Joseph Carey Merrick, je ne l’ai d’abord connu que par son surnom :
Elephant Man. On se souviendra du film somptueux de David Lynch, et sinon on courra le voir. Un choc. Absolu.
Je reviens aujourd’hui à la vie de Merrick, car elle vient d’être adaptée en BD par Denis Van P et Serge Perrotin, grâce au
crowdfunding, et c’est une bien belle adaptation qui se démarque intelligemment de celle de Lynch. Alors que l’histoire de Lynch se basait sur la biographie écrite par Frédérick Treves et se concentrait donc sur la vie de Merrick après sa rencontre avec le médecin londonien, Van P s’inspire de l’ouvrage de Howell et Ford ce qui lui permet d’être bien plus explicite sur l’enfance et la jeunesse, tragiques, de Merrick – même si, mort à 28 ans des suites de sa maladie, il ne connut guère plus.
Joseph Merrick, atteint du
syndrome de Protée, une maladie incurable dégénérative, est un enfant très laid – qui le devient progressivement de plus en plus – aux capacités physiques handicapées par ses difformités. Mais, l’album le montre, son esprit est parfaitement sain ; l’homme est même fin et bon. Qu’importe au monde ; sa vie sera un calvaire.
L’album décrit la vie du jeune Merrick. Damné de la génétique, Joseph eut à subir les brimades de ses condisciples, l’agressivité de son instituteur, la honte violente de son père, la haine explicite de sa marâtre – seule sa mère, morte de maladie, fut souvent compatissante. Il connut la peur dans les yeux des autres qui, la plupart du temps, engendre violence et agression. Incapable de travailler, rejeté de partout, même d’un asile de pauvres aussi malheureux que lui mais nantis de physique simplement normaux, il dut se vendre à une foire aux monstres et accepter humiliation et exploitation. Seule sa rencontre avec le docteur Treves lui permit de connaître un peu de calme et de bonheur, au contact d’une haute société londonienne qui s’était piquée de lui. Il mourut tragiquement pour avoir tenté d’être normal un instant.
Raconté comme ça, on pourrait se dire que l’auteur a vraiment chargé la barque et qu’il en a un peu trop fait. Mais Merrick a vraiment vécu, sa vie a vraiment été celle-là. Ce n’est pas l’auteur qui a chargé la barque de Merrick, c’est un Destin cruel qui l’a chargée pour lui. L’histoire ne peut qu’émouvoir. Elle est parfaitement contée.
Graphiquement le traitement de l’album est réussi. Succession de vignettes non jointes sur fond noir, elle présente la vie de Merrick comme une série d’instantanés illustrant des moments significatifs d’une longue vie de souffrance. Seules les dernières pages, celles dans lesquelles Merrick connaît les seuls moments heureux de sa vie, retrouvent une forme plus classique. De plus, un dessin de style presque humoristique amortit l’horreur de ce qui est montré, choix plutôt judicieux qui fait de cet album un objet sucré-salé plus digeste que ces chansons de
Berthe Sylva qu’il amène immanquablement à l’esprit.
Joseph Carey Merrick, Denis Van P, Serge Perrotin
Commentaires
Un très beau récit en effet. Je conseille vivement cet album.