The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Briser les vagues


Normandie, début du XXème siècle. Une IIIème République rurale dans laquelle la religion est encore très influente et où les notabilités se construisent sur des fondations de fortunes foncières et de légitimation élective. Un monde dual dans lequel les hommes sont libres d’aller et venir sans contrainte, y compris pour trahir leurs vœux de fidélité presque au vu et au su de tous, et où les femmes forment une sorte de majorité morale silencieuse, exerçant, avec l’onction du prêtre, un contrôle social tout de mépris et d’exclusion sur celles d’entre elles qui ne jouent pas explicitement le jeu de la soumission. Ajoutons qu’en dépit d'un suffrage dit « universel », les femmes n’ont pas le droit de vote et qu’elles sont encore souvent mariées (admirez le style passif !) pour des motifs économiques à des hommes qu’elles n’aiment pas et qui en usent ou abusent à leur guise.
Le devoir conjugal est une réalité, ainsi que la violence domestique. Dans un mariage de raison, le mieux qu’on puisse espérer c’est un conjoint paisible et la naissance progressive d’une affection voire d’une amitié entre les époux.

Un soir, dans le petit bistrot qui assure à Rosa et à son mari tuberculeux Mathieu le peu qui leur permet de vivre, quelques hommes du cru se lancent un pari pour déterminer lequel d’entre eux est le plus viril. Vanité de coq qu’il est impossible de rattraper et qu’il faut donc maintenant objectiver. Problème : qui jugera ?
Rosa, d’abord atterrée par la stupidité du pari dont elle est témoin, finit, quand les hommes ne trouvent personne de convenable,  par se proposer comme juge afin de gagner de quoi payer le sanatorium à Mathieu dont la maladie s’aggrave. Sacrifice physique mais surtout social pour sauver, à son insu, un homme qu’elle n’a pas choisi mais pour qui elle a fini par développer une vraie affection.

Dans cette bravade d’hommes, Rosa va plonger, mais de cette bravade d’homme, elle va s’extraire à son avantage. Prenant le contrôle du jeu, elle impose ses conditions, fait du pari une affaire sérieuse et réfléchie, se place dans une position digne qui ne laisse prise à aucune grivoiserie. Le village en sera bouleversé. Quant à Rosa, elle en sortira incontestablement grandie, aux yeux de tous les hommes impliqués comme aux siens propres.
Mais Rosa va aussi découvrir, au fil des jours, la cruauté des femmes pour qui l’insulte n’est pas de faire entorse à la morale mais de ne pas s’en cacher, le pouvoir fascinant de l’argent qui permet à ses contempteurs de s’asseoir sans frémir sur leurs inquiétudes morales initiales, et les bassesses stupéfiantes des jeux politiques.

Joliment raconté, superbement illustré dans un style réaliste où trait et couleurs s’associent pour donner à voir un monde campagnard disparu peuplé de figures mémorables, l’album évoque irrésistiblement une nouvelle de Maupassant dans son histoire et son traitement.
François Dermaut signe donc un bien bel album avec ce "Pari", tome 1 du diptyque Rosa, d’après une histoire de Bernard Ollivier.

Rosa t1, Le pari, Dermaut

Commentaires

Le pendu a dit…
Une tavernière nommée Rosa, qui se donne aux hommes du pays...
Le thème général est très proche du roman de Maurice Pons.
http://lependu.blogspot.ch/2006/12/rosa-maurice-pons.html
Gromovar a dit…
Merci pour la référence. Je le note. Je trouverais bien un jour le temps d'y venir.
JeFF a dit…
elle a pris les règles du jeu en main ...
Gromovar a dit…
Guère heureux, c'est vrai. Je modifie.
Efelle a dit…
Jolie chronique, les pages de preview qu'ont peu trouver en ligne donnent envie. Très Maupassant dans l'ambiance en effet. Mais comme on ne se refait pas, une idée de quand sort le second tome ?
Gromovar a dit…
Pas la moindre hélas :)