Eric LaRocca - As-tu mérité tes yeux ?

Agnes Petrella est une jeune américaine un peu dans la dèche. Elle est lesbienne aussi, ce qui ne change pas grand chose à l'histoire au début alors que « dans la dèche » en est le point de départ. En ce 26 mai 2000, Agnes, qui a besoin de 250$ pour payer son loyer du mois, poste sur un forum queer une annonce pour mettre en vente un épluche-pomme vieux de plus d'un siècle. Contrairement à ce qui se pratique habituellement, elle a composé pour ce faire un message de presque quatre pages dans lequel elle explique avec force détails à quel point cet épluche-pomme est un élément important de son histoire familiale et donc à quel point aussi il lui est pénible de s'en séparer. Nécessité faisant loi elle s'y est finalement décidée mais, dit-elle, elle ne consentira à vendre l'objet qu'à un collectionneur sérieux (!). Deux jours plus tard, après quelques réponses insultantes, Agnes en reçoit une intéressante d'une certaine Zoe Cross qui dit être intéressée et prêt...

Le Cluedo en beaucoup mieux


Soyons clair ! Lorsque j’ai feuilleté cet album en librairie, je n'en ai pas aimé le dessin et je l’ai donc reposé. Et sans le post très positif d’Efelle, je ne l’aurais jamais acheté.
Restons clair ! Je n’aime toujours pas le dessin, que je trouve laid et souvent peu clair. Et pourtant, le scénario me l’a fait oublier. C’est dire la qualité de celui-ci.

Pour résoudre une série de trois meurtres incompréhensibles, ayant pour cadre le Londres des années 20, sont rassemblés, à l’injonction du meurtrier, les sept détectives les plus brillants de l’époque. Longuement présentés et décrits au début de l’album, ces grands esprits tenteront de résoudre l’énigme double des assassinats et de leur « convocation ». Il leur échoira aussi d’empêcher l’assassin de récidiver. Aucun problème pour eux. Non ?

Dans une ambiance rappelant à la fois le Cluedo et les romans whodunnit vintage qu’il pastiche allègrement, "Sept détectives" offre aux lecteurs une histoire complexe, très écrite, parfaitement logique dans son délire, et aux rebondissements surprenants. Suivant des personnages qui rappellent Sherlock Holmes, Hercule Poirot, Miss Marple, et d’autres figures imaginaires du monde de l’investigation criminelle, faisant une référence transparente à Jack l’éventreur et au malheureux inspecteur Abberline, le récit entraine le lecteur dans une mise en abyme subtile de ce qui faisait le cœur des romans policiers du début du XXème siècle.

Les dialogues sont longs et riches (c’est aussi le cas des textes intercalaires ainsi que du mystérieux et capital journal du narrateur) et ils emmènent le lecteur au cœur d’un mystère où sa sagacité (supposée) sera prise en défaut, alors qu’elle était tentée de s’exercer tant les nombreux éléments discursifs l’y invitaient. Chose rare en BD, il sera souvent nécessaire de revenir en arrière et de relire pour saisir parfaitement d’où vient un indice ou ce qu’il signifie pris dans son contexte ; rien n’est donné au lecteur qui se surprend à se creuser la tête autant que les brillants détectives de l’ouvrage, pour un résultat moins glorieux malheureusement, quoique...

"Sept détectives" est donc une excellente BD, un diabolique casse-tête comme on en lit rarement en BD, de la vraie food for thought. C’est un album hautement recommandable, le meilleur de la série avec l'excellent Sept missionnaires.

Sept détectives, Hanna, Canete

Commentaires

Guillmot a dit…
Je suivrai vos conseils à toi et Efelle, car j'avais commencé cette série des "sept" mais je ne savais que lire de bon...
Gromovar a dit…
Si je devais en donner trois ce serait celui-ci, sept missionnaires, et sept voleurs un cran en dessous mais plutôt drôle.
Il y en a aussi de vraiment pas fameux.
Efelle a dit…
J'ai exactement le même ressenti.
Le scénario est diabolique et je suis en effet revenu en arrière par moment.
Excellent.
Efelle a dit…
Je préfère les sept yakuzas aux voleurs...
Par contre par de soucis sur les deux premiers au classement. ;)
Gromovar a dit…
Deux accords sur trois, c'est pas mal.