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Les Perséides" est un recueil, inédit en français même si toutes les nouvelles qui le composent ne le sont pas, de Robert Charles « Spin » Wilson.
Neuf nouvelles donc, le feu étant ouvert par la glaçante
Les champs d’Abraham qui pose l’ambiance. Des points communs,
kind of. Toronto. La boutique Finders, librairie d’occasion. Quelques personnages récurrents, Déirdre, Oscar. Un amour explicite pour la SF, même si elle est diffuse ici et tangente parfois le Weird. Un amour des livres. Ouais. Mais surtout des thèmes dominants et un ton qui donnent une unité à l’ensemble.
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Les Perséides" est le lieu où l’humain, entre les pages du recueil que tient le lecteur ou d’un exemplaire déniché par un personnage chez Finders, rencontre l’étrange, l’inhumain, le résolument Autre. Celui-ci est extra-terrestre, infra-terrestre, ou existe entre les plans de réalité. Il est matériel ou pas. Bienveillant, malveillant, ou indifférent à l’humain. Mais quoi qu’il en soit il, est là. Jamais directement visible et pourtant accessible pour peu que les conditions appropriées soient réunies. Touchant l’humain et le changeant.
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Les Perséides" est aussi le siège d’une géographie étrange, d’un monde à côté du monde dans lequel on pénètre par inadvertance pour le meilleur ou pour le pire, que ce soit dans
La ville dans la ville - qui rappelle moins
The city and the city de Miéville que beaucoup des nouvelles contenues dans son recueil
Looking for Jake - comme dans
Protocoles d’usage ou
Le miroir de Platon.
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Les Perséides" est encore habité par la mécanique quantique et son approche si déroutante de la réalité comme probabiliste. La fonction d’onde représente l’ensemble des probabilités associées à une situation ou position. L’observation la fait « s’effondrer », l’oblige à « choisir », parmi toutes les probabilités laquelle s’actualise. Pour Wilson ce n’est pas vrai seulement pour les particules élémentaires mais aussi pour les vies humaines. Ce thème revient souvent dans les nouvelles. Il est même au cœur de celle intitulée
Divisé par l’infini. On rappellera qu’Egan avait poussé ce thème au bout dans son roman
Isolation.
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Les Perséides" est également un recueil parcouru par la solitude humaine, les aventures sans peu de lendemains, les séparations, les relations insatisfaisantes ou qui finissent par le devenir. L’humain ne trouve que rarement son double dans le recueil, et même quand il croit le faire c’est le plus souvent illusoire. Le romantisme de Wilson est noir, résolument.
Il se dégage alors du recueil une forme de tristesse sourde et émouvante qui fait peut-être mieux que tout le reste l’unité du recueil. Les histoires d’amour, quand elles existent, « finissent mal en général ». Les trahisons, petites ou grandes, abondent. C’est un recueil de fins d’histoires, de fins de vie, de déceptions ou d’espoir vains. A lire absolument en écoutant les Nocturnes de Chopin par Rubinstein. On y trouve la même sensibilité et la même délicatesse navrée.
J’avais déjà lu deux des trois nouvelles non inédites, à savoir
Les Perséides,
L’Observatrice, et
Divisé par l’infini. Elles m’avaient laissé un bon souvenir, pas beaucoup plus. Et je pense que ça pourrait être le cas pour beaucoup des textes réunis ici. Simplement, ici, tous rassemblés, il y a un effet d’accrétion qui donne une qualité émergente à l’ensemble. Le recueil intrigue, émeut, met souvent mal à l’aise. Plus que du Lovecraft ou du Borges, il y a du Ligotti dans ce recueil, le Ligotti de
The last feast of Harlequin par exemple – le même genre de pérégrinations et d’interrogations. Rien d'étonnant, ce dernier ne fait-il pas d’une certaine manière la synthèse des deux premiers ?
Les Perséides, RC Wilson
L'avis de
Nébal, de
Lune, de
Julien, d'
Efelle
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