The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Imbécile malheureux


J’ai appris, il y a peu, l’existence de Song Ci, juge chinois du 12ème siècle considéré comme l’un des pères de la médecine légale. Auteur de la somme en cinq volumes intitulée « Collected Cases of Injustice Rectified », il démontra la nécessité d’examens post mortem rigoureux afin d’éviter injustices et erreurs judiciaires. Respecté par ses pairs contemporains pour ses conseils méthodologiques et ses très nombreuses descriptions détaillées des blessures et des armes qui les causent, il est aussi l’un des précurseurs de l’entomologie médico-légale, huit siècles avant le français Jean-Pierre Magnin.

Le même article m’apprit qu’un auteur espagnol, Antonio Garrido, avait écrit un roman, "The Corpse Reader", dont Song Ci est le personnage principal. Bonne nouvelle. A priori.

Mais en fait non. Rendons justice au roman pour commencer. On y trouve une histoire de complot et de meurtre intéressante pour peu qu’on aime le mystère. C’est mon cas ;  c’est la chose qui m’a convaincu de terminer ma lecture. On y trouve aussi quelques (rares) éléments sur la culture chinoise de l’époque, notamment sur le poids du confucianisme dans l’organisation sociale et le conservatisme qu’il engendre, ou le niveau élevé d’administration de l’Empire du milieu en dépit d’une corruption endémique. Pas inintéressant. Quand au personnage, quand il examine les corps, il a quelque chose de Sherlock Holmes dans la finesse de ses déductions.

Le problème, c’est tout ce qui est autour.

Garrido utilise toutes les ficelles, des ficelles tellement grosses qu’on dirait des cordes de marine, qui font les livres destinés à devenir des best-sellers. Gagné ! Le roman a obtenu le Premio Internacional de Novela Histórica Ciudad de Zaragoza 2012.

Un début (40%) du livre sans guère d’enquête de police (or c’est pourtant comme policier historique que le roman est vendu, encore un éditeur qui se sera trop avancé ?). Dans cette partie, Song Ci ne fait que fuir, littéralement, une machination (qu’il est le seul à ne pas voir car il est, en dépit de son talent, très bête, nous y reviendrons). Dans un mélange misérabiliste d’Oliver Twist et des Deux Orphelines, Ci (et sa sœur gravement malade, tant qu’à faire !) passent leur temps à tomber de Charybde en Scylla. Ils sont accusés à tort, escroqués, volés, battus, et j’en passe. Chaque malheur terminé permet la survenue du malheur suivant, puis, dans une accumulation ad nauseam, une forme précédente de malheur revient, montrant ainsi à quel point tout l’afflige et lui nuit et conspire à lui nuire.

Enfin Ci réalise son rêve - après la mort de sa sœur, quand même. Il est admis, grâce à un heureux concours de circonstances (et oui), à l’Académie de Droit. Et là, c’est Harry Potter qui commence. Le méchant fils de riche qui est son ennemi et qui lui mettra, jusqu’à la fin, des bâtons dans les roues et tentera sans vergogne de l’éliminer, les brimades et les menaces d’exclusion récurrentes, etc. Inutile d’en dire plus. Tout le monde connaît ça depuis que Rowling a remis à la mode le roman d’internat.

Enfin (seconde moitié du livre) on en vient au fait. Là, le roman se tient un peu mieux en tant que policier historique. Mais quel regrettable « héros ». Naïf jusqu’à l’imbécillité, il tombe dans tous les pièges et toutes les tromperies ; incapable de tenir sa langue, il donne à qui saura les utiliser contre lui toutes les informations qu’il détient dès l’instant où il les obtient. Ca finit par devenir comique. L’intérêt ( ! ) de l’idiotie du personnage est que ça permet à l’auteur d’offrir au lecteur un micro rebondissement ou une surprise convenue toutes les trois pages. On en sort échevelé ; tant d’évènements terribles, tous résolus en cinquante lignes, c’est décoiffant.

Enfin, car il ne faut pas oublier les lecteurs les moins vifs, un épilogue où, après la fin du récit à enjeu, Ci donne à son mentor le fin mot de l’histoire et explique noir sur blanc tout ce qui aurait pu ne pas avoir été compris par le lecteur.

Exotisme, mystère, rebondissements, adversité, animosité de classe, misère, maladie, élévation sociale, redressage de tort, il y a tant d’ingrédients et en telle quantité qu’on dirait un de ces hamburgers d’un mètre de haut que se prépare le glouton Scoubidou. Je conseille ce roman aux gens qui ne lisent qu’un livre par an ; en un seul volume ils auront toute leur came de l’année.

The Corpse Reader, Antonio Garrido

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