Le travail d’édition de Délirium sur Judge Dredd continue et c’est toujours de haut vol.
Voici donc "
Démocratie", un gros volume hardbound dans lequel sont réunis trois récits :
America,
Terror, et
Mega-City Confidential.
Les trois histoires, liées lâchement pour les deux premières et simplement proche dans la thématique pour la dernière, racontent le prix que le gouvernement des Juges fait payer à la Liberté (avec un grand L), aux libertés publiques pour être plus concret, et à cette Recherche du Bonheur qui, si elle n’est pas un Droit de l’Homme, est néanmoins l’un des objectifs que la Constitution donnait au gouvernement américain.
On a vu dans
Origines comment et pourquoi le gouvernement des Juges a pris le pouvoir. On voit dans "
Démocratie" comment il viole quotidiennement les droits les plus élémentaires de chaque citoyen pour se maintenir.
Les lecteurs de Dredd savent bien que le système pénal de Méga City One est d’une dureté extrême, ils savent que même les plus petites déviances sont sanctionnées avec une très grande sévérité et que le principe de tolérance zéro conduit à remplir les cubicles d’emprisonnement de citoyens innombrables, ceci dès leur plus jeune âge :
« il faut dresser les « juves » pour qu’ils deviennent des citoyens craignant les Juges ». Mais les lecteurs ont ici sous les yeux, dans une approche méthodique, la manière dont fonctionne le système. Et ce n’est pas beau à voir.
On voit les Juges chercher à se faire craindre de tous et y parvenir sans peine.
On voit la certitude morale dans laquelle ils se drapent pour justifier leur action à leurs propres yeux (avec un léger bémol pour Dredd).
On voit le Mouvement Démocrate échouer à obtenir pacifiquement des réformes du fait des manipulations de Juges qui ne veulent pas rendre leur pouvoir.
On voit les citoyens (le tiers qui a voté en tout cas) préférer par référendum la dictature des Juges à une vraie démocratie, ouvrant ainsi la voie à une légitimation des pratiques « judiciaires » les plus contestables.
On voit les Démocrates verser dans le terrorisme, ciblé d’abord, puis aveugle ensuite selon le célèbre principe qui dit qu’on ne fait pas d’omelette sans casser d’œuf (toujours demander à voir d’abord la gueule de l’omelette).
On voit les pressions qui transforment des citoyens en délateurs, des amis en délateurs, des amants en délateurs.
On voit les enlèvements extrajudiciaires qui permettent d’installer caméras et mouchards dans le corps même des suspects à leur insu.
On voit la presse, même « d’investigation », muselée. Clin d’œil à Hush-Hush ici.
On voit un système de surveillance généralisée qui rappelle celui de la NSA.
On voit le sort réservé aux lanceurs d’alerte et leurs proches.
On voit surtout des vies détruites, des amours aussi, des tragédies sans nombre dont le fonctionnement du système, pourtant censé avoir été créé au bénéfice des citoyens, est la cause unique.
C’est joliment raconté par John Wagner. C’est joliment dessiné par Colin Mac Neil dans trois styles différents.
Et ça se lit aujourd’hui, car il faut avoir vu à quoi ressemble une exécution judiciaire au pied de la Statue de la Liberté.
Judge Dredd Démocratie, Wagner, Mac Neil
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