Eric LaRocca - As-tu mérité tes yeux ?

Agnes Petrella est une jeune américaine un peu dans la dèche. Elle est lesbienne aussi, ce qui ne change pas grand chose à l'histoire au début alors que « dans la dèche » en est le point de départ. En ce 26 mai 2000, Agnes, qui a besoin de 250$ pour payer son loyer du mois, poste sur un forum queer une annonce pour mettre en vente un épluche-pomme vieux de plus d'un siècle. Contrairement à ce qui se pratique habituellement, elle a composé pour ce faire un message de presque quatre pages dans lequel elle explique avec force détails à quel point cet épluche-pomme est un élément important de son histoire familiale et donc à quel point aussi il lui est pénible de s'en séparer. Nécessité faisant loi elle s'y est finalement décidée mais, dit-elle, elle ne consentira à vendre l'objet qu'à un collectionneur sérieux (!). Deux jours plus tard, après quelques réponses insultantes, Agnes en reçoit une intéressante d'une certaine Zoe Cross qui dit être intéressée et prêt...

The Weird anthology (note 3)


Acheté il y a peu la colossale anthologie "The Weird", dirigée par les Vandermeer (on peut trouver pire comme anthologistes). 1152 pages, 110 nouvelles et autant d’auteurs, un siècle d’envergure, 1,4 kilo (on comprend mieux l’exquis dessin de Karl Lagerfeld ci-dessous). Et, last but not least, British Fantasy Award 2012 de la meilleure anthologie.

Deux belles introductions de Moorcok et de Jeff Vandermeeer définissant le Weird, comme (je résume de nombreuses page en deux mots, c’est donc réducteur) du « fantastique étrange ».

Quelques noms d’invités : Kafka, Lovecraft, Gibson, Miéville, Borges, Walpole, Leiber, Link, Tuttle, Gaiman, etc… (il y en a 100 de plus dans l'ouvrage).

Je la lirai au fil de l’eau, une ou deux nouvelles entre chaque gros livre, comme on mange du gingembre entre deux sushis différents. Et parfois, j’en dirai un (bref) mot ici, car on peut se procurer certains de ces textes, même sans acheter l’anthologie.

Parlons ici d'une des nouvelles que j'aime le plus, une nouvelle lue il y a bien longtemps dans le recueil "Gravé sur chrome", en VF, et qui est encore supérieure en VO dans "The Weird".

The Belonging Kind, Le Genre Intégré en français, est imho la meilleure nouvelle de William Gibson (coécrite avec John Shirley). Et pourtant elle n'est pas cyberpunk, évoquant plutôt une Amérique des années moderne stylisée.

C'est un texte sur lequel j'ai du mal à être objectif tant je l'ai dans la tête depuis 20 ans, et tant il me fait penser à certains clubs de jazz que j'adorais fréquenter, justement pour leur ambiance fin de nuit (voire fin de tout) décrite dans la nouvelle. Qu'on sache seulement qu'il y a un secret caché qui se révèle au narrateur comme au lecteur, que tous deux s'enfoncent de concert (c'est le cas de le dire) dans une atmosphère progressivement de plus en plus inquiétante, qu'on y voit des bars de nuit et les gens qui les fréquentent, ces gens toujours les mêmes, toujours présents, différents dans le phénotype mais identiques dans le génotype. Jusqu'à la révélation. Superbe texte. Vraiment.

The Belonging Kind, William Gibson et John Shirley

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