The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Sammy in the sky with diamonds


Ecrire sous acide peut donner The Glove, ce qui n’est pas mal du tout, ça peut aussi donner "Babel 17", ce qui l’est moins.

"Babel 17" est un classique de Samuel R. Delany, écrit en 1966. Il a obtenu le prix Nebula en 66 (avec Des fleurs pour Algernon quand même), et fut nominé Hugo en 67. Il est aussi une preuve concrète de l’absurdité d’être trop dans l’air du temps.

Dans ce roman, Delany illustre l’hypothèse Sapir-Whorf selon laquelle le langage détermine la pensée et les possibilités de perception. Cette hypothèse, qui n’est pas absurde, a déjà été mise en œuvre, dans "1984" par exemple où la novlangue a pour finalité de façonner la pensée. Partiellement remise en cause aujourd’hui dans sa version radicale qui lie pratiquement de manière déterministe langage et pensée, l’hypothèse reste néanmoins féconde pour un certain nombre d’analyses. Faire de cette hypothèse le cœur d’un roman de SF aurait pu donner lieu à des développements intéressants. Malheureusement"Babel 17" est surtout imho un roman symptomatique du pire des années 60.

Roman rempli de tics, "Babel 17" décrit ce que dans les 60’s on imaginait que pouvait être un futur « cool ». On y trouve donc, hors de toute description politique ou sociale, et dans une ambiance psychédélique complètement délirante, des humains peinturlurés de toutes les couleurs, des clubs où on se met nus parce que ? (c’est cool ?), des modifications corporelles telles que queues, crocs, griffes, etc., des fantômes spatiopérégrins, des morts qu’on peut ranimer quand nécessaire, des « gosses » rigolos (ce sont les membres d’équipage d’un vaisseau spatial) qui jouent aux billes ou aux pétards, « des couples » de trois personnes, j’en passe et des meilleures.

Il y a une guerre en cours aussi (la guerre du Vietnam ?) dont on ne sait pas grand chose si ce n’est qu’elle est terrible. Il y a bien sûr un psychiatre, de la psychiatrie (capital à l’époque), et même des index-psy. On cite même Wilhelm Reich, comme si dans maints siècles quelqu’un se souvenait encore de Reich.

Il n’y a aucune tentative de plausibilité scientifique, et beaucoup de descriptions dialoguées des technologies ou des voyages spatiaux rappellent furieusement les inepties proférées dans Star Trek.
Il y a le type d’automatisme domestique, si délicieusement « moderne », qu’on trouve dans le Mon Oncle de Tati. Du moderne qui fait vieux.

Il y aussi, étrangement, des éléments du roman de guerre classique tels que le quartier des marins (êtres bizarres mais indispensables au conflit), la « bagarre » (par laquelle on choisit les équipiers de qualité), le Gorille (gros sergent qui fait filer doux la bleusaille), les « bleus » qui n’ont d’autre utilité dans le roman que d’être là.

Il y a enfin des cocktails, des maîtres d’hôtel, des plats gastronomiques longuement décrits, le tout faisant dramatiquement peu adapté à l’époque du récit.

J’arrête là. Après tout, pourquoi pas tout ça, si ça servait le récit ou si un riche background en émergeait. Sauf qu'ici il n'y a rien en terme de background clair et peu en terme de récit. C'est haché, elliptique, jamais prenant ; le délire psychédélique semble se suffire à lui-même. J’ai lu "Babel 17" dans un état de sidération tant j’avais peine à croire ce que je lisais. Si vous aimez le psychédélisme (cité aussi, comme si le mot avait toujours un sens loin dans l’avenir), allez-y, vous ne serez pas déçu. Sinon, passez votre chemin, tant ce roman est une manifestation de la radicalité absurde de la culture psychédélique des années 60.

Babel 17, Samuel R Delany

Commentaires

Ah, la belle époque de la critique de la psychiatrie où devenir schizophrène était encore un idéal.
Gromovar a dit…
Ne ris pas : dans le roman on trouve des équipes de chasseurs spatiaux nommés les psychotiques, les névrosés et les fous dangereux. Ils combattent en suivant les plans d'attaque Mégalomanie, Dépression grave, etc...

Tout ça sans que ça fasse exploser de rire l'auteur.
Guillmot a dit…
Bon, c'était les soldes chez Brage, forcément tu tombes sur des articles au rabais sur tous les plans au moment des soldes.
Je dois l'avoir en bouquin. Par contre comme le psychédélisme m'attire encore bien, je tenterai l'aventure... Sans pousser bobonne si je décroche. ;-)
Vert a dit…
Et le pire c'est que je serais capable de le lire dans le bon état d'esprit... mais comme c'est dommage, je ne l'ai pas acheté ce week-end. Quel drame :).
Gromovar a dit…
Bon courage à tous :)
benk2000 a dit…
T'es dur quand même, j'ai lu a sa sortie le recueil "Chants de l'espace" et j'en garde plutôt un bon souvenir ... Alors oui ça a vieilli mais de là à souhaiter bon courage ! parfois ça fait aussi du bien de poser le cerveau ...
Gromovar a dit…
J'ai lu aussi et chroniqué Chants de l'espace http://www.quoideneufsurmapile.com/2008/11/cantos.html

J'avais bien aimé l'ensemble mais imho Babel 17 est le texte le plus faible du recueil du point de vue narratif.

Je crois que la perception (la mienne en tout cas) est différente dans le cadre d'un recueil où les qualités et défauts des textes s'équilibrent et où le global peut être positif et lorsque je lis le texte seul et que je suis donc obligé de le juger seul. Je n'aurais peut-être pas du relire Babel 17.

Mais quand je dis que j'ai été atterré c'est la vérité. Entre les billes, les pétards, le Gorille, etc... j'avais peine à croire qu'on puisse lire sans se dire que c'était n'importe quoi. Si tu regardes les commentaires de ma chronique des Chants de l'espace, Aigo y dit qu'il avait trouvé ça ridicule. Maintenant, après avoir lu Babel 17 seul, je comprends ce qu'il voulait dire. Et tu auras remarqué que je lui conseillais Nova. Déjà à l'époque donc Babel ne m'avait pas tapé dans l'oeil.
Lorhkan a dit…
De l'auteur, j'ai Babel17 et Nova.
Je vais peut être lire Nova du coup... :D
Gromovar a dit…
Nova est clairement plus profond.
Brize a dit…
Oups ! Ce roman, je l'ai lu il y a trèèès longtemps. Je n'ai aucun souvenir de ce que tu évoques (et donc de ce qu'il raconte), mais tout ce que je sais, c'est qu'il m'avait plu : la preuve, il a résisté à moult désherbages de ma bibliothèque et y figure toujours.
Peut-être bien qu'il ne gagnerait pas à être relu ;) !
(c'est ça, les amours de jeunesse : faut pas chercher à les revoir !)
Gromovar a dit…
Je ne peux pas dire pour toi.

Mais moi j'avais vraiment du mal à croire ce que je lisais.