Daryl Gregory : I’m Not Disappointed Just Mad AKA The Heaviest Couch in the Known Universe

Conseil aux nouveaux auteurs : Faites attention quand vous plaisantez en ligne. Imaginez, vous faites une blague sur l’écriture d’une histoire ridicule, quelque chose que vous n'écririez jamais ; ce n'est qu'une bonne blague jusqu’à ce qu’un éditeur en entende parler et vous demande d’écrire cette histoire. Il y a quelques années, sur un site, je disais à quel point Iain Banks était mon écrivain préféré mais que si je devais écrire un space opera, ce serait sur deux fumeurs défoncés qui manquent la guerre interstellaire parce qu’ils essaient de déplacer un canapé d’un bout à l’autre de la ville. Jonathan Strahan est alors intervenu et a dit : Je publierais ça. Ha ha ! Très drôle. Il a alors ajouté : Non, vraiment. Plus tard, on s’est croisés à une convention, et il m’a dit : Alors, cette histoire façon Iain Banks ? Et voilà, c'est fait ! Je sais, c’est une histoire absurde, mais en ces temps sombres... Sachez juste qu’elle a été écrite avec beaucoup d’amour et d’admir

La maison dans laquelle - Mariam Petrosyan - Dans un verre d'eau


"La maison dans laquelle" est le premier roman de Mariam Petrosyan, écrit en russe et traduit dans plusieurs langues. Lauréat de maints Prix littéraires, le roman a très bonne réputation et il arrive aujourd’hui en France dans une traduction de Raphaëlle Pache chez Monsieur Toussaint l’Ouverture.
Énorme pavé de presque 1000 pages, "La maison dans laquelle" impressionne par sa présence physique, aussi pesante que celle de la Maison elle-même.

La Maison, surnommée la Grise, lieu et personnage. Où ? Quand ? Ce n’est pas bien clair mais ce n’est pas très loin de nous. Dans cette maison, cet internat pour jeunes handicapés qui ne dit jamais son nom, vivent de grands enfants et des adolescents. A l’écart du monde, elle les protège, les cache, les nourrit. Pour les sans bras, les en-fauteuils, les aveugles, et les autres, qui tous dépassent leur handicap d’époustouflante manière, elle est le lieu qui abritera leur coming of age. Mais, certitude aussi implacable qu’effrayante, ils devront la quitter à leur majorité pour partir vers l’extérieur, le monde adulte. En attendant ils vivent dans la Grise, lieu presque hors du temps, sécurisant par rapport à un monde du dehors perçu comme si hostile que certains recourent aux dernières extrémités pour ne pas s’y trouver projetés.
Quand le roman commence, Fumeur, dix-sept ans, est nouveau dans la Maison, il la découvre et la fait découvrir au lecteur, même s’il est loin d’être le seul à parler dans un roman qu’on peut qualifier de choral. Et la Maison est mourante.

Derrière les murs de la Maison, la communauté des enfants est constituée de groupes concurrents, territoriaux, lookés de façon à être immédiatement identifiables (on y trouve des Rats des Oiseaux, etc.). Chaque jeune n’est connu que par son surnom ; dans tout lieu total on renait en abandonnant les noms du passé, c’est vrai pour les marines de Full Metal Jacket comme pour les membres de la Nation of Islam par exemple. Même si des adultes (directeur, professeurs, éducateurs) supervisent, les jeunes vivent surtout entre eux. Ce n’est que sur leurs congénères que se focalise leur attention, ce n’est qu’en leur sein que naissent les enjeux et qu’ils s’y résolvent, que se font et se défont les hiérarchies, les réputations, « les légendes urbaines » locales. Bien sûr les adultes interfèrent parfois un peu, certains même un peu plus, bien sûr il y a quelques contraintes institutionnelles (médicales ou scolaires) auxquelles se soumettre, mais l’essentiel n’est pas là. C’est le fourmillement des jeunes que montre Petrosyan, leurs luttes de pouvoir, leurs allers/retours concurrence/alliance, leurs peurs, leurs mythologies, leurs croyances. Leur monde dont ils sont le centre et les bords à la fois. Il y a de Sa Majesté des Mouches dans ce roman, même si ici c’est quitter le lieu de l’échouage qui paraît terrible, et même si l’univers décrit est si hors du temps et si onirique parfois qu’on n’y trouve jamais le prosaïsme du roman de Golding.

Joliment écrit, y compris dans ses variations typographiques, extrêmement référencé, "La maison dans laquelle" est une métaphore sans doute réussie des tourments et du solipsisme social de l’adolescence. Certains ont écrit qu’on y trouvait du Poudlard. Pourquoi pas ? Mais noir alors. J’y vois aussi, outre la référence précédente, un écho d’autres romans d’internat tels que Le roi des Aulnes ou, dans un style absolument différent, l’émouvant Morwenna.
Moi, je n’ai pas adhéré, mais beaucoup d’autres, sans doute plus amènes, l’ont fait, eux. J’ai lu le roman comme un entomologiste en voie de démission observant une fourmilière qui ne l’intéresse plus. Je côtoie sans doute trop d’adolescents tous les jours pour avoir envie de m’y replonger le soir. Et j’ai du mal à faire miens les tourments grandiloquents de cet age un peu absurde.

La maison dans laquelle, Mariam Petrosyan

Commentaires

Xapur a dit…
Ouf, j'économise 1000 pages de lecture (en plus, ayant 2 ados à la maison, j'ai déjà ma dose^^).
Lorhkan a dit…
Il faut que je replonge dedans, j'avais bien aimé le début (mais du binge-watching de Star Trek m'a empêché de continuer... On a tous nos défauts ! :D ).
Gromovar a dit…
On s'en reparle quand tu auras avancé.
Thomas a dit…
Bien vu la parallèle avec Morwenna... Deux chefs-d'oeuvre sans pareil pour tirer toute la beauté du tourment adolescent.