Yal Ayerdhal in Bifrost 118 - La fin de la guerre éternelle

Dans le Bifrost 118 il y a les rubriques habituelles. Critiques des nouveautés, scientifiction and so on. Il y a aussi un édito d'Olivier Girard qui rend un hommage appuyé et émouvant à Yal Ayerdhal , un grand de la SF française qui nous a quitté il y a dix ans et dont je me souviens de le gentillesse et de la capacité d'attention à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, appartenait à ce milieu qui était le sien et qui est le nôtre. Dans le Bifrost 118 , il y a   donc un gros dossier sur Yal Ayerdhal (qu'on appelait entre nous simplement Yal) . Un dossier sur l'homme actif et en colère qu'il était, de ses combats pour le droit des auteurs à son militantisme intelligent (il y en a) . Dans le  Bifrost 118  il y a aussi une plaisante nouvelle de Yal Ayerdhal,  Scintillements . Il y raconte comment finit la "guerre éternelle" entre deux civilisations galactiques qui n'auront jamais pu communiquer. Dans un écho déformé de Lem ou d'Haldema...

Retour de chronique : Orion shall rise - Poul Anderson

Retour de chronique publiée dans Bifrost 75
"Orion shall rise", un des volumes de la série « Maurai », est un roman d’aventure politique et militaire post apocalyptique de Poul Anderson. Il fut publié en 1983, alors que débutait l’Initiative de Défense Stratégique, initiée par Ronald Reagan, et à laquelle Anderson fut plus ou moins associé dans le cadre du « Citizens’ Advisory Council on National Space Policy ». L’objectif du groupe était de sanctuariser puis de développer le programme spatial américain, l’IDS en étant un moyen car « elle était impossible sans développement de moyens économiques d’accès à l’orbite basse » (Pournelle). Il semble que, dans un second temps (celui de l’écriture du roman ?), Anderson ait perçu les risques hégémoniques que faisait peser l’IDS, finalement avortée.

"Orion shall rise" prend place plusieurs siècles après une guerre atomique qui a décimé l’humanité, en laissant une bonne partie aux franges de la barbarie. Retombées et épuisement des ressources ont ramené le monde, qui n’a pas perdu tout son acquis technologique passé, à une pratique de modération qui nous est inconnue (exemple : il n’y a plus de réseau électrique par manque de fil de cuivre plutôt que de capacité de production).

Au fil du temps, quatre pouvoirs principaux ont émergé, quatre formes de civilisation stabilisées dans une guerre froide qu’ambition et hubris tendent à rendre chaude.

Le Domaine est une société de type féodal construite autour du pouvoir de la seule base stratosphérique encore en fonction - grosso modo la France. La Fédération – Océanie - est une société technologique avancée à fondation tribale, porteuse d’une idéologie écologiste radicale. Les Cinq Nations des Mongs – Asie/Russie – forment une société inégalitaire à l’organisation militaire ; elles sont le cœur de la religion de Gaïa qui révère la Terre et la Vie. Enfin, l’Union couvre le NW de ce que furent les USA. Industrieuse et hédoniste, cette société est fondée sur un Etat central faible et la libre participation de citoyens libres à des Lodges, formes très étendues de communautés paroissiales, un rêve tocquevillien.

Au début du roman, l’équilibre des forces se rompt. Les hiérarchies sociales sont remises en cause dans chacune des sociétés, où les bases aspirent à plus de « démocratie » et gagnent à leurs arguments des fractions croissantes des classes dominantes. Le Domaine, sous la menace de l’Espagne Gaïanne, connaît un coup d’Etat aux motivations triviales. La Guerre de Puissance a fait passer, amèrement, l’Union sous dominion de la Fédération. Les Mongs intriguent dans leur immensité. Et, pour une fraction secrète de l’Union, il faut « qu’Orion se lève » ; un complot au long cours s’y attèle.

Le clash est inévitable. Il se produira au fil des presque 500 denses pages du roman. Anderson y aborde de très nombreux thèmes. Il montre comment la coexistence d’idéologies antagonistes conduit à des oppositions irréductibles où fleurit la raison d’Etat et que seule la guerre résout, temporairement. Il pointe l’insolence d’une superpuissance (la Fédération, sorte d’USA futur) qui impose sa vision au monde. Il discute le tabou nucléaire. Il décrit des fanatiques, tant politiques que religieux, faisant fi de toute morale pour faire progresser leurs idées. Il montre des hommes bons conduits à des actes condamnables, et la facilité avec laquelle on retourne un peuple par un discours enflammé. Il pose aussi ses deux discours récurrents : libertarisme militant qui éclate dans la longue description qu’il fait du peuple de l’Union, « individualiste et coopératif sur une base volontaire », et de son système politique (dont on voit que c’est l’absence de contrôle populaire au plus haut niveau qui le corrompt) ; volonté d’aller dans l’Espace, de partir à l’aventure hors du puits de gravité pour régénérer l’humanité. Plonger dans l’inconnu pour trouver du nouveau.

On regrettera que ce bon roman soit un peu long, et on s’amusera du machisme priapique qui le parcourt ainsi que des dialogues à l’eau de rose qui le parsèment. Les femmes, c’est pas ton truc, Poul. Faut arrêter !

Orion shall rise, Poul Anderson

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