuvre de Leander. Ses débuts, son succès, ses mariages, ses divorces, Hollywood, la presse people, les paparazzis, etc. Qu’en tire-t-on ? Quelques banalités sur l’importance de ne pas vivre une vie non désirée, de devenir qui on est, et d’atteindre enfin à la simplicité comme épiphanie.

Post-grippe : on est bien après les évènements. Si quelques nuisibles trainent encore, les troubles sont finis. Cheminant au milieu des vestiges d’une civilisation que les plus jeunes n’ont pas connue, la troupe connait le danger mais rien qu’elle ne peut gérer. Ses problèmes normaux, le roman le dit, sont ceux de tout groupe humain, jalousie, médisance, énervement. Et puis il y a ce Musée de la Civilisation, installé, paraît-il, à l’aéroport de Severn City, vers lequel se dirige la Symphonie et d’où viendrait, c’est surprenant, l’inquiétant prophète qui la poursuit.

Prix Arthur C. Clarke 2015, "Station Eleven" a une très bonne presse. Rien d’étonnant tant c’est romanesque au mauvais sens du terme. Enchevêtrement de destins qui se croisent avant et après la catastrophe (si on aime Molière et ses retrouvailles improbables, on adorera), passage de témoin par la biais d’objets transmis et retransmis par-delà les années de personnage en personnage, univers familier et clinquant avant, monde jamais stressant après, histoires d’amour qui finissent mal, importance de bien choisir sa voie sans se perdre en chemin, rédemption par la parentalité, fut-elle de substitution, rien ne manque. De personnages sans nom (le gros de la troupe) en situations émotionnellement convenues, le roman offre un plat voyage en terre inconnue qui ne risque jamais de déstabiliser le lecteur. Même les pages dans lesquelles la civilisation s’éteint un morceau après l’autre, qui devraient nous terroriser, sont plus stressantes dans le Earth Abides de Stewart et bien plus émouvantes dans le Bone Clocks de Mitchell ; d’autant qu’à la fin on sent bien que les choses vont finir par s’arranger.

Si j’avais dû offrir un post-apo à ma grand-mère, qui n’aimait ni le sexe ni la violence et lisait assidûment Jours de France, je lui aurais offert "Station Eleven".

Station Eleven, Emily St. John Mandel

Commentaires

Totirakapon a dit…
"Si j’avais dû offrir un post-apo à ma grand-mère, qui n’aimait ni le sexe ni la violence et lisait assidûment Jours de France, je lui aurais offert "Station Eleven".

Je pense que tout est dit effectivement, cette auteur canadienne (Dernière nuit à Montréal -
Last Night in Montreal) est très surévaluée...Elle écrit comme une cochonne, en fait...en anglais comme en français...C'est lamenteux et hontable...
Gromovar a dit…
Merci Totirakapon, je me sens moins seul (mis à part JDB qui est de mon avis).
LeMike a dit…
J'imagine que quand on survend, les gens deviennent "surévalués" :) et la déception est plus facile. J'étais venu à Station Eleven parce que j'aime bien le post-apo, je l'ai trouvé très bien parce qu'il n'est rien de ce que j'attendais, comme vous le dites vous-même, il y a d'autres très bons choix si on s'intéresse à la version sombre et violente du monde après la fin du monde. Station Eleven c'est autre chose, déjà ça nous rappelle que la survie n'est pas tout. C'est peut être un peu mickey mais cette symphonie qui se balade pour diffuser musique et théâtre d'avant, l'idée m'a paru très belle. Et puis il y aa ussi ce personnage qui fait sa bande-dessinée et qui a des scènes très émouvantes, la juxtaposition avec l'histoire de la BD aussi est intéressante.
Pour ce qui est de l'écriture, je commence à peine à lire de la VO régulièrement, je n'aurais pas la prétention de juger la langue mais "lamenteux et hontable" me parait très exagérant :)
Gromovar a dit…
Merci pour ce retour honnête et courtois.

En revanche, je n'ai pas le souvenir d'avoir écrit "lamenteux et hontable".
John Warsen a dit…
ce n'est pas toi, c'est Totirakapon dans son premier comm'.
J'en suis scandalé.