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Daredevil, End of Days", traduit et publié par Panini, est une mini-série dont
Brian Michael Bendis, l’homme qui rendit ses lettres de noblesse au héros au début des années 2000, est l’inspirateur.
L’album s’ouvre sur le meurtre en pleine rue, le massacre faudrait-il dire, de Daredevil par
Bullseye. Devant les objectifs des caméras et des smartphones, Daredevil meurt sous les coups de l’un de ses plus féroces ennemis. Il reviendra à Ben Urich, journaliste et vieil ami de Daredevil, d’enquêter pour découvrir ce qu’à fait et où était le justicier depuis sa retraite forcée, consécutive au meurtre de sang froid du
Caïd, « Napoléon du crime » de New-York et plus ancien ennemi de « Tête à cornes », qui paya de sa vie son retour dans le quartier d’Hell’s Kitchen dont Daredevil l’avait chassé pour y instaurer une paix, peut-être juste mais évidemment illégale. Le justicier aveugle passa ce jour-là la ligne rouge qui sépare le héros du
vigilante sous les yeux d’un monde incrédule. Après, on ne le revit plus. Jusqu’à ce qu’il réapparaisse pour mourir.
Ben Urich, journaliste au mythique
Bugle, doit raconter la mort du héros. Où était Daredevil ? Pourquoi est-il réapparu ? Pourquoi Bullseye l’a-t-il tué avant de se suicider ? Que signifie, surtout, le mot «
Mapone », dernier mot prononcé par un Daredevil agonisant, et sans doute clef du mystère ?
Sur la même trame que le
Citizen Kane d’Orson Welles, Bendis et ses collègues invitent le lecteur à entendre une histoire crépusculaire terriblement poignante.
Ce sera la dernière enquête d’Urich. Le Bugle va fermer, tué par la mort de la presse écrite ; les héros qui ont partagé la vie de Daredevil sont vieillis, rangés, fatigués, mariés, parfois parents. Certains sont morts. L’ambiance est noire, sinistre ; on retrouve la désespérance sourde du début de Watchmen. Qu’est-il arrivé au justicier masqué, mais aussi, qu’est-il arrivé au monde ? Comment le rêve d’une justice en costumes éclatants a-t-il pu virer au néant ? Urich cherchera des réponses en interrogeant tous ceux qui ont connu le héros, se heurtant à la faiblesse de la mémoire humaine, au déni, voire au rejet, et, s’il progresse, il ne semble pas approcher d’une résolution éclairante.
Tout se termine, tout s’achève, Daredevil,
persona non grata que tous, et surtout les femmes qu’il aima, préfèrent oublier ou nier, disparaît du monde mais aussi et surtout des mémoires, de celles de ses proches comme de celle d’un public versatile, tellement gavé de héros, d’aventures, de jeux du cirque, qu’il est mithridatisé au point d’être insensible au crépuscule d’un héros.
Siegfried eut sa marche funèbre, à l’enterrement de Daredevil il n’y avait presque personne.
Graphiquement, l’ambiance est imprécise, crade parfois, en accord avec le récit. L’image, sombre, montre la laideur du monde dans lequel meurt Daredevil. Quelques scènes sont de grandes réussites de cadrage ou de découpage. Que demander de plus ?
Bien construit, bien narré, "
Daredevil End of Days" est un album de très grande qualité qui n’a qu’un défaut : il laisse le lecteur au milieu du gué. J’attends avec impatience le volume final, en décembre.
Daredevil End of Days, tome ½, Bendis et ali.
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