Lire l’imposant album "Marvels" de Panini Comics le jour de
Pâques, c’est d’abord s’offrir une belle quantité d’Easter Eggs. En effet, les
quatre tomes de la mini-série complète de Kurt Busiek et Alex Ross, publiée en
1994 et récompensée par trois Eisner Awards et cinq Harvey Awards, sont truffés
de références visuelles. L’intégrale Panini récente, dans ses imposantes 200
page de bonus (autant de pages que la série elle-même) avec scripts originaux
et pré-projets successifs, a le bon goût d’en faire la liste détaillée, ce qui
permet de confirmer les quelques-unes qu’on avait vues et de rougir de honte en voyant toutes celles qu’on avait ratées.
Ceci dit, venons enfin à l’important, le récit. "Marvels",
c’est l’histoire des super-héros Marvel vu par Phil Sheldon, un homme de la
rue, photographe de presse de son état, qui n’est ni un héros ni même un ami
des héros. Sous un angle inédit, Sheldon transmet au lecteur ce que peut
ressentir un homme ordinaire confronté sa vie durant à l’extraordinaire.
Certes, Sheldon n’est pas tout à fait l’américain lambda. Son métier le met
souvent au cœur des évènements, son ami de jeunesse est J. Jonah Jameson, et il
croise fréquemment le jeune photographe Peter Parker pour qui il n’a guère
d’amitié - en raison de l'attitude de Parker à l’égard de Spiderman, qu'il juge
ambiguë et injuste - mais Sheldon est aussi un citoyen ordinaire, marié, père de famille,
qui vit en banlieue la vie d’un homme normal et travaille pour payer ses
factures, alors qu’autour de lui des héros surhumains combattent les nazis, des
astronautes en perdition deviennent une équipe aux pouvoirs incroyables, des
mutants « apparaissent » et terrifient une humanité qui entrevoit son
remplacement. N’oublions pas des Vengeurs dont on ne sait trop s’il faut les
aimer, les contrôler, ou les craindre, et une multitude d’autres surhommes, hélas entourés
d’autant de super-vilains, dont le pire est sans conteste ce Galactus qui veut
dévorer la Terre pour se sustenter. Diantre !
Confrontés à ces bouleversements sans précédent, les hommes,
Sheldon en tête, oscillent entre admiration et crainte, gratitude et jalousie.
On traite les Marvels comme des people dont la vie est fascinante mais aussi
comme des menaces car souvent leurs sorties se soldent par des destructions à
grande échelle. Comment des nains peuvent-ils vivre au milieu des géants ?
Que pensent les fourmis des pique-niqueurs qui les nourrissent ou les écrasent
indifféremment ? C’est le point de "Marvels", c’est l’occasion pour le
lecteur de comics de se voir enfin lui-même au lieu de regarder les héros.
"Marvels" est donc un bel hommage de Kurt Busiek à Marvel, superbement
dessiné par Alex Ross. Un comic de super-héros écrit par des fans pour des
fans. L’histoire du gars qui se demande ce que ça ferait d’y être en vrai, de
voir vraiment Giant Man enjamber la rue, Namor chevaucher le tsunami, ou
Galactus s’apprêter à détruire la Terre et à anéantir l’humanité.
On déduira de ce qui précède que l’album est à
réserver aux initiés qui connaissent très bien les personnages, mais surtout la
continuité. En effet, le traitement est elliptique, et, soit on connaît la
continuité par ailleurs et on peut relier entre eux les différents évènements
qui ne sont qu’effleurés par le récit (on ne voit que ce que voit Sheldon et de
la manière dont il le voit), soit on ne la connaît pas et le tout risque d’être
très cryptique. "Marvels" n’est pas un album pour entrer en Marvel. En revanche,
c’est une belle friandise pour initiés.
Marvels, Busiek, Ross
Commentaires
Comme j'ai déjà cette série en version Hachette-Marvel, je ne vais pas la racheter, mais n'étant pas un fin connaisseur de la continuité Marvel, je vais sans doute passer à côté de pas mal de détails... Tant pis...