The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Les Folies Bergères : L'élégie du 17ème d'infanterie

Superbe album que ce "Folies Bergères". Beau, émouvant, et plutôt original dans la masse énorme des BD traitant de la Grande Guerre.
Début 1918, Verdun. La guerre n'en finit pas de ne pas finir ni les hommes d'y mourir. Dans une tranchée de première ligne tentent de survivre un capitaine et ses hommes, son frère aussi, devenu prêtre. L'horreur est permanente, lancinante, et bien connue des lecteurs de ce blog : les assauts vers des tranchées ennemies qu'on n’atteindra pas, les morts qui pourrissent dans le no man's land, la balle qu'on prend dans la tête juste parce que celle-ci a eu la malchance de dépasser un peu du sommet de la tranchée, le rata infect qu'on mange au milieu des poux et des rats. Mais, déprimés et désabusés, on se serre les coudes. On donne des noms de plats gastronomiques au salmigondis qu'on mange, on fait danser un pantin comme si c'était le bal, on se promet qu'après la guerre on ira aux Folies Bergères. Le plus tendre est finalement le capitaine, si affecté qu'il se réfugie de plus en plus dans un monde imaginaire, entre rêve et hallucinations.

Et puis survient l'incroyable : un condamné à mort qu'on fusille et qui ne meurt pas.

Superbe récit je le répète. Zidrou renouvelle de manière brillante un genre très encombré.

Mêlant réel et fantastique de manière bien plus convaincante - et utile surtout - que Dan Simmons dans Le grand amant, il livre une histoire dont le mystère finit par être levé de bien poignante manière.

Très documenté, il raconte le désarroi de ces officiers de ligne qui étaient dans leur immense majorité des civils qui avaient cru au message patriotique avant d'en voir la réalité sordide. Il tisse deux belles histoires d'amour, très différentes mais aussi fortes l'une que l'autre. Il rend leur désir sexuel à des poilus trop souvent décrits comme de purs esprits uniquement préoccupés de survivre. Il donne à voir la Voie sacrée, cordon ombilical qui assure la survie des soldats à Verdun mais aussi convoyeur livrant sur le front la chair fraiche dont il se repait. Il montre les soldats pénétrant dans les forts de Verdun comme dans leur tombe déjà. Il décrit de façon très réaliste le désastre d'un assaut échoué et le quotidien un peu fou des tranchées, une folie qui n'est pas sans rappeler celle qu'on observe dans Apocalypse Now par exemple. Il conclut, enfin, en apocalypse.

Et puis le dessin de Porcel est magnifique. Réaliste, expressif, colorisé en aplats gris ou sépia, il montre le champ de bataille comme rarement. On y voit du ciel le terrain lunaire grêlé de cratères d'obus qu'est devenu l'alentour de Verdun (les cratères y sont encore aujourd'hui même si de la végétation les dissimule un peu). On y voit les réseaux de tranchées, toujours en équilibre entre stabilité et effondrement. On y voit les cagnas. On y voit les hommes dans les positions courbées de leur vie précaire ou allongés pour l'éternité sous les yeux de leurs compagnons d'infortune.

92 pages superbes, superbes, superbes. Acheter et lire.

Les Folies Bergères, Zidrou, Porcel

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