"
Babylon's Ashes" est le sixième tome de la saga
The Expanse. Il est aussi la seconde partie d'un diptyque constitué avec le stupéfiant
Nemesis Games.
Après les événements apocalyptiques du tome 5, le temps est à la réaction. Il faut sauver ce qui peut l'être dans les planètes intérieures et réagir face à la menace mortelle constituée par l'autoproclamée Free Navy. Car, après le drame, et avant même que les morts puissent être vraiment pleurés, c'est l'humanité entière qui est menacée dans sa survie même par les conséquences de l'action d'éclat des Belters extrémistes. Si une petite chance de ne pas disparaître complètement existe, elle ne peut passer que par une forme à inventer de réconciliation entre exploiteurs et exploités, alors même que deux siècles d'exploitation et un massacre de masse ont exacerbé les haines, et que chacun ne voit dans l'autre qu'un ennemi sans nom et sans visage, comme une autre forme d'humanité à éradiquer sans faillir.
Si "
Babylon's Ashes" est rempli jusqu'à la gueule d'action, c'est encore ici
(GRRM style) les personnages, leurs valeurs, et la politique qu'elles impliquent, qui meuvent le roman.
James Holden est une fois de plus au centre du jeu, son statut d'électron libre le rendant indispensable à chaque faction comme modérateur et tiers neutre. Il réalise de plus en plus la schizophrénie qu'impose son engagement politique. James Holden n'est pas Jim ; les doutes et les faiblesses de l'homme ne peuvent apparaître derrière l'image publique du politique, ses préférences et émotions ne peuvent interférer dans la conduite de la guerre.
Car il a fort à faire. Il doit combattre, remplacer un Fred Johnson bien fatigué, préparer l'après en parlant avec tous pour tenter d'unir des groupes antagonistes derrière un projet commun de reconstruction équitable. Et, on ne se refait pas, tenter de rabibocher l'humanité en donnant un visage une voix, une vie, à l'ennemi. Nul n'est mieux placé que lui pour ce faire, lui qui couche avec « l'ennemi » Naomi Nagata, lui dont les propres parents ne voient dans sa compagne qu'une « skinny », une Belter honnie.
Face à Holden, Marco Inaros se pose en « libérateur et vengeur » des Belters exploités. Doté de bien plus de charisme que de cervelle, Inaros a, certes, rendu une forme de fierté à son peuple, mais il l'a fait au prix d'un massacre et se prépare à instaurer dans la Ceinture un régime de gestion autoritaire de la pénurie, paranoïaque, brutal, et autocratique. Parmi les Belters de base, parmi les leaders des factions qui ont comploté avec lui, on le suit encore, on veut encore croire en lui – car il faut bien qu'il y ait un héros à cette histoire –, mais de plus en plus il apparaît qu'Inaros
(en Che Guevara de l'espace) ne peut être l’homme de l'après. Doutes, trahisons, défections ; même les paranoïaques ont des ennemis. Jusque dans leurs plus proches.
Autour de ce duel qui oppose autant des visions politiques que des virilités blessées
(dont Naomi Nagata et son fils Filip, déchiré jusqu'à la rupture entre deux loyautés, sont les enjeux), gravitent de nombreux autres personnages.
Michio Pa, rebelle qui se rebelle à nouveau, portée comme Holden par une soif absolue de justice qui lui permet de dépasser ses loyautés obligées, paiera le prix fort pour son engagement. Devenant très vite un joueur clef de la partie, elle jouera un rôle important dans l'après, s'il y en a un.
Avasarala, sur la Lune puis sur Terre, doit gérer l'urgence puis, elle aussi comme Pa, dépasser ses préjugés pour discuter avec l'ennemi et bâtir l'indispensable paix.
Des deux côtes la méfiance est grande, les doutes aussi, mais la survie est à ce prix. On ne fait la paix qu'avec son ennemi. Et pour passer à la suite, il ne faut pas tenter de réparer les anciennes structures mais bien au contraire en inventer de nouvelles adaptées aux nouveaux temps créés par l'ouverture des portes spatiales. Des structures dans lesquelles les Belters auront un avenir qui n'est pas sans rappeler celui des Extros d'Hyperion ou des Navigateurs de la Guilde.
Les habitués du cycle verront la très positive et peu politique Bobbie Draper intégrer l'équipage du Rocinante à titre permanent, et, plus étonnant, Clarissa Mao s'y faire une petite place sous l'aile d'Amos. Ils retrouveront le docteur Prax dans un fil mineur qui montre néanmoins qu'existent toujours et partout de petits moments de résistance ordinaire. Sans oublier les différents chefs de faction OPA, chacun avec ses préjugés et son agenda propres.
"
Babylon's Ashes" inaugure un nouvel équilibre à construire pour l'humanité, sur les cendres et les ruines d'une longue iniquité. Le plus dur reste à faire mais les bases sont en place à la fin du roman.
Loin d'une SF militariste trop souvent bourrine, "
Babylon's Ashes" montre que si les batailles se gagnent sur le terrain, les guerres, elles, se terminent autour des tables de négociation.
Il montre que, contrairement à ce qu'affirmait De Gaulle, l'intendance ne peut que rarement suivre.
Il met en scène des femmes fortes dans des positions centrales.
Politique et guerrier, il se situe résolument dans la galaxie GRRM (avec notamment cette multitude de petits détails qui crédibilisent le monde), et engage aussi à tracer de troublants parallèles avec notre propre monde.
Babylon's Ashes, James SA Corey
Commentaires
Il va falloir que je pense à me plonger dans le tome 2 de la version française.
Il semble que la saga relève la tête par la suite, c'est tant mieux (en espérant qu'Actes Sud continue de traduire) !
Après, c'est comme toutes les sagas au long cours, c'est bien jusqu'au moment où tu considères que tu as eu ta dose.
Moi, pas encore.