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Silo origines" est le volume qui fait suite au
Silo de Hugh Howey. Simultanément préquelle et second point de vue sur la même histoire, il peut être lu de manière indépendante mais je ne le conseille pas car de nombreux mécanismes de fonctionnement des silos sont difficilement compréhensibles sans les explications données dans le premier ouvrage.
Origines est composé de trois parties, séparées dans le temps par de nombreuses années. Chacune de ces parties contient deux fils narratifs. La première montre la construction des silos et les premières années de leur fonctionnement du point de vue de leur architecte. La seconde, un siècle plus tard évoque un « effondrement de silo » évité au prix de mesures drastiques. La troisième, encore un siècle après, est contemporaine aux évènements du premier volume ; elle fait du lecteur l’observateur extérieur de ce qui s’y produisait.
Origines apporte de nombreuses réponses aux questions que le tome 1 laissait en suspens. Il satisfera donc la curiosité des lecteurs que le premier volume avait attisé. Qui a construit le silo ? Pourquoi ? Quelle est la cause de la catastrophe extérieure ? Qui a écrit l’Ordre ? Quel est le but des silos ? Qui commande ? Avec quels pouvoirs ? Et quelle légitimité ?
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Silo origines" se lit facilement et sans déplaisir. L’alternance rapide des chapitres entretient une tension de lecture, et l’envie de savoir appâte le lecteur, d’autant plus forte que la réponse est potentiellement dans le prochain chapitre du fil en cours de lecture, c’est à dire seulement quelques pages plus loin. C’est donc une lecture plutôt agréable, efficace et distrayante, même si le développement de l’intrigue est, du fait de sa construction tripartite, nécessairement un peu superficiel.
Néanmoins, ce qui me paraissait constituer des points faibles du premier volume est présent ici aussi. On ne se refait pas. Ni Howey, ni moi.
Il est entendu que le post-ap en dit plus sur celui qui écrit et son époque que sur une éventuelle catastrophe à venir. C’est toujours vrai. Mais ça peut être plus ou moins explicite, la métaphore plus ou moins fine. Entre guerre iranienne, drones, nanotechnologies,
Origines est trop ancré dans notre contemporanéité sans l’écran d’une métaphore convaincante. Et puis, bien sûr, comme on le sait au café du commerce, les politiciens y sont menteurs, manipulateurs, leur main droite ne sachant jamais ce que fait leur main gauche. Enfin, les causes de la frappe préemptive qui conduit aux silos paraissent soit trop légères soit trop peu développés par le récit. Mais peut-être les politiciens sont-ils paranoïaques en sus de leur malhonnêteté ?
Howey propose à ses lecteurs des moteurs et des thèmes qui ne le dépayseront pas en dépit du cadre dans lequel il les développe. C’est dommage, sauf pour le grand public.
Le héros d’
Origines en est un autre point faible. Contrairement à la charismatique Juliette du premier tome, l’histoire est portée ici par un jeune politicien embringué malgré lui dans l’aventure du Silo. Honnête, idéaliste, il prend finalement, dans le dernier tiers du roman, la responsabilité d’être le juste qui ramènera l’éthique dans la politique des silos. Bon. Mais Donald est trop éthiquement parfait pour être vraiment crédible, même s’il l’est plus souvent en paroles et tourments qu’en actes. Pourquoi a-t-il été choisi pour participer à l’aventure, par quelqu’un qui le connaissait pourtant bien, s’il était aussi peu fiable, si peu fiable qu’il fallait lui cacher la vérité jusqu’au dernier instant ? Mystère.
Le
Mr Smith des silos est de plus un geignard perpétuel, choisissant au début de tuer son désarroi à coup de psychotropes, s’essayant au suicide pour échapper à une réalité qu’il ne peut accepter, incapable, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’autre choix, de réagir à ce qu’il considère comme néfaste ; il faut dire que « Donny » est capable, parallèlement à son trouble, de réduire la dissonance cognitive en s’illusionnant très longtemps sur le caractère bénin de ce à quoi il participe.
Ce qui préoccupe vraiment Donny, pendant plusieurs siècles, c’est un vaudeville petit bourgeois dans lequel une ancienne maitresse menace son morne mariage et intrigue pour reprendre « son homme ». Ce risque est sa vraie source d’inquiétude ; ce risque, il parvient à le gérer. Cerise sur le gâteau, la « mauvaise femme » usera de son influence pour créer une situation propice à satisfaire ses élancements, situation qui forme le soubassement sans lequel le récit du roman ne peut exister. Les grandes tragédies ont souvent l’amour pour moteur mais Howey n’est pas Corneille. On se frotte les yeux d’incrédulité.
Nul doute que le troisième tome à venir permettra une vraie reprise du pouvoir par le « peuple », conduit par les indignés Donald et Juliette. C’est dans l’air du temps. Ca satisfera donc un lectorat grand public qui est la cible visée ici et qui sera content d’une métaphore légère dans laquelle il peut entrer sans trop d’effort. Pour ma part, je suis resté sur ma faim et je pense que ça sera le cas des lecteurs assidus de romans post-apo ou dystopiques.
Silo Origines, Hugh Howey
L'avis de
Lune,
Cajou et
BiblioManu
Commentaires
Je viens de dévorer ce second tome et d'écrire mon billet alors je m'empresse de venir lire les avis des autres afin de prolonger encore un peu mon incursion dans le Silo :D
Bon, après avoir lu ton billet attentivement, il est clair qu'on ne l'a pas vécu de la même façon mais je pense que ta conclusion en dit beaucoup ; je ne suis qu'une lectrice occasionnelle de SF et on peut donc me classer dans le "grand public" et j'ai donc adhéré à 100% à ces deux tomes (et encore plus à celui-ci qu'au précédent).
Pourtant je trouve de la vérité dans chacun de tes bémols... mais durant la lecture je ne les ai pas ressentis.
Allez espérons que le tome 3 réponse un peu plus à tes attentes. Vivement le retour de Juliette et surtout, des révélations sur le Silo 40 et ses voisins :)
Au plaisir de te lire,
Cajou
PS : je me suis permis de faire un lien vers ton billet dans le mien puisque tu offrais un autre point de vue :)
Content que tu es pris du plaisir à visiter le silo. Tu as raison, l'appréhension est différente suivant le degré de familiarité qu'on a avec le genre. J'en suis malheureusement au point où il en faut beaucoup pour m'étonner ;)
C'est comme avec les drogues, il faut toujours augmenter la dose ;)
J'espère que le tome 3 arrivera vite, répondra à tes questions et comblera tes attentes. Je te linke aussi.
N'hésite pas à repasser donner tes impressions sur d'autres choses.
PS : Je suis en train de lire Trois et je ne suis pas totalement convaincu (peut-être une nouvelle divergence entre nous ;)