Laurent Leleu écrivait dans Bifrost 80 «
De quoi faire retomber illico le quadragénaire à l’époque de l’âge d’or, quatorze ans en gros… ». C’est exactement le sentiment que j’ai eu, pensant en moi-même que, si le livre n’était pas si gros, je le passerais volontiers au mini Gromo de dix ans. Et que lui saurait en tirer ce qu’il a à offrir.
Moi, je suis plus vieux et, comme les matriarches éléphants, j’ai maintenant le cuir trop dur.
XXIIème siècle. Le réchauffement climatique a eu lieu, comme attendu, mais il a été géré et finalement maitrisé. D’immenses systèmes d’énergie solaire (africains) occupent le centre de l’Afrique et alimentent le monde. Des murs spéciaux (chinois) contiennent le montée des eaux côtières. La civilisation humaine s’est déplacée vers le Nord et sous les océans ; il y a maintenant de fait deux planètes en une, et donc deux ONU, l'une terrestre, l'autre aquatique. Hors du puits de gravité, des colonies existent sur la Lune, sur Mars et ses satellites, et au-delà. Plus loin, ce sont des usines automatisées qui expédient vers le système solaire intérieur l’eau et les minerais extraits des astéroïdes.
Techniquement, les modifications génétiques permettent d’envisager la panspermie, et l’illusion consensuelle de la matrice est physiquement dans les têtes. En effet, des implants ad hoc offrent à chacun l’accès permanent à un réseau informatique mondial et à des systèmes de réalité augmentée. Les humains peuvent même « habiter » des véhicules corporels extérieurs, artificiels ou humains, pour augmenter leur niveau de présence. Mais surtout, les implants personnels (plus des myriades de capteurs passifs disséminés partout) font que chacun vit sans cesse sous le regard du Mécanisme (rien que le nom m’amuse). Génie tutélaire informatique bienveillant (sur lequel on sait peu de chose finalement), le Mécanisme empêche tout acte d’agression par intervention directe et paralysante sur les implants. Pas qu’il ait souvent à intervenir ceci dit, car d’autres modifications corporelles ont éradiqué la plupart des pulsions agressives de l’espèce humaine. Pour que cette Suède circumplanétaire soit complète, toute intervention du Mécanisme donne lieu à de longues procédures d’évaluation et de rééducation du perpétrateur ainsi qu’à une autocritique aussi horrifiée que spontanée
L’espèce humaine vit donc dorénavant dans un Kindergarten planétaire où rien ne la menace, ni l’environnement ni elle-même.
Dans ce paradis futuriste vit la famille Akinya, devenue richissime et très puissante grâce au développement du solaire - imaginez la famille de Nigel Sheldon en Afrique. La fondatrice de la dynastie, Eunice, que plus personne n’avait vue depuis des décennies, vient de mourir dans la base orbitale dont elle avait fait son lieu de réclusion volontaire. La firme est maintenant tout à fait entre les mains des bien méchants Lucas et Hector, les cousins qui la dirigeaient déjà. L’autre branche familiale est constitué de Geoffrey, idéaliste qui étudie les éléphants d’Afrique et rêve de « fusionner » avec eux, et de sa sœur Sunday, une artiste un peu crevarde qui a choisi de vivre sur la Zone non observée de la Lune, loin du regard du Mécanisme. A l’issue des obsèques, les cousins proposent à Geoffrey contre rétribution/menace d’aller chercher pour eux, sur la Lune, ce que peut contenir le coffre bancaire qu'y possédait leur énigmatique grand-mère. C’est le point de départ d’un jeu de piste menteur à travers le système solaire qui va emmener les protagonistes vers l’infini et au-delà et exacerber la confrontation feutrée entre factions humaines (même si on en reste à des coups de papattes).
Au tout début, j’ai cru avoir affaire à une réécriture de
Citizen Kane. Puis j’ai fini par chercher sur Internet pour savoir si ce roman était Jeunesse ou au moins YA. La simplicité du récit, la faiblesse du
world building, le jeu de piste un peu absurde qui ne sert finalement à rien d’autre qu’à balader les protagonistes à travers le système solaire en vain et à organiser des rencontres improbables (le dernier moment sur Mars en étant l’illustration le plus évidente), font vite baisser la jauge de l’intérêt. De plus, la bonhomie ostensible des personnages, leur manière de s’exprimer à coup de « petit frère » et autres, leurs oppositions qui semblent devoir se régler à coup de tirage de langue, le vocabulaire même qui est utilisé pour décrire, laissent supposer une cible jeune et bien aimable. No sex, no drugs and no rock’n’roll chez les Akinya ; j’avais l’impression de relire le
Leviathan de Westerfeld.
Que l’homme qui a créé le très dark
Cycle des Inhibiteurs soit aussi l’auteur de ce roman amène à se demander si Mr Hyde est l’auteur du premier et le Dr Reynolds du second.
La Terre bleue de nos souvenirs, Alastair Reynolds
L'avis de
Lorhkan,
Lune,
Cornwall,
Lhisbei
Commentaires
Et je te rejoins sur le worldbuilding déficient : que sont devenues l'Amérique et l'Europe ? Qu'est ce qui a conduit l'Afrique a devenir le centre névralgique du monde ? Dans quelles circonstances ? Aucune info (peut-être plus tard...). L'histoire de la conquête spatiale reste très floue également...
Pour le reste, tu fais ton Gromovar. :D
Les délires avec les chinois sur la Lune, idem.
Et honnêtement, une intro de 600 pages, ça s'appelle du foutage de gueule. Sans compter que c'est quand même pas bien brillant du point de vue de l'histoire.
Moi je l'ai bien aimé, un peu de SF positive ça fait pas de mal (et tant pis pour l'intrigue un peu téléscopée).