La Chanson du zombie - Harlan Ellison

Et bien, clairement, si Harlan Ellison ( le gars ci-dessous avec l'exquise veste safran) était toujours vivant j'adorerais être pote avec lui. Surtout que dans ce volume, il a écrit avec des potes. Je ne peux en dire plus, mais ça viendra. Rien de plus. Sinon voici ce qui m'attend :

Red Snow - Ian MacLeod - Finement ciselé


J'aime beaucoup L'âge des lumières et éperdument Les îles du soleil. Aussi, nouveau MacLeod = lecture obligée. "Red Snow" donc, son dernier opus, dévoré. Et "Red Snow", c'est du pur MacLeod, avec tout le caractère laudatif dont je charge cette affirmation.

Ouest américain, peu après la Guerre de Sécession. Karl Haupmann, chasseur de primes, vient de soulager une petite ville en abattant les deux meurtriers qui la terrorisaient. Banal, direz-vous. Pas tout à fait. Les meurtriers – des soldats perdus déserteurs de l'armée nordiste – n'étaient pas des salauds ordinaires, et Karl Haupmann – ex-médecin militaire démobilisé – non plus ; les uns et l'autre se connaissaient, tous trois étaient devenus plus ou moins qu'humains, après une mauvaise rencontre sur le champ de bataille. Pour les soudards en goguette, l'aventure se termina dès les premières pages du livre sous les balles en argent d'Haupmann, mais pour le tireur lui-même, la quête des origines de sa sinistre condition ne faisait que commencer.

A partir de ses prémices dans l'Ouest des années 1860, "Red Snow" est un roman-tachyon qui se déploie autant vers le futur que vers le passé. A la recherche d'une Némésis dans un sens et d'une généalogie dans l'autre.

Dans le style caractéristique de l'auteur, fait d'une grande économie de mots et d'images que leur concision même rend poétiques, "Red Snow" raconte une histoire de perdition.
De sa jeunesse à sa fatale rencontre, de sa dérive à travers trois continents à son retour au New-York de son enfance, Haupmann traverse le temps à la recherche de l’origine de son mal, entraînant le lecteur à sa suite de la Révolution française aux bords antiques de la Mer Noire en passant par la Pologne médiévale. De pas en pas et d'année en année, de vie réelle en réminiscences de vies antérieures, alors qu'il parle de moins en moins, que son humanité le quitte lambeau après lambeau et que les intervalles de temps entre deux moment de sa vie narrée sont de plus en plus grands, Haupmann approche toujours plus près de sa cible – le monstre originel – sans jamais en être assez proche pour la toucher. Il lui faudra même passer le flambeau à une continuatrice, Harry, une jeune marxiste des années folles, victime d'une histoire qui la dépasse autant qu'actrice prédestinée des événements (tachyon encore).

Centré sur ses personnages – Karl, Sibylla, Harry, Ezekiel – MacLeod documente la descente aux enfers d'un homme que rien ne prédisposait à un tel destin.
Il décrit, à travers les yeux et les perceptions de ses personnages, le temps long des changements socio-historiques et la déconnexion que peuvent ressentir les êtres aux vies trop longues (et face à la frénésie transformatrice du monde moderne, toutes les vies sont trop longues, comme le sont aussi toutes celles qui connaissent des temps de grands bouleversements).
Avec une extrême finesse, il peint par petites touches un tableau impressionniste des périodes que ses personnages arpentent, offrant au lecteur, comme par inadvertance, les innombrables détails qui les caractérisent.
Et il n'épargne rien de la dureté des personnages ni de celle du monde. Mais, avec grande délicatesse, MacLeod raconte des horreurs avec la parcimonie de celui qui ne fait que suggérer la chose et la précision de celui qui ne veut pas que son message risque d'être incompris.
Peu dialogué, sautant d'une année à des années plus tard ou à un flash-back, "Red Snow" donne l’impression d'un rêve, ou d'une rumination. Fait de bribes cohérentes entre elles en dépit d'une temporalité fragmentée.

Un rêve ? Un cauchemar plutôt. Car ce que raconte "Red Snow" est aussi noir qu'éprouvant. Et que par-delà l'épisodique dureté s'en dégage une grande nostalgie empreinte de tristesse. Tristesse des temps enfuis, des projets engloutis, des proches disparus, d'un monde devenant de plus en plus incompréhensible. Tristesse aussi de la déliquescence inévitable du vivant, et de la course de vitesse contre le monde toujours perdue par les hommes.
Même après ce qui termine objectivement l'histoire, MacLeod se paie le luxe d'une conclusion qui ramène le temps qui passe au centre et démontre s'il en était besoin que le sujet du roman est là, bien plus que dans tel ou tel mystère fantastique.

Un très beau livre donc, avec de beaux personnages tant principaux que secondaires, une attention véritable portée à l'histoire politique et sociale du monde dans lequel ils se meuvent, et une de ces tristesses qu'on éprouve avec une paradoxale délectation. Du pur MacLeod vraiment.

PS : Le récit est lent, taiseux, fragmenté. Il ne conviendra sans doute pas aux lecteurs lents qui lui reprocheront de progresser trop lentement.

Red Snow, Ian MacLeod

Commentaires

yogo a dit…
J'aurais au moins appris un mot avec cette chronique (Laudatif !).
Merci
shaya a dit…
Ça a l'air d'être un chouette roman en tout cas !
Gromovar a dit…
C'est un très chouette roman.

Et on n'a jamais trop de mots ;)
Anonyme a dit…
Et si on lit pas bien l'anglais ?
"Némésis" est de plus en plus utilisé à tort et à travers...

Ramon Mercader y Balaguer
Gromovar a dit…
Si on ne lit pas bien l(anglais, on attend une traduction.

Et je ne pense pas que Némésis soit utilisé à tort et à travers ici.
Totirakapon a dit…
Ça risque d'être long pour une traduction...Je vais le tenter...