"
Half a crown" est le troisième et dernier tome de l’uchronie
Small Change, de Jo Walton.
A la fin de la lecture du premier tome
Farthing (bientôt chez Lunes d’Encre), je n’avais pas poursuivi car le roman se suffisait à lui-même et que j’avais d’autres fers au feu. Plus tard, j’ai lu avec plaisir
Ha’penny, qui se passe peu après et complète l’histoire de
Farthing.
Aujourd’hui je lis "
Half a crown", qui conclut la trilogie en étant, hélas, le moins bon des trois.
Partons du principe que les lecteurs ont lu mes deux précédentes chroniques. Comme ses prédécesseurs, "
Half a crown" est construit sur deux fils alternés. Dans l’un, une femme raconte à la première personne, dans l’autre, les investigations de Carmichaël sont narrées à la troisième personne. Cette alternance faisait des deux premiers volumes de vrais
page turner. Mais ici, le couple ne fonctionne pas.
Il y a deux raisons à ça
imho.
D’abord, le roman est situé en 1960, lors d’une conférence de paix – ou de partage du monde - réunissant (après l’anéantissement de l’URSS par un Japon nucléarisé) le premier ministre anglais Normanby, le chancelier Hitler, le prince impérial japonais, et quelques autres, dont le funeste Duc de Windsor qui tente un retour aux affaires. A l’occasion de l’événement, un coup d’Etat est en préparation ; c’est à Carmichael, de nouveau en piste, de le déjouer.
Problème, il est devenu le chef d’un service de police politique (surnommée la Gestapo par ses détracteurs) et « enquête » donc en lançant des ordres depuis son bureau directorial. Plus de terrain, plus de ce qui faisait les qualités du personnage, son flair, son sens de l’observation, son sens de la déduction. Vers la fin du roman, il paraît étonné lui-même d’avoir toujours ces compétences. Trop tard pour le lecteur. On voit donc Carmichaël fulminer, s’interroger, passer des coups de fil, avoir des réunions de travail, et guère plus. Mouais.
De plus, si l’intrigue politique est intrinsèquement intéressante, elle est ici trop survolée. Cette fois le nombre raisonnable de pages (environ 300) dessert Walton alors qu’elle la servait dans les deux premiers tomes.
Ensuite, le personnage féminin ne fonctionne pas. Loin des fortes et volontaires Lucy Kahn, qui épouse un juif en dépit de la consternation affligée de toute sa famille, et Viola Lark, qui renonce à son héritage patricien pour faire du théâtre, Elvira Royston est au mieux terne, au pire insupportable. D’une inculture et d’une naïveté absolues (qui s’expliquent certes par l’éducation aristocratique qu’elle a reçue), et d’une bêtise confondante qui donne souvent envie de hurler, elle commence par attendrir – pauvre petite fille riche déconnectée de la réalité – avant de rendre hystérique car nul ne saurait impunément être aussi stupide. Les pensées d’Elvira ne tournent qu’autour de sa présentation à la reine et des problèmes liés au mariage des filles dans la haute société anglaise. Même les graves mésaventures qu'elle vit, bien tard, ne la détourne pas complètement de ces problématiques.
Et pourtant, c’est Elvira, en grand partie, qui permettra de trancher le nœud gordien. Pas grâce à son intelligence – l’idée lui est donné par Raymond, un prolo intelligent et ouvert à qui sa classe a interdit l’accès aux études, le seul personnage vraiment aimable du roman même s’il ne fait qu’une courte apparition – mais grâce à ses contacts. Il y a surement un point là, mais celle qui sert à le démontrer assassine le roman par sa seule présence.
Je ne vais pas donner d’exemples ici, les lecteurs se feront une idée. Car il n’est pas inutile de lire "
Half a crown". Walton y conclut son histoire, complètement. On pouvait lire
Farthing seul, on pouvait aussi ne lire que le diptyque qu’il constitue avec
Ha’penny. Walton a voulu conclure avec "
Half a crown", refermer, d’une manière qui semble bien simple et rapide, la parenthèse, en bouclant ses fils narratifs et en remettant en scène, pour de brèves apparitions, des personnages des deux premiers romans. On pourra donc lire pour avoir une histoire complète en regrettant que la dystopie que constitue "
Half a crown" ne soit pas plus convaincante.
Half a crown, Jo Walton
Commentaires
Bon je le lirai quand même (c'est pour la cause) mais je suis moins chaude (merci de ne pas sur interpréter cet adjectif) sur les deux derniers tomes...
"Le cercle de Farthing (premier volume de la trilogie du Subtil changement), Jo Walton, en février 2015."
"Suivront, avec un taux d'incertitude acceptable quant au timing [...] et en fin d'année le second volet du Subtil changement orchestré par Jo Walton."
Et donc au mieux 2016 pour le dernier tome je suppose ^^
(non je ne cherche pas à faire concurrence à Google, c'est juste mon côté archiviste de la blogo qui parle)
Merci :)
Sinon, très dommage que le jeu de mot (Small Change : petit changement et surtout petite monnaie), sans lequel les titres n'ont pas grand sens, n'ait pas pu être préservé.
En parlant de farthing, j'ai souvenir d'une très belle note de bas de pages de Patrick Marcel dans L'Océan au bout du chemin. (là : http://scontent-a-cdg.xx.fbcdn.net/hphotos-xpf1/v/t1.0-9/1503356_976927609000453_5425604141035741861_n.jpg?oh=e05a70e3dd4b6a43a6548c20b4c224d2&oe=5546EC90)