"
Love is Strange" est le dernier roman, à distribution uniquement numérique (ça aurait du me mettre la puce à l’oreille), du brillantissime Bruce Sterling.
Avant de dire tout le mal que je pense de cet étron, je vais présenter un peu l’auteur et contextualiser le texte. Nous savons tous bien à quel point c’est important.
Bruce Sterling est l’un des « inventeurs » du mouvement cyberpunk, mouvement qui a régénéré la SF dans les années 80 en intégrant les avancées de l’informatique et des réseaux. Brillant auteur de SF, il a écrit ou coécrit de nombreux textes de fiction importants, tels que la fondatrice anthologie
Mozart en verre miroirs (Mirroshades en VO ; ça a plus de gueule),
La machine à différence avec William Gibson l’autre « père » du mouvement,
Les mailles du réseau, ou
Globalhead entre autres. Il a aussi écrit des essais, souvent pertinents et créatifs sur la futurologie, et se trouve à l’origine du fameux
Dead Media Project. Pour résumer, Sterling est un auteur SF de première importance, un des meilleurs analystes des tendances actuelles de la société, et un des meilleurs prévisionnistes de ce qui peut survenir dans les décennies futures.
Aussi, j’ai souhaité lire son dernier roman "
Love is Strange", en dépit de son très inquiétant sous-titre « A paranormal romance ».
Mal m’en a pris. Car le sous-titre dit tout.
Alors certes, Sterling, en bon connaisseur des tendances, dit quantité de choses sensées. Il évoque la
destruction créatrice schumpétérienne de plus en plus rapide qu’amène un progrès technique qui accélère sans limite, la dématérialisation de la consommation, la fragmentation d’une production de moins en moins localisée, la personnalisation de plus en plus fine des objets de consommation, etc. Il parle aussi d’un monde où une infime minorité, apatride intellectuellement et métisse biologiquement, surfe sur la mondialisation et en tire des revenus sans commune mesure avec sa contribution productive, d’un monde où apparaissent périodiquement des icones globales (à la popularité inversement proportionnelle à l’apport sociétal) capables d’inspirer une population mondiale percluse d’imbécillité, tant il est vrai, comme l’a posé Régis Debray, que les effets sociaux d’une illusion ne sont pas illusoires, d’un monde où quelques blogueurs
trendy font et défont les réputations, les images de marque, les ventes, etc.
Tout ceci est donc bel et bon, et serait parfait dans un essai. Mais "
Love is Strange" est un roman, avec des personnages et une histoire. Et cette bluette lamentable n’a strictement aucun intérêt. On s’ennuie à mourir à suivre ces personnages, guère fascinants tant ils sont
cookie-cutter, se tourner autour et découvrir les affres de l’amour à Capri, dans une sorte de conférence
Lift, à écouter des dialogues souvent à la limite du ridicule, à observer des coïncidences et des situations invraisemblables, etc.
J’arrête là pour ne pas passer plus de temps que nécessaire à chroniquer ce regrettable livre. Je cite simplement mon compère TiberiX qui chronique parfois sur ce blog et qui connaît très bien le milieu décrit dans le livre. L’ayant largement lu, il m’en a dit que ça ressemblait à une télénovela à clef, que quand on avait les clefs c’était plaisant, mais qu’il ne voyait pas ce que moi je pouvais y trouver. Il a raison, je n’y ai rien trouvé.
Love is Strange, Bruce Sterling
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