The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Assez d'eau pour remplir nos piscines et laver nos voitures


"Aqua tm" est le premier pavé environnementaliste de Jean-Marc Ligny (auteur aussi des passionnantes nouvelles Le porteur d’eau et L’ouragan), publié six ans avant le très bon Exodes. Lu après son successeur, il me fait l’effet d’une préquelle tant le monde qu’il y décrit (autour de 2030) est intermédiaire sur le plan du dérèglement climatique, et partant politique et social, entre le nôtre et celui d’Exodes.

Alors que la Terre est ravagée par les conséquences du réchauffement, et que le Burkina Faso meurt littéralement d’une sècheresse interminable, une immense nappe phréatique est découverte sous ses terres ensablées. L’espoir d’une survie possible pour le pays se heurte à la cupidité d’une multinationale qui veut s’approprier la nappe pour alimenter, entre autres, les « piscines » du Kansas.

Il est très rare qu’un roman me laisse aussi mitigé, qu’aucun sentiment ne prédomine car ici, une fois le livre refermé, le bon ne suffit jamais à faire oublier le moins bon, et réciproquement. Je laisse donc juge le lecteur de cette chronique.

Du côté du bon, Ligny offre au lecteur une visite guidée complète et terrifiante du futur possible (probable ?) de la Terre et de l’Humanité. A l’issue d’un important travail de documentation (bibliographie à la fin), l’auteur est capable de nous faire vivre les convulsions d’un monde à la dérive ; ses descriptions frappent, choquent, émeuvent. Le pétrole est rare, l’eau le devient avec des conséquences plus dramatiques encore. Le dérèglement climatique amène son cortège de températures extrêmes, de tornades, d’ouragans, de terres submergées. La désertification avance à grands pas, à fortiori dans les zones touchées par des sècheresses de plus en plus longues. Les systèmes politiques deviennent obsolètes alors que les sociétés se délitent. Peu d’inclus, beaucoup d’exclus, non seulement entre Nord et Sud mais aussi au sein d’un Nord qui a cru, en vain, se protéger en instaurant des barrières drastiques à l’immigration. Premiers dômes, gated communities armées, centre villes livrés à la violence, face à des Etats appauvris et impuissants (qui louent leurs services comme le fait la police grecque aujourd’hui), le pouvoir des firmes et les manifestations de la O-Ring theory ont fracturé les sociétés comme la chaleur l’a fait avec la banquise. A côté surnagent des ONG, souvent obligées de sa financer auprès de la Chine, seule puissance montante de l’époque, et des groupes terroristes, djihadistes ou fondamentalistes chrétiens.

Ligny montre le déclin de l’empire américain, l’emprise chinoise sur l’Afrique, l’éclatement centrifuge de l’Afrique du Nord, la fragilité des Etats d’Afrique Noire, l’hypocrisie du greenwashing, la violence interne de sociétés occidentales qui n'en peuvent plus de descendre de leur piédestal ; il le fait admirablement. Les chapitre, nombreux, courts et rythmés, décrivent, dans leur corps même et au fil du récit, ce monde qui ne donne pas envie ; ils sont toujours précédés d’un exergue qui donne le ton et présente une autre version – publicitaire souvent - de la même réalité. Suivant les personnages, Ligny prend le lecteur par la main et lui fait visiter ce monde atroce qui sera peut-être un jour le nôtre. C’est bien fait en plus d’être nécessaire imho, d’autant que l’histoire est rapide, prenante et qu’elle entraine un lecteur fasciné et révolté par ce qu’il voit. Et que la dualité soigner-combattre qu’il propose fait sens.

Le roman n’est néanmoins pas exempt de (gros) défauts. Passons rapidement sur les dialogues pas toujours justes, sur un dernier tiers du livre truffé de bien trop de rebondissements trop rapidement enchainés et résolus, dont certains irréalistes ou inutiles (et je ne parle pas ici du coup d’Etat avorté qui rappelle les péripéties rocambolesques d’un Bob Denard), et sur le côté mélo de certains passages du dernier tiers toujours (significativement, c’est sur cette tonalité que se termine le roman). Défauts réels, qui m’ont gêné, mais défauts « techniques ».

Or il y a aussi, à mon sens, un défaut de fond. Dans un contexte réaliste de thriller d’anticipation, Ligny met en scène une lutte « physique » véritable entre le Bien et le Mal. King l’avait fait dans Le Fléau (avec d’ailleurs les mêmes figures de la grand-mère noire luttant pour le Bien et du l'homme blanc oeuvrant pour le Mal) mais de manière bien plus discrète, et après le désastre. Ici, ce conflit tire une histoire qui, dans le dernier tiers, progresse à coup d’interventions magiques. Rien de surnaturel n’est épargné au lecteur, aidé, j’imagine, par l’image (le cliché ?) d’une Afrique qui aurait conservé son lien avec les réalités métaphysiques. Cette approche fait perdre de son caractère prospectiviste au roman, et lui enlève de cette force qu’aura plus tard un Exodes bien plus pragmatique.

Ceci dit, et le lecteur étant averti, reste une belle description du monde à venir et une histoire qui se lit très agréablement. C’est déjà pas mal.

Aqua tm, Jean-Marc Ligny

L'avis d'Efelle

Commentaires

Lune a dit…
Ok ok ok ! On aurait dû lire Exodes après !
Gromovar a dit…
Yep. Mais n'aurait-on pas douté ?
Alias a dit…
Intéressant; le thème rappelle un peu "Demain, une oasis..." d'Ayerdahl.
Gromovar a dit…
Le côté très militant d'Ayerdahl m'inquiète un peu aussi.

J'ai du mal avec les romans trop ouvertement militants.
La Mante a dit…
Il est dans ma pàl et je n'ai pas lu exode ! gniark gniark
j'aime bien les romans d'opinion, moa, j'aime bien les gens qui se trempent un peu la nouille.
Gromovar a dit…
Lis-les dans l'ordre :)
Efelle a dit…
J'avais aimé le côté mystique déjà présent dans des romans précédents de Ligny.
Cela c'est les retours d'Exodes qui me donnent envie de fuir, ayant l'impression d'y voir une caricature... (Porteur d'eau dans Bifrost).
Gromovar a dit…
L'intrusion du surnaturel quand ça ne coule pas de source, ça me bloque si ce n'est pas a petite dose.
Lorhkan a dit…
A l'occasion, si je le trouve à prix raisonnable...
Sinon, je passe directement au meilleur, avec "Exodes", qui m'attend sagement sur ma PAL.
Tigger Lilly a dit…
Je suis étonnée par la présence de surnaturel dans ce livre, étant donné que le but de ce dyptique semble être d'avertir de façon certes caricaturale mais réaliste.
Gromovar a dit…
C'est ce qui m'a beaucoup gêné.