J’ai déjà écrit deux chroniques sur Omale, rendant compte des deux premiers romans, "Omale" et "Les conquérants d’Omale". Je vais donc faire plus bref ici, en partant du principe qu’il n’est pas difficile de lire mes chroniques précédentes pour connaître le cadre spatio-temporel du récit.
Disons simplement que "
La muraille sainte d’Omale", troisième roman du cycle et première partie du tome 2 de l’Intégrale publiée par Lunes d’encre, est sûrement le plus abouti des trois en terme de narration. J’ai pointé dans mes chroniques précédentes le regret que j’avais d’une narration que l’on pouvait trouver, sans être bien méchant, trop rapide dans ses résolutions et un peu trop appuyée sur des hasards heureux. Ce n’est plus le cas ici, mis à part les toutes premières pages du roman dans lesquelles un hasard, malheureux cette fois, est la condition
sine qua non de l’existence même du roman (
faire un nœud à mon mouchoir pour me souvenir de ne jamais voyager en nef chile, elles s’écrasent décidément trop souvent). C’est vite oublié car ensuite tout s’enchaine de manière logique sans que vienne l’impression qu’une facilité soutient le récit. Du mieux donc sur quelque chose qui n’était déjà pas mauvais à la base.
Le contexte, et surtout sa découverte fragmentaire et aléatoire par un lecteur qui ne peut rien faire d’autre que suivre les observations des personnages et écouter leurs hypothèses imparfaites, est toujours aussi riche et intéressant. Nous sommes cette fois après le traité de Loplad, c’est à dire que les trois races de la Grande Aire coexistent pacifiquement, travaillent ensemble et qu’elles ont réussi à développer une intercompréhension véritable. Les guerres saintes sont loin derrière. Mais pas partout.
L’histoire ici est celle d’une expédition scientifique qui cherche à comprendre quel cataclysme a touché une zone peu connue (le Landor) car fermée (un peu comme la Corée du Nord chez nous), provoquant exil massif et troubles à l’extérieur. Cachée derrière la Muraille Sainte d’Omale, monstrueux artefact humain aux proportions d’une colossale muraille de Chine, vivent les descendants probables des premiers humains arrivés dans la sphère et réfugiés loin des "démons" que représentaient pour eux Chiles et Hodgkins. Il faudra donc entrer dans le cœur de la dictature religieuse la plus dure et la plus xénophobe d’Omale (devenue en grande partie un
no man’s land du fait de la fuite d’une très grande partie de sa population), tenter d’y survivre, progresser vers ce qui centre être l’origine du problème (avec un doute oppressant sur l’existence même d’une origine du problème), essayer d’accumuler (où mieux que dans ce
ground zero ?) des informations sur le passé, toujours peu clair dans ses détails, d’Omale, et peut-être comprendre la nature du cataclysme, sa cause, et par là même comprendre mieux la structure de la sphère de Dyson, voire répondre à la terrifiante question :
La fin du monde est-elle en cours ?).
Vaste programme pour un groupe de scientifiques perdus loin de leur base et explorant une
terra incognita.
Ils n’auraient jamais réussi (car ils réussissent, dans un final qui pour une fois l’est vraiment aussi) sans l’aide d’un personnage passionnant et très bien campé par Génefort, Umdenker (note : un ami germaniste m'a récemment signalé qu'Umdenker peut se traduire par "
celui qui change sa pensée"). Chef de guerre puissant entre condottiere et khan mongol, Umdenker se dépouille progressivement non seulement de tous les attributs du pouvoir mais aussi de sa réalité même, pour poursuivre un rêve de connaissance qui l’emmène de plus en plus profondément vers le Cœur des ténèbres. Et là où le groupe de scientifiques est progressivement dépouillé par les aléas de l’aventure de son matériel, de ses chariots de ses provisions, et même de quelques-uns de ses membres, Umdenker choisit de perdre son armée, sa fortune, ses femmes. Il ne gardera que son esclave religieux (si obtus qu’il ne « peut » voir le Chile qui se trouve pourtant devant lui) comme rappel de la détestation qu’il éprouve pour cette engeance. Il en sortira plus instruit et plus sage. Il aura découvert qu’il peut être l’ami d’un Chile. Il est, sans le moindre doute, l'élément fort qui donne sa qualité au roman.
La muraille sainte d'Omale, Laurent Génefort
Commentaires
J'ai l'impression que les Chiles sont souvent au premier plan, non ?
@ Efelle : Je pense aussi qu'il y a une vraie amitié de l'auteur pour les Chiles. C'est encore plus net dans le troisième roman.