Faute de mieux, "Les Evènements" m’aura au moins fait rire (jaune) quand Jean Rolin m’y a fait découvrir l’AQBRI (Al-Qaïda dans les Bouches-du-Rhône islamiques). Sinon, ce roman, qui se lit en deux heures (n’est-ce pas un peu la marque de fabrique de la littérature française après Victor Hugo ?), m’a laissé sur ma faim. Décidément, j’ai connu des périodes plus fastes. Il faudra choisir avec soin ma prochaine lecture.
Futur très, très proche. La France vit une guerre civile « de basse intensité ». Qui a commencé ? Pourquoi ? Jean Rolin ne le dit pas. Cela lui a peut-être évité l’hystérie qui a saisi le microcosme à propos du roman de Houellebecq. Et pourtant certaines des milices en lutte sont islamistes (c’est clair dès la sixième page). Mais il y a aussi des nationalistes, des extrémistes de droite, des extrémistes de gauche, plus quelques milices bourrines. Tout le monde a fait pis que pendre, on le comprend, il y a des salauds et des victimes partout, donc ça va. Pas de procès en islamophobie fantasmée pour Rolin (et pourtant le titre du roman avait de quoi faire dresser l’oreille).
Et puis aussi, Rolin n’a pas de point de vue « politique » sur ce qu’il raconte, juste une sorte d’ironie désabusée qui fait régulièrement sourire en dépit d’une situation qui n’y prête vraiment pas.
Rolin se contente de faire traverser la France à son « héros », de Paris à Marseille. Un voyage périlleux au milieu d’une France dévastée qui offre l’image de tous les pays en guerre civile que nous voyons à la télé en nous disant que ça n’arrivera jamais ici - nous sommes en démocratie, en Europe, ce n’est que loin qu’arrive ce genre de choses, n’est ce pas ? On oublie sûrement la Bosnie-Herzégovine ou l’Ukraine, pour rester dans les environs.
Le narrateur de Rolin, désimpliqué et insensibilisé par les évènements récents, y est, lui, dans la guerre civile. Dans un pays dont le gouvernement légitime s’est réfugié à Noirmoutier, un pays où tout manque, où une force ONU (la FINUF) tente sans grande énergie de s’interposer, où des organisations humanitaires internationales portent secours aux réfugiés alors qu’on laisse les cadavres en place pour que les enquêteurs de la Cour Pénale Internationale puissent venir faire leurs constatations. Lors de son périple vers le Sud, désintéressé du sort des humains, le narrateur n’a de cesse de documenter la faune rencontrée. Tout au plus se préoccupe-t-il de sa protection en prêtant attention aux informations sur la situation en aval de sa route, et en portant un regard strictement tactique (c’est sans doute le plus troublant pour nous qui connaissons peu ou prou les lieux traversés) sur les panoramas ou l’architecture rencontrés.
Mais, en définitive, il n’y a pas de bût affirmé (si, un petit quand même) à cette pérégrination qui n’inspire rien de bien fort au personnage. On finit par être aussi désimpliqué que lui à cette histoire qui fait redécouvrir au lecteur les départementales si décriée par Jean Yanne en son temps. Il est allé de Paris à Marseille. Bon. Il a traversé un pays en guerre civile. Bon. So what ? Je l’ignore. Juste deux réflexions lui viennent à la fin du roman : la guerre civile c’est plein de gens qui tirent sur plein d’autres pour les tuer, et, partout où la probabilité de mourir n’est pas proche de 1, une vie presque normale reprend son cours entre deux alertes. C’est vrai. On aurait aimé s’y intéresser un peu.
Les Evènements, Jean Rolin
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