The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Arche de Baxter : Ne manque qu'un raton-laveur

"Arche" de Stephen Baxter, est le second volet du diptyque entamé avec Déluge.

Déluge racontait l’histoire d’une montée cataclysmique des eaux consécutive à la vidange subite de gigantesques mers souterraines cachées jusque là dans le manteau de la Terre ; "Arche" commence alors qu’une grande partie des terres terrestres est déjà inondée. Les morts sont innombrables, les réfugiés plus nombreux encore, les Etats en voie d’écroulement tentent de sauver ce qui peut encore l’être. C’est dans ce contexte de disparition possible de toute l’humanité qu’une coterie de milliardaires décide de lancer une arche (au sens biblique du terme) dans les étoiles afin de permettre à l’humanité de survivre comme espèce en recommençant ailleurs. 80 survivants jeunes, triés sur le volet (parmi lesquels les enfants des initiateurs du projet), auront la lourde tâche de recréer une civilisation humaine sur un monde neuf.

Le temps est chichement compté. Il faut concevoir un vaisseau en usant de technologies à inventer dans l’urgence, transformer un petit groupe d’enfants en équipage efficace en lui apprenant sur des années tout ce qu’il devra savoir pour piloter un vaisseau inédit, et mettre au point des procédures et des règles assurant une chance de survie maximale au dit petit groupe ainsi qu’un potentiel de reproduction maximum couplé avec la plus grande diversité génétique possible.

Hélas, dès le lancement, parasité par quelques passagers clandestins, rien ne tournera vraiment comme prévu, et le très pénible exode envisagé deviendra vite un chemin de croix d’où il n’est même pas sûr que l’humanité sortira gagnante une fois toutes les épreuves surmontées. Car oui, "Arche" est un roman très noir. Il aurait donc dû me plaire.

Rempli d’idées intéressantes, "Arche" est néanmoins un roman plus raté que réussi (à tel point qu’à plusieurs moments on se dit qu’écrit par un auteur inconnu on en aurait abandonné la lecture).

D’une part, Baxter écrit trop long. C'est son défaut, ici comme ailleurs. Mais ici ça nuit à l'équilibre de l'ensemble. Avec une arche qui décolle à la page 190 sur 450, on se dit qu’il ne reste plus grand chose pour l’incroyable odyssée à venir - ça se vérifiera par la suite – d’autant que la partie préparation n’est guère enthousiasmante d’un point de vue scientifique.

En effet, comme dans le trop sous-estimé Titan, Baxter situe une bonne partie de son histoire sur Terre, à décrire la conception et la préparation de la mission. Mais, dans Titan, il s’agissait de rendre opérationnelle des technologies devenues obsolètes (navette spatiale). Ici, il faut inventer (et, certes, récupérer aussi le délirant Projet Orion), ce qui signifie mettre au point un Warp drive Alcubierre supraluminique en grosso modo 15 ans. Orion, c’est déjà limite, mais Alcubierre, là, c’est nawak. Baxter abandonne toute crédibilité scientifique et les lecteurs du roman verront combien souvent il le fait encore au fil des pages restantes (minage d’antimatière and so on). De ce point de vue, couplant aussi urgence extrême et délai court, les solutions imaginées par Neil Stephenson dans Seveneves sont bien plus convaincantes scientifiquement. Rien à espérer sur le plan scientifique donc. Même les contraintes environnementales spécifiques à un environnement totalement clos, si bien traitées dans Aurora, sont presque inexistantes ici sauf en bruit de fond intermittent.

Sur le plan sociétal – car le petit groupe devra faire société – ce n’est guère plus convaincant. Les évolutions culturelles, les fluctuations dans les rapports de pouvoir, tout est trop rapide. On a beau exhumer de ses souvenirs les expériences de Stanford ou de la Vague pour se dire que ce que décrit Baxter est possible, il est difficile de croire qu’un groupe d’hommes et de femmes entrainés leur vie durant à appliquer des procédures ciselées pendant des années leur tourne le dos aussi vite et s’effondre humainement au point où le fait l’équipage de l’arche. Et croire qu’un personnage tel Zane ait pu échapper aux multiples évaluations psychologiques… Ou Wilson aussi d’ailleurs…
Il y a ici, comme sur le plan scientifique, une recherche du rebondissement et du spectaculaire qui décrédibilise l’ensemble.

C’est dommage car il y a quand même quelques beaux personnages, condamnés à vie à porter, dans l'enfermement, une charge comme nul n’en a jamais portée, et quelques belles pages, poignantes, surtout vers la fin. Mais elles arrivent trop tard, après trop d’attente, d’ahurissement, et de déception. Passée la fête, adieu le saint.

Baxter n’a pas voulu choisir son sujet, entre terre et ciel, préparation de l’expédition et suivi de l’expédition, défi technologique et microsociologie de bistro, voyage et arrivée. C’est d’autant plus éclatant au moment de ce qu’il nomme le Split, quand l’équipage (pourtant minuscule) se divise en trois groupes distincts. De l’un on n’aura plus aucune nouvelle, de l’autre peu, restera la troisième auquel Baxter s’attache.

Il n’a pas choisi de quoi il voulait parler, entre apocalypse civilisationnelle, description à charge de la raison d’Etat (le plus froid de tous les monstres froids, disait Nietzsche), abus sur mineurs, parentalité dysfonctionnelle, DID, soif de pouvoir monarchique, paradoxe de Fermi (intéressante tirade de l’astronome du groupe sur le sujet, c’est sans doute Baxter qui parle), contact ou pas, enfin si, enfin non, quoique… Et ça c'est vu. Qui trop embrasse mal étreint.

Un livre qu’on déteste détester.

Arche, Stephen Baxter

Commentaires

erwann a dit…
" … quand l’équipage (pourtant minuscule) se divise en trois groupes distincts. De l’un on n’aura plus aucune nouvelle, de l’autre peu, restera la troisième auquel Baxter s’attache."
En fait, Baxter s'intéresse au devenir lointain des différents groupes dans les nouvelles "Earth II", "Earth III" et "Earth I" (dans le recueil Landfall), qui se situent plusieurs siècles voire millénaires après l'arrivée des colons sur ces planètes. Cela forme une conclusion, un peu courte malheureusement, au diptyque Déluge/Arche.
Gromovar a dit…
Merci pour l'info. J'irai voir quand j'aurai le temps.
Le lecteur lambda lui, en revanche, n'aura sûrement pas l'occasion de le faire.
Lorhkan a dit…
Il faut sans doute commencer par autre chose avec Baxter alors...
Gromovar a dit…
Oui. Tu as sans doute compris que j'adore Titan (même si c'est trop long aussi).

Mais je crois que Baxter, globalement, je vais faire une très longue pause.