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Le Dernier Château et autres crimes" est le titre complet d’un recueil de nouvelles/novellas de Jack Vance, publié par Le Bélial. On y trouve quatre textes relativement longs :
Les maisons d’Iszm,
Alice et la cité,
Fils de l’arbre, et ce
Dernier Château, Prix Hugo longue nouvelle 1967 et Prix Nebula court roman 1966, qui donne son titre à l’ouvrage.
Dans
Les maisons d’Izsm, Vance raconte les péripéties d’un botaniste terrien en visite sur Izsm, la seule planète de l’Univers qui produise les arbre-maisons. Soupçonné de vouloir exporter illégalement un plan ou une graine afin de briser le monopole en vigueur, il est suivi, espionné, maltraité, par de très intrusifs services secrets, jusqu’à son retour sur Terre et la conclusion de ses aventures. Au fil d’un récit qui fleure bon la biotechnologie avant l’heure, Vance installe une atmosphère à la nord-coréenne, et accumule poursuite et filatures dans un quiproquo (ou pas) à la
Mort aux trousses. Rien de tout ceci n’est déplaisant, mais une chute trop tôt prévisible fait perdre beaucoup d’intérêt au texte, qu'un dernier coup de dé de l'auteur ne parvient pas à rendre surprenant.
Que dire sur
Alice et la cité ? C’est, pour reprendre un mot d’Alice elle-même, une « pantalonnade », dont le bût est de mettre en opposition valeurs citadines et valeurs rurales. Si l’on veut être indulgent, on peut voir dans ce texte de Vance des éléments (prises neurales, immersion dans le virtuel) qui préfigurent le cyberpunk, ou un foisonnement de peuples extraterrestres qui donnent un avant goût de la
cantina de Mos Eisley. Pour ma part je n’ai guère apprécié le personnage principal, visiteuse spatiale située entre
Zazie dans le métro et Marie-Antoinette, pas plus que les secondaires, taillés à la hache et guère crédibles. Si on aime
Le rat des villes et le rat des champs et la bonne grosse rigolade, pourquoi pas ? Sinon…
Les deux dernières nouvelles,
Fils de l’arbre et
Le dernier château, sont bien plus intéressantes. Toutes deux décrivent des sociétés très inégalitaires, oligarchiques si on veut être aimable, esclavagistes si on ne le veut pas ; on peut même y voir une métaphore du système colonial ou de l’échange inégal cher aux marxistes tiermondistes. Dans les deux cas, une minorité domine une majorité bien plus nombreuse, l’exploite, et extrait de sa misère et de sa soumission la possibilité d’un niveau de vie extrêmement confortable. Dans les deux cas, le système devra s’écrouler ; c’est le sens de l’Histoire.
Dans
Fils de l’arbre, Vance raconte une histoire compliquée à souhait qui rappelle encore certains films d’Hitchcock, avec mission secrète, espionnage, meurtres d’Etat et opérations spéciales. Faux semblants et mensonges se succèdent à un rythme échevelé ; ils sont ensuite mis à bas les autres après les autres - notamment par le très madré diplomate Hableyat qui tire les ficelles en génial marionnettiste - pour l’édification du lecteur et de personnage principal, l’aventurier terrien Joe Smith, tombé sans le vouloir dans le Grand Jeu interplanétaire alors qu’il n’était qu’en quête romantique, à la poursuite d’un rival amoureux. Après une confrontation durant laquelle les loyautés basculent, un final de film d’horreur conclut cette histoire dense et rythmée qui pourrait avoir pour morale double que tout système totalitaire est voué à disparaître, même s'il y faut une impulsion extérieure, et qu’il est inutile de chercher la femme car « Bien fol est qui s’y fie ». Un texte d’une lecture agréable en dépit d’un caractère boulevardier parfois excessif.
Le Dernier Château a obtenu deux Prix littéraires ; ce n’est pas pour rien. Meilleur texte du recueil, il rappelle par son ambiance les récits de la
Terre Mourante. Ecriture riche et châtiée, superbes descriptions, sophistication extrême d’oligarques à la morgue d’autant plus inconsciente qu’elle semble innée, bon vin et bonne chère, il y a sans nul doute le sceau de la Terre Mourante dans ce Dernier Château. On y voit à l’œuvre la logique de l’honneur dans ce qu’elle a de plus absurde. On y voit la difficulté de toute société à se réformer, même face à une menace identifiée et imminente ; on ne peut s’empêcher de penser, au fil de la lecture, à l’attitude actuelle de l’Humanité face aux périls climatiques et à l’épuisement des ressources, d’autant que Vance met en scène des « Expiationnistes », sorte de décroissantistes qui militent pour une réforme profonde du mode de vie des gentilshommes dans une indifférence quasi générale. Danser sur le volcan et croire que ce qui est pourra toujours être, c’est ce que les humains font le mieux, ici comme dans les univers de Jack Vance.
A lire pour les deux derniers textes, en n'oubliant pas que rien, chez Vance, n'égale La Terre Mourante.
Le Dernier Château et autres crimes, Jack Vance
L'avis d'Efelle
Ce livre participe au Challenge Summer Star Wars Ep I
Ces nouvelles participent au Challenge JLNN
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