Christophe Carpentier, premier Prix Jacques Sadoul

Oyez ! Oyez ! Belles gens ! Sachez qu'hier a été annoncé le nom du premier lauréat du Prix Jacques Sadoul. Il s'agit de Christophe Carpentier, pour la nouvelle Un écho magistral , écrite à partir de la phrase-thème :  « Je vais au café pour lire le journal d’avant-hier »  sur le thème tiré au sort : SF. Les belles personnes immortalisées ci-dessus constituent le jury du prix (qui a visiblement bien mangé et bien bu)  : Sixtine Audebert, Philippe Béranger, Morgane Caussarieu, Jean-Pierre Dionnet, Marion Mazauric, Nicolas Rey, Jean-Luc Rivera, Christophe Siébert, Jérôme Vincent, Philippe Ward et Joëlle Wintrebert. Le trophée sera remis à l'heureux élu aux Imaginales 2025 et il sera publié dans le recueil dédié.

La vérité nous bouleversera


"The Truth of Fact, the Truth of Feeling" est une nouvelle de Ted Chiang qu’on peut télécharger là.
Elle prend pour thème les changements qui s’opèreront dans l’Homme quand il aura la possibilité (à venir sans nul doute) d’externaliser et de référencer complètement la mémoire de sa vie entière. Rappeler un souvenir, si lointain soit-il, et le revoir, intact , brut, ni flouté par le temps ni embelli par complaisance ou intérêt. Difficile de ne pas y voir une avancée vers une forme, utile et ludique à la fois, de vérité, reléguant dans le passé l’imprécision de la mémoire biologique et la tentation de la mauvaise foi.

Chiang établit, dans un double récit, un parallèle entre l’expérimentation de cette technologie par un occidental sceptique et les effets transformatifs de l’introduction de l’écriture au sein d’une société lignagère. Dans un cas, la mémoire des sentiments est concernée, dans l’autre celle des faits. D’un passé mouvant et souvent recomposé en fonction des besoins du moment, on passe, dans les deux cas, à une recension des évènements, bruts, non retravaillés, que leur enregistrement objectif rend insusceptible de modification.

Chiang pointe, dans les deux cas, le danger qu’il y a à renoncer aux accommodements qui facilitent la vie et permettent la cohésion sociale. Puis-je garder des amis, un conjoint, si je peux me repasser ad nauseam les disputes qui nous ont opposé ? Une société peut-elle perdurer si elle ne peut oublier les troubles qui l’agitèrent ou les conflits entre ses factions ? C’est évidemment bien plus (trop ?) difficile.
Et pourtant la réponse finale que semble donner Chiang est qu’il y aurait à y gagner. Pouvoir accéder à toute sa vie, intacte, permettrait de s’imposer la vision de ses erreurs et ruinerait ces fictions autobiographiques dans lesquelles le sujet à toujours le beau rôle. Cela ouvrirait la voie à la repentance puis à l’amélioration. Vérité et réconciliation en somme. On me permettra d’être sceptique.

Stimulant sur la plan intellectuel, le texte de Chiang me semble malheureusement faire preuve d’une trop grande sècheresse qui l’éloigne de la nouvelle et le rapproche de l’essai. Sans engagement émotionnel du lecteur, qu’en restera-t-il dans sa mémoire ?

The Truth of Fact, the Truth of Feeling, Ted Chiang

Commentaires

Escrocgriffe a dit…
Cette idée me rappelle un épisode l’excellente série britannique « Dark Mirrors »: lors d’une dispute, un homme doté d’une puce-caméra repasse à sa femme une phrase déplacée qu’elle a malheureusement dite… L’enfer sur la Terre ^^
Gromovar a dit…
C'est exactement ça