The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

14-18 La tranchée perdue : Plus de limite

Après le tome 3, chroniqué ici, arrive très logiquement le 4, "La tranchée perdue", que je me fais un plaisir de chroniquer en ce 11 novembre.

22 Avril 1915, dans les environs d’Ypres. Normalement, ça devrait suffire comme chronique. Dans le doute, écrivons quelques lignes supplémentaires.

Ce quatrième tome débute alors que la guerre s’est clairement enterrée, et que des armes interdites par les conventions internationales s’apprêtent à être employées. Pris au piège de leurs tranchées, les belligérants sont prêts à toutes les atrocités pour tenter de briser l’équilibre qui est en train de s’établir entre deux lignes de front qui ne cessent d'avancer et reculer de quelques mètres au prix de milliers de vie à chaque fois. L’ennemi ne comptant pour rien, le gazer comme un rat semble une bonne solution. D’où le chlore, des tonnes de chlore qui affectèrent, lors de ce premier jour de guerre chimique, 15000 hommes et en tuèrent 5000. Ce n’est que plus tard, en 1917, que viendra le sulfure de 2,2' dichlorodiéthyle, plus dévastateur encore, utilisé pour la première fois de nouveau près d’Ypres, ce qui lui voudra son surnom d’ypérite (on l’appelle aussi gaz moutarde).

C’est toujours l’horreur de la guerre que racontent les huit amis de la série 14-18, une horreur qui se trouve comme concentrée dans les mots simples et glaçants qu’écrit à son amie le jeune et trop sensible Maurice. Je le cite : « La boue nous étouffe. La faim nous dévore. Les poux nous saignent. Les rats nous guettent. Le froid nous abrutit. L’ennui nous torture. La peur nous liquéfie ». Et puis, ce constat, terrible d’honnêteté pour le scénariste Corbeyran qui en est l’auteur : « Cette réalité, personne ne pourra jamais l’exprimer…Aucun talent artistique, même le plus développé, ne sera à même de traduire ce qui se passe ici…pas plus qu’aucune imagination humaine ne sera capable de le comprendre. Ceux qui ne l’ont pas vécu ne sauront jamais réellement ce qui s’est passé ici ».

Deux constats à l’issue de cette lecture. Un positif, un négatif.

D’une part, Corbeyran montre très bien que les poilus étaient d’abord des hommes. Sacrifiés, martyrs, victimes, évidemment, mais des hommes d’abord, avant l’uniforme et sous l’uniforme. C’est à dire que parmi eux il y avait des gars intelligents et des bourrins, des mecs biens et des ordures, des honnêtes et des filous. Le temps que laissent les dix tomes de la série à Corbeyran lui permet de montrer en détail les deux points qui font presque toujours défaut dans les BD sur la Grande Guerre : l’homme derrière le poilu, et les autres (souvent des femmes) qu’il a laissé à l’arrière. Cette humanisation est utile et nécessaire par ce qu’elle ajoute de réalisme et d’humanité à une situation que son exceptionnalité risque de rendre monochrome.

D’autre part, la liaison entre les histoires des huit amis et l’Histoire de la Grande Guerre est un peu moins réussie que dans les trois premiers tomes. En dépit de la qualité citée au-dessus (qui s’applique à l’ensemble de la série et pas uniquement à ce volume), ce tome 4 se lit bien plus comme un album historique que comme la chronique personnelle du groupe d’amis partis au front. Cette liaison qui fait la force de la série est moins présente ici (et c’est finalement la parole des femmes, à l’arrière, qui en tient imparfaitement lieu). Espérons qu’elle reviendra vite.

Néanmoins, c’est un très beau cycle historique qu’offrent Corbeyran et Le Roux, et il sera utile autant qu’agréable de continuer à lire les albums au fur et à mesure de leur parution.

14-18 t4, La tranchée perdue, Corbeyran, Le Roux

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