The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Roture ennoblie


Dans "Les millionnaires de la chance", les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, ces spécialistes traditionnels des classes dominantes, s’intéressent à ces gens, très peu nombreux, qui entrent dans la richesse par le biais d’un coup du sort, un gros lot au Loto ou à l’Euromillion.

Comment vivre un événement qui change de manière drastique et définitive la vie ? Comment gérer une rupture, un passage sans retour du même type que celui qui fait la Noblesse d’Etat ? Comment gérer une situation rêvée, mais improbable, qu’aucune éducation n’a pu préparer (alors que les Héritiers sont préparés toute leur vie à hériter et à légitimer l’héritage) ? Lorsqu'on s'enrichit autant, devient-on un riche ou un pauvre qui a de l'argent ?

L’enrichissement, colossal et soudain, change tout ce qui faisait l’univers des gagnants. Lieu d’habitation, mode de vie, activité professionnelle, loisirs, relations, familles et amis, tout ou presque change après le gain. En partie de manière volontaire, en partie de façon subie. Le gagnant change, la manière dont les autres, tous les autres, interagissent avec lui aussi (les banquiers notamment se métamorphosent de manière irrésistible).

Les sociologues montrent combien il est difficile de « devenir riche » dans la plupart des cas. Ils montrent que ça prend du temps, et que le changement ne sera jamais complet. Comment évoluent les rapports avec la famille, les amis ? Quelles sont les « obligations » de don ? Comment gérer aussi les contradictions entre ses valeurs et sa situation ? On voit bien qu’une intégration réussie dans son milieu social facilite la transition et qu’une générosité de bon aloi, mais qu’il est nécessaire de calibrer au millimètre, aussi.

Le capital économique acquis permet bien des choses mais n’amène avec lui ni capital culturel ni capital social. Comment aller dans le grand restaurant ou le palace qu’on peut s’offrir lorsqu’on ne connaît pas les codes de ces lieux, et que la timidité sociale, pendant de la violence symbolique, incite à les éviter ? Y aller en groupe ou les éviter, le plus courant. Ou s’insérer progressivement dans un autre topos. En sachant néanmoins qu’on sera toujours décalé et « visible » ; l’habitus langagier est presque invincible. Une constance néanmoins, la volonté de transmettre et donc de commencer à faire lignée (le « gène égoïste » est plus fort que tout).

Beaucoup de questions intéressantes, et des réponses qu’apportent les deux sociologues. Ce livre n’est néanmoins pas vraiment satisfaisant. D’une part, pour le lecteur habitué des thèses de Bourdieu, rien ici ne va au-delà de la validation basique de quelques-unes de celles-ci. On aurait aimé du nouveau, il n’y en a pas, et la cible étant grand public, on est bien en dessous de ce que les Pinçon écrivent d'habitude.

D’autre part, et quelle que soit l’attente du lecteur, on y trouve beaucoup de redondances ou d’informations superflues. On a parfois l’impression que les auteurs tirent un peu à la ligne ou qu’ils ont lié plusieurs articles.

Enfin, et c’est un détail, la tendresse manifeste qu’éprouvent les auteurs pour la classe populaire donne lieu à quelques phrases d’un lyrisme qui prête à sourire tant elles sont des odes naturalistes aux vertus des petites gens.

Les millionnaires de la chance, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot

Commentaires

Voilà pourquoi je ne lirai pas ce livre : pour les "odes naturalistes aux vertus des petites gens", qui m'apparaissent comme autant de jets de moraline. Or la moraline me devient de plus en plus indigeste avec le temps. Si je comprends qu'elle puisse faire partie de la nature de certains, elle ne fait définitivement pas partie de la mienne. Bref, le message des auteurs, au contraire de celui de Bourdieu, est au fond très moralisant, car ils entendent plus dénoncer que faire comprendre.
Gromovar a dit…
Ca ne m'a pas autant mis la rate au court bouillon. Ca m'a plutôt amusé.

Le problème majeur de ce livre pour un pratiquant de sciences sociales est qu'il est bien trop grand public.