The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

L'impression de lire un tract


"Adrian Humain 2.0" est un roman d’anticipation français écrit par David Angevin et Laurent Alexandre. Il décrit les tribulations meurtrières d’un des premiers humains génétiquement modifiés, Adrian Crawford, dans un monde en déliquescence. Problème et opportunité, le père d’Adrian, Peter, est en lice pour devenir le prochain président des Etats-Unis.

Dans ce roman, Angevin, journaliste transfuge de Télérama, et Alexandre, médecin et industriel militant de l'analyse génétique, ont mis tout, je dis bien tout, ce qui pose déjà question ou le fera sous peu à l’Humanité et à ses conceptions éthiques, dans les domaines scientifiques mais aussi politiques, géopolitiques et moraux. En vrac, on trouvera dans ce roman, le gouffre inégalitaire croissant, l’amélioration du génome et le schisme à venir dans l’espèce humaine, la marche vers la Singularité, le pouvoir, exorbitant du droit commun, de certaines multinationales au premier rang desquelles la « terrifiante » Google, dragon couché sur toutes les données produites par l’humanité, les islamistes étrangers et le jihad de l’intérieur, la grande stagnation économique résultant d’une extension irresponsable d’un principe de précaution devenu paranoïaque et justifiant le rejet des nouvelles technologies au nom de la religion, de la Nature, ou de la sécurité, et ayant conduit au déclin de l’Europe, et même le grey goo, qui se demande pourquoi il est là, et à qui quatre ou cinq lignes sont consacrées car à la petite fête il ne fallait oublier personne.

Ils mettent particulièrement en exergue le risque de créer une génération d’humains améliorés qui seraient méprisants et remplis de morgue pour leurs prédécesseurs sur l’échelle de l’évolution. Ils montrent, assez justement je crois, que morgue, mépris, et cynisme, ne sont pas l’apanage de « monstres génétiques » mais sont aussi disponibles en grande quantité dans les humains « normaux », notamment ceux situés au sommet de l’échelle

Certaines de ces interrogations ou prises de positions sont légitimes. Certaines même m’agréent, notamment sur l'extension délirante de la « précaution ». Néanmoins, "Adrian Humain 2.0" est pour moi un roman globalement raté, et même énervant pour un lecteur de SFFF. Ceci pour plusieurs raisons que je vais brièvement évoquer.

D’une part, alors que le roman se passe dans 25 à 40 ans environ (mon évaluation), la volonté frénétique de ne pas perdre le lectorat visé, qui est celui de la « blanche », conduit à pratiquer en avalanche le name dropping contemporain, ce qui est absurde dans un roman d’anticipation. On entendra donc parler de « gloires » actuelles comme si elles pouvaient encore intéresser vraiment quelqu’un dans 40 ans. On cite, par exemple, Rocky III, le PSG, Nadal, Beyoncé, et bien d’autres, le summum étant atteint lorsqu’un personnage est décrit comme un « sosie de Bernard-Henri Lévy ». Même l’inévitable point Godwin est présent à deux occasions. Le lecteur amateur de « blanche » ne sera pas dépaysé ; il s’aventure dans l’anticipation, mais en terrain connu. Le lecteur de SFFF y perdra toute chance d’immersion.

Ensuite, le parti pris d’utiliser, tout au long du roman, le champ lexical méprisant des dominants, afin de faire pénétrer leur vision du monde, se retourne rapidement contre son but ; n’est pas Brett Easton Ellis qui veut. La démonstration, jamais interrompue durant 330 pages, est lourde, voire lourdingue. Elle en devient ennuyeuse et perd en crédibilité car il est impossible de croire qu’une personne puisse avoir pour seules émotions la haine et le mépris 24/24 et 7/7. Les auteurs oublient que même Hitler jouait de temps en temps joyeusement avec ses chiens (un Godwin pour moi, volontaire).

De surcroit, le positionnement idéologique des deux auteurs amène à suspecter qu’ils n’aient écrit que pour convaincre (de ce point de vue, les conversations entre Adrian et le patron de Google, toujours surnommé Prince des ténèbres (sic !) sont des modèles de prosélytisme). On a le droit d’écrire des essais voire des pamphlets, on n’a pas le droit de les faire passer pour des romans. Là où Nancy Kress traitait finement la question de la coexistence d’humains modifiés et normaux, Angevin et Alexandre font un boulot militant peu subtil dans lequel toute tentative d’intrigue sérieuse ou de création de personnages solides s’abîme. Nul doute que nombre des lecteurs éduqués et « concernés » de ce pays seront ravis de lire ce roman qui leur en apprend tant sans craindre de pointer les « dangers » et « dérives » (peu importe de quoi du moment que c’est multinational ou politique), et pâliront d’aise aux dénonciations de dérives si faciles à dénoncer (les ultrariches, leur héritiers oisifs, etc…) que le faire ne signifie rien. Pour ce qui est de la charge contre les alters et les écolos, les gauchos et les bobos, les lecteurs applaudiront ou détesteront selon leur positionnement personnel dans le champ politique (on peut lire, si on y tient vraiment, le Boborama d’Angevin pour savoir où se situer).

Enfin, on sent, sous chaque phrase, les comptes que veulent régler les auteurs, et "Adrian Humain 2.0" en devient une sorte de roman à clés dans lequel seraient cachés non des personnes mais des ressentiments, des convictions, et des exécrations. Assister au vidage vésiculaire des auteurs ne m’intéresse pas.

Adrian Humain 2.0, David Angevin et Laurent Alexandre

En partenariat sur une Masse Critique de Babelio

Commentaires

Efelle a dit…
Du Bladerunner mou du bide pour ceux qui n'ont pas vu le film de Scott ou lu la nouvelle de Dick ?
Gromovar a dit…
Bien pire.

Plutôt une histoire guère développée ni cohérente utilisée pour démontrer deux ou trois idées de l'auteur.

Comme essai, ça serait un livre à discuter, mais ce n'est qu'un faux roman.
Algernon a dit…
« Les auteurs oublient que même Hitler jouait de temps en temps joyeusement avec ses chiens (un Godwin pour moi, volontaire). »

Rudolf Höss, l'Obersturmbannführer d'Auschwitz, en conclusion de ses mémoires : « Que le grand public continue donc à me considérer comme une bête féroce, un sadique cruel, comme l'assassin de millions d'êtres humains : les masses ne sauraient se faire une autre idée de l'ancien commandant d'Auschwitz. Elles ne comprendront jamais que, moi aussi, j'avais un cœur... »
Sombrefeline a dit…
Mais... il y a une histoire dans ce livre, ou c'est juste des idées en vrac mises bout à bout?
Gromovar a dit…
Une très vague histoire, le fils tue un peu des humains normaux mais ce n'est guère développé ni utile, le père fait un peu campagne mais là non plus il n'y a pas lourd, la mère a un amant qui disparait dans l'indifférence générale, la fille est une buse fashion victim et voila, etc...

"L'intrigue", traitée avec paresse, sert essentiellement à illustrer. Rien n'est développé assez pour avoir l'air important.

J'ai d'ailleurs négligé dans ma chronique d'écrire que les "tous pourris" est aussi un élément important du roman avec des politiques intégralement menteurs et manipulateurs et ne manquent évidemment pas les "maitres du monde" qui tirent en coulisse les ficelles.