"
Lightless" est le premier roman de C.A. Higgins, une jeune américaine diplômée d’astrophysique qui fait ses premiers pas dans le monde de l’écriture.
Elle a reçu de nombreuses critiques très positives que je trouve assez peu fondées après lecture.
Futur éloigné, quelque part dans le système solaire, au milieu de « l’espace, frontière de l’infini ». L’humanité a colonisé la banlieue proche de la Terre sous la direction, qu’on comprend rapidement dictatoriale, d’un régime nommé Le Système. L’Ananké, un vaisseau expérimental secret du Système, vogue entre silences eternels et espaces infinis.
Deux intrus s’y infiltrent dès le début du roman. Ils sont rapidement neutralisés. L’un est sans doute tué, l’autre est arrêté et devra être interrogé à bord de l’Ananké. Pour ce faire, arrive Ida Stays, enquêtrice réputée des services de sécurité (la police politique du Système), qui usera de toute sa technicité psychologique pour faire craquer Ivan afin de l’obliger à expliquer ce qu’il cherchait dans l’Ananké, à reconnaître ses crimes, et à compromettre ses complices.
C’est le long interrogatoire d’Ivan, soupçonné d’être lié au mouvement terroriste de libération de la mystérieuse Mallt-y-Nos, qui constitue l’essentiel du récit. Il a lieu alors que l’Ananké continue son voyage.
Mais l’intrusion a bouleversé l’équilibre du vaisseau. Le lecteur, qui se demande quel est le fin mot de cette histoire, est donc de surcroit témoin des tensions entre les (trois !) membres d’équipage du vaisseau, de l’hostilité tout juste rentrée qui oppose Ida Stays à Althéa – l’ingénieur informatique du vaisseau, la plus proche de l’ordinateur central - et surtout des multiples erreurs de plus en plus inquiétantes commises par un système informatique qui a été piraté durant l’intrusion sans qu’Althéa arrive à déterminer comment et sans qu’elle trouve un moyen de le remettre en état.
Durant 300 pages donc, l’Ananké vole, Ida Stays - dure comme le granit et sûre d’elle-même - interroge, les terroristes – loin, si loin du vaisseau - s’opposent au Système, et l’ordinateur central fait erreur sur erreur, à moins que ce n’en soient pas…
Car là, oui, il faut spoiler sinon rien n’est compréhensible. A cause du piratage (ajouter du chaos au chaos, and so on…), l’ordinateur central est devenu conscient. Mais il n’est encore qu’un bébé qui cherche à attirer l’attention, d’où les alarmes, les alertes, les colères, les caprices. MUHAHAHAHAHAHA !!!
Ce n’est qu’à la fin qu’Althéa comprend, d’où le suspense. Tout sauf insoutenable.
Car Lightless souffre de tant de défauts que c’en est indécent.
Aucun
world-building digne de ce nom ce qui en SF est très ennuyeux. Les vaisseaux vont très vite, certains utilisent même des trous noirs comme propulsion (comment ? pourquoi ? va savoir !). Le grand secret de l’Althéa, c'est quil est censé inverser l’entropie (là, j’ai failli tomber de ma chaise) ; on se croirait dans les explications techniques de Star trek. L’humanité s’étend loin mais on ne sait pas précisément jusqu’où. Le Système, on comprend qu’ils sont très méchants mais on n’a aucune description fiable de ce régime. Ah si, quand même. Ils diffusent en permanence des news de propagande, et l’écran qui le fait « regarde » son spectateur ; merci
1984 et ses télécrans.
Les personnages ne valent guère mieux que le monde. Silhouettes sans grande histoire, ils n’éveillent aucune émotion. Même ceux qui devraient terrifier, Ida Stays et Ivan, n’inspirent rien de plus que des haussements de sourcils.
L’ordinateur non plus. Il ne devient un point de vue, et encore, que bien trop tard. Aucun lien ne se crée avec le lecteur.
La narration, souvent redondante car Higgins a l’air de croire qu’il faut répéter
ad nauseam pour que le lecteur soit absolument sûr des motivations ou de l’état des réflexions, est rarement palpitante. Il ne se passe pas grand chose de significatif ; l’important est à l’extérieur, loin de l’Ananké.
De fait, il n’y a pas de montée en tension, pas d’incarnation progressive des personnages. C’est d’une lenteur et d’un manque de suspense absolument insoutenable. Ce n’est pas de la SF, loin s’en faut, mais c’est difficilement du thriller.
Un dernier pour la route : certains termes prêtent à sourire dans un roman de SF. Ainsi, les vaisseaux ont des « portes » par exemple, et des « serrures » qu’on peut « picker » en anglais. Mouais.
J’arrête là.
Avec "
Lightless", j’ai eu l’impression de revivre le phénomène
Ancillary Justice. Une débutante dans le métier, une idée que la presse US trouve marrante et originale, une narration qui vaut ce qu’elle vaut, et qu’importe ! Les articles élogieux se succèdent. Encore une fois, sans moi.
Si on veut de l'IA infantile, mieux vaut lire
Diaspora de Greg Egan ou
The Lifecycle of Software Objects de Ted Chiang.
Lightless, C.A. Higgins
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