Daryl Gregory : I’m Not Disappointed Just Mad AKA The Heaviest Couch in the Known Universe

Conseil aux nouveaux auteurs : Faites attention quand vous plaisantez en ligne. Imaginez, vous faites une blague sur l’écriture d’une histoire ridicule, quelque chose que vous n'écririez jamais ; ce n'est qu'une bonne blague jusqu’à ce qu’un éditeur en entende parler et vous demande d’écrire cette histoire. Il y a quelques années, sur un site, je disais à quel point Iain Banks était mon écrivain préféré mais que si je devais écrire un space opera, ce serait sur deux fumeurs défoncés qui manquent la guerre interstellaire parce qu’ils essaient de déplacer un canapé d’un bout à l’autre de la ville. Jonathan Strahan est alors intervenu et a dit : Je publierais ça. Ha ha ! Très drôle. Il a alors ajouté : Non, vraiment. Plus tard, on s’est croisés à une convention, et il m’a dit : Alors, cette histoire façon Iain Banks ? Et voilà, c'est fait ! Je sais, c’est une histoire absurde, mais en ces temps sombres... Sachez juste qu’elle a été écrite avec beaucoup d’amour et d’admir

Swedish Blue Velvet


"Les Furies de Boras" est un ouvrage du suédois Anders Fagers, à paraître en janvier aux Editions Mirobole.

Texte à mi-chemin entre un roman et un recueil de nouvelles, "Les Furies de Boras" décrit les évènements fantastiques qui se produisent autour - et parfois au-delà géographiquement même si les personnages sont liés - de la petite ville suédoise de Boras. Infestées de sociétés secrètes parfois très anciennes, les villes et les tourbières suédoises forment le cadre d’agissements, atroces ou incompréhensibles, qui dépassent l’entendement. Secrets pour la plupart, ces actes sont commis, en grande part, par une sororité occulte de filles jeunes mais impitoyables, d’autant plus terrifiantes que leur jeune âge pousserait à les croire inoffensives, ou alors inspirés par des êtres surnaturels.

Dans une succession d’histoires indépendantes mais liées (pour la plupart), Fagers recycle et modernise certains mythes lovecraftiens. Les débarrassant de leurs attributs classiques (livres interdits et vieux érudits entre autres), Fagers donne à voir au lecteur les actes ordinaires de ces cultistes que mettent à jour, et auxquels succombent souvent, les héros malheureux de Lovecraft. Shub-Niggurath, Ithaqua, et une pathétique Profonde, entre autres, habitent ainsi les pages des Furies.

Les Furies de Boras permet de faire la connaissance de la coterie matriarcale qui hante la ville de Boras. Pertinente description d’une ambiance rock (et ce n’est jamais facile) qui vire au cauchemar, l’histoire présente et installe lieux et personnages à l’occasion d’une virée orgiaque mortelle qui rappelle certains rites antiques de fertilité. Stimulante.

Le vœu de l’homme brisé est l’un des meilleurs récits. On y assiste, impuissant, aux malheurs de la guerre, et on comprend alors vraiment ce qui signifiait « vivre sur le pays ». Jusqu’à ce qu’un rien du tout se venge.

Joue avec Liam peut horrifier car son héros involontairement maléfique est un petit enfant de maternelle. On m’excusera, ça me laisse froid. J’ai trouvé cette histoire trop longue.

Trois semaines de bonheur est peut-être la meilleure histoire. Comment vit une jeune femme d’ascendance humaine incertaine ? Comment se reproduit-elle ? L’étrangeté de l’ambiance, le luxe de détails, font pénétrer le lecteur dans le monde, interlope et caché, d’une créature marginale mais paradoxalement intégrée à la société humaine. Humidité et viscosité sont tangibles dans cette histoire. On en sort gluant et mal à l’aise. Bien.

Un point sur Vasterbron décrit de manière quasi statistique un suicide de masse inexpliqué dans ses causes comme dans son déroulement. Mouais.

Encore ! Plus fort ! met en scène un couple étrange qui cherche à passer de l’autre côté du miroir par le biais de NDE obtenues par strangulations volontaires pendant des rapports sexuels. L’intérêt de la nouvelle vient surtout de la montée en puissance dans la folie commune qu’entrainent les premiers succès et l’émulation réciproque.

L’escalier de service, raconte les tentatives pour traiter une jeune fille hystérique grâce aux « nouvelles méthodes » de la psychanalyse. Mais la fille est-elle vraiment hystérique ? Les horreurs qu’elle décrit sont-elles purement imaginaires ? Cette histoire, trop prévisible, est malgré tout intéressante par l’absurdité des  traitements anciens de l’hystérie qu’elle montre. Elle peut rappeler, dans sa substance, Les rats dans les murs de Lovecraft.

Dans Le bourreau blond, on voit comment les coteries traitent leurs déviants. On y découvre que les traditions, chez Fagers, sont orales, et qu’elles peuvent donc être plus ou moins bien transmises, loin de l’approche écrite, voire encyclopédique, des cultes de Lovecraft.

Enfin, des Fragments, courts et d’intérêts inégaux, donnent accès à d’autres micro évènements ou servent de liant au fil rouge des récits.

La prose de Fagers est précise, descriptive et évocatrice. Il décrit de manière efficace les milieux qu’il visite et les états d’esprit des protagonistes de ses histoires. On le suit donc de lieu en lieu et de point de vue en point de vue, jusqu’à obtenir une vision assez claire de ce qui se trame sous la paisible vie suédoise, dans une approche, qui progression chronologique mise à part, peut rappeler La voix du feu d’Alan Moore.
De plus, "Les Furies de Boras" est original par son approche dépoussiérée du récit lovecraftien, et il se lit agréablement.

Le recueil pêche néanmoins par une narration parfois trop neutre qui montre sans engendrer de malaise. Le Weird y perd, même si le fantastique est là.
De même, la distance à laquelle les personnages sont installés par rapport au lecteur, parfois du fait de leur nature même, empêche de craindre pour eux. L’implication y perd. Les deux récits qui dépassent cette difficulté, à savoir Le vœu de l’homme brisé et Trois semaines de bonheur, sont, de fait, les meilleurs du recueil. QED.

Les Furies de Boras, Anders Fagers

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