The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

10 ans de Quoi de neuf : Cédric Ferrand intervient


Après mes deux collègues blogueurs, Cédric Ferrand apporte une amicale contribution aux festivités. L'auteur de Wastburg, Sovok et du récent Et si le diable le permet offre au blog cette chronique de la campagne The Two-Headed Serpent pour l'Appel de Cthulhu version Pulp, une chronique qui est donc techniquement un Cédric Ferrand inédit. Oh putain ! Le premier inédit du blog !


Il y a plusieurs manières d’aborder le jeu de rôles L’Appel de Cthulhu. Certains s’en servent comme d’un jeu très historique et passent des heures à interpréter leur investigateur dans un cadre social hyper précis qu’ils vont essayer de reproduire le plus fidèlement possible autour de la table. Ces joueurs peuvent jouer six mois avec un plan du manoir de Downton Abbey et des intrigues familiales à tiroir où le Mythe fera timidement apparition.

D’autres envisagent l’Appel comme un jeu d’enquêtes avec des tentacules. Ils aiment la collecte d’indices, la déduction et finir la soirée de jeu en ayant le sentiment d’avoir vaincu l’énigme proposée par le MJ. Le colonel Paddington a bien été tué par une dague sacrificielle mondaï dans la bibliothèque car il était sur le point de découvrir l’Inavouable secret de la famille Scanton.

Et puis il y a les adeptes de l’exotisme qui n’aiment rien tant que de parcourir le globe pour vaincre les créatures du Mythe. Un indice trouvé à Dallas, une preuve sécurisée à Madrid, un PNJ important rencontré à Dubaï, un grand final à Phnom Penh pour éviter l’invocation d’un Grand Ancien. Ils veulent voir du pays et courir après la montre afin de sauver le monde.

On peut bien évidemment mélanger ces trois facettes lors d’une même campagne en faisant voyager les investigateurs sur tous les continents et, à chaque étape, prendre méticuleusement le temps de reconstituer le cadre socio-politique afin de proposer une enquête scriptée aux petits oignons. C’est la grande force de L’Appel de Cthulhu : alors que le jeu est en apparence ultra borné par l’œuvre de Lovecraft, il est en fait très plastique. Et quand en plus, on ne se contente pas des années 20 et des environs d’Innsmouth, l’AdC devient un jeu de rôles combinatoire flirtant avec l’infini. Des cowboys et des tentacules ? C’est possible. Des vikings et des ghoules ? En voilà. Des apiculteurs giscardiens qui luttent contre Nyarlathotep ? Et pourquoi pas ?

Reste que quelque soit l’optique choisie par la table de jeu, il en est une si honteuse qu’on préfère ne pas en parler : la version pulp. Pourtant, à chaque table de l’AdC, il y a systématiquement un joueur qui propose de tout faire péter à la dynamite. Ou qui a mis 65% en Pistolet dans l’espoir de vider son chargeur dans la poitrine du sectateur en chef (on appelle ces gens des barjots, NdG). Et bien, The Two-Headed Serpent est une campagne qui a été spécialement écrite pour ces joueurs qu’on qualifie généralement de bas du front : les amateurs d’aventure décoiffante. Ils se rêvent en Indiana Jones contre la momie d’Uncharted dans les mines du roi Salomon de Lara Croft. Et bien ils vont en avoir pour leur argent.

Évidemment, ça va spoiler vertement à partir de là, aussi ne venez pas vous plaindre si je divulgache à tout vent : vous êtes prévenus.

Les années 30. Les joueurs incarnent des aventuriers travaillant tous pour Caduceus, une sorte d’ONG à la Croix Rouge qui apporte réconfort aux nécessiteux à travers le monde. Un tremblement de terre, un génocide, une épidémie ? Caduceus déploie des médecins, des infirmières et des médicaments pour soigner le monde, en faire un endroit meilleur, pour toi et pour moi et toute la race humaine… Et donc les PJ sont des gens qui facilitent le travail de ces intervenants sur le terrain. Moi je parle toutes les langues du monde, donc je vais faire l’interprète avec les victimes. Moi je suis le plus grand chasseur, je vais assurer la sécurité du camp contre les dangers de la faune locale. Moi, je suis le détective alcoolique, je me demande bien ce que je viens foutre là mais je vais suivre le groupe quand même.

Et Caduceus envoie les PJ sur leur première mission : une guerre en Bolivie. La scène d’introduction met en scène les PJ s’approchant de la zone de conflit les bras chargés de médocs quand, paf, leur chef de mission se prend une balle en pleine tête. Oups. Là, baston, forcément, et étrangement, les adversaires ne sont pas uniquement des soldats en goguette mais aussi d’infâmes hommes-serpents.

Les PJ découvrent soudainement que Caduceus n’est pas juste un organisme de bienfaisance internationale, c’est surtout une couverture pour la lutte contre le Mythe. Et patatras, il y a une momie serpent, du danger, de la magie qui fait peur et des scènes d’action à gogo. Quand ils rentrent au siège social de Caduceus à New York, ils découvrent les moyens de l’institution qui les a recrutés malgré eux et ils s’en vont vers la mission suivante, qui, ô surprise, met elle aussi en scène des serpents.

Autant que les joueurs s’y fassent tout de suite car les 9 chapitres de la campagne sont tous reptiliens. Mais bien, hein : un culte vaguement pentecôtiste dans l’Amérique profonde, Calcutta, le continent perdu de Mu… Les joueurs vont voyager sans compter pour foutre des coups de poing et balancer des rafales de balles dans des décors de cinéma. C’est varié, c’est haut en couleurs, c’est digne d’une bonne série B. Parce que oui : c’est kitsch. Faut pas se leurrer, quand tu luttes pied à pied avec des serpents qui prennent forme humaine pour dominer le monde, c’est difficile de se prendre au sérieux. Ça ne veut pas dire que c’est mal fait, mais ça n’est pas le genre d’histoire que tu racontes à la machine à café un lundi matin si tu veux briller en société (« Et alors là, mon égyptologue a dégainé son pistolet et a tué, Splanisssh, le serpent-prêtre, d’une balle entre les deux yeux… ») Et c’est kitsch dans le sens où par moment, l’intrigue ne joue pas avec les clichés mais en abuse. Dès le premier scénario, un lieu important pour l’intrigue est protégé par un pentagramme magique qui n’a aucune raison d’avoir cette forme, si ce n’est que c’est la tradition, c’est comme ça ma bonne dame, les cercles de protection magique c’est forcément des pentacles, faut pas chercher…

Non, mon seul reproche tient au titre. Le serpent à deux tête. Or les PJ travaillent pour Caduceus, soit le Caducée, un symbole ultra connu qui montre deux serpents entrelacés. Donc si les joueurs font normalement gaffe, à la seconde où le MJ met en scène un homme-serpent (soit au bout de 2 minutes de jeu puisqu’ils attaquent à visage découvert dès la première scène), il se doute que l’organisme pour lequel il bosse est lié aux hommes-serpents. Si en plus le MJ leur a dit le nom de la campagne, il peut s’asseoir sur l’idée de surprendre les joueurs avec la révélation le plus téléphonée du monde : Caduceus n’est pas ce que les PJ croient (c’est fou, je sais, j’en suis moi-même tout retourné).

Bref, c’est une campagne pulp qui déroule tout son classicisme. C’est à la fois réjouissant car c’est précisément ces ingrédients que l’on vient chercher quand on fait appel à une telle recette, et en même temps, c’est tellement attendu, comme résultat, que c’est un peu décevant. Évidemment, y’a un passage dans les Contrées du rêve. Forcément, y’a un temple qui ressemble à celui de Thulsa Doom dans Conan. Oui, la référence à la phobie des serpents d’Indiana Jones est marrante. Mais à aucun moment j’ai vu une situation qui m’a surpris ou une idée de mise en scène qui renverse la table. Sous le prétexte d’être une campagne un peu fofolle qui joue avec les clichés pulp, elle se contente justement d’aligner les images d’Épinal du genre. Je sais que c’est paradoxal de lui reprocher ce qui fait sa raison d’être. Reste que ça forme un terrain de jeu très jouissif pour des scènes d’action débridée et de la déconne entre amis. En assumant l’aspect kitsch et en s’en amusant en jeu, il y a moyen de passer de chouettes soirées à empêcher les hommes-serpents de dominer le monde. Et c’est quelque part pas plus con que d’essayer d’empêcher Hitler de dominer le monde.

Commentaires

Anonyme a dit…
Parent avec Richard Ferrand ?
Ramon Mercader