Yal Ayerdhal in Bifrost 118 - La fin de la guerre éternelle

Dans le Bifrost 118 il y a les rubriques habituelles. Critiques des nouveautés, scientifiction and so on. Il y a aussi un édito d'Olivier Girard qui rend un hommage appuyé et émouvant à Yal Ayerdhal , un grand de la SF française qui nous a quitté il y a dix ans et dont je me souviens de le gentillesse et de la capacité d'attention à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, appartenait à ce milieu qui était le sien et qui est le nôtre. Dans le Bifrost 118 , il y a   donc un gros dossier sur Yal Ayerdhal (qu'on appelait entre nous simplement Yal) . Un dossier sur l'homme actif et en colère qu'il était, de ses combats pour le droit des auteurs à son militantisme intelligent (il y en a) . Dans le  Bifrost 118  il y a aussi une plaisante nouvelle de Yal Ayerdhal,  Scintillements . Il y raconte comment finit la "guerre éternelle" entre deux civilisations galactiques qui n'auront jamais pu communiquer. Dans un écho déformé de Lem ou d'Haldema...

Ding Dong


"Charly 9" est une BD one-shot de Richard Guérineau, adapté du roman éponyme de Jean Teulé – lui-même ancien auteur de BD.

De Charles IX, fils du très malchanceux Henri II et de la machiavélique Catherine de Médicis, l’Histoire retiendra, surtout d’un « règne » de 13 ans entamé à l’âge de 10 ans après la mort de son frère François II (au règne si court que peu de Français savent même qu’il existe), la Nuit de la Saint-Barthélemy, ignoble massacre des protestants parisiens par les milices catholiques qui ouvrira la voie à de nombreuses répliques dans la France entière. Etonnamment, maints efforts furent faits, des années durant, par Catherine de Médicis, vraie souveraine, même pas occulte, du Royaume de France, pour apaiser ces guerres avant que la politique ne change et qu’une solution plus radicale soit envisagée.

Lui succèdera le très contestable Henri III, sans doute encore plus sous l’emprise de sa mère, puis cet Henri IV qui calmera pour un temps les Guerres de religion.

Jean Teulé raconte, décrit et romance les deux années qui suivent le massacre, jusqu’à la mort, à 23 ans, de Charles IX. Tout n’est pas vérifiable - Jean Teulé choisit notamment de privilégier certaines interprétations, les plus croquignolesques, du rôle des uns et des autres dans ces années noires - mais la plupart des faits sont avérés. Et cette histoire est palpitante et bouleversante à la fois.

On y voit, de loin, l’horreur du massacre et des traitements infligés aux victimes.
On y voit un Charles IX (Charly 9), rongé par le remords au point de souffrir d’hématidrose, mais tiraillé simultanément par le besoin de justifier le bien fondé de son acte en le poursuivant symboliquement sur des quantités incroyables d’animaux qu’il tue en les nommant « protestants ».
On y voit le couple étrange qu’il forme avec son épouse autrichienne et l’interprète qui les suit partout.
On y voit combien le costume de roi était bien trop large pour ses épaules et comment il l’a progressivement écrasé.
On y voit sa sœur « la Reine Margot », guère plus heureuse, errer comme un fantôme dans les couloirs du Louvres.
On y voit l’omniprésence de sa mère et de ses ministres, et la surveillance constante de l’escadron volant sur le Roi.
On y voit l’amour délirant de Catherine de Médicis pour « ses chers yeux », le futur Henri III.
On y voit ses rares moments de bonheur auprès de sa maitresse protestante, Marie Touchet.
On y voit les nombreux épisodes de folie du roi, de la chasse solitaire à la passion pour les pâtés d’alouette, de la poursuite d’un cerf d’un cerf dans le palais du Louvres par un roi nu à cheval aux innombrables coups de ce cor dans lequel il souffle à tout propos.
On y voit la fin d’un souverain peut-être empoisonné par sa mère ou par des membres de sa coterie, et quoi qu'il en soit, mort jeune et épuisé.

Le texte résonne aussi à des oreilles contemporaines. Le royaume va mal. Les réformes royales ne donnent pas l’effet escompté - certaines tournent même à la catastrophe - et le roi se réfugie dans une langue de bois lénifiante qui enjoint le peuple à supporter les duretés du temps en attendant des jours meilleurs alors que commence à gronder la révolte des Malcontents. Surprenant.

Dans un style souvent ironique, l’auteur présente aussi le futur Henri IV, puant comme un putois, ou la lucidité d’un monarque qui sait ne pouvoir ni défaire ce qui fut fait ni infléchir le cours des choses, sans parler de reprendre la main.

Le dessin, dont le style change régulièrement - jusqu’à des hommages très surprenants - au gré de l’humeur du roi ou de la situation politique, soutient de belle manière le texte. Il montre justement les changements incessants d’équilibre qui se produisent dans l’entourage et dans l’esprit du jeune roi.

Au final un bien bel album qui choisit de valider la légende noire du règne. Au vu de ce qui est certain, le choix n’est pas absurde.

Charly 9, Richard Guérineau

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