The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Paresseux


"Zoo City", de Lauren Beukes, se passe en Afrique du Sud, dans un futur très proche et légèrement alternatif. Une marginale, Zinzi December, affublée d’un paresseux mystique, doit retrouver une petite star de la chanson. Le contexte est donc à la fois assez lointain pour être dépaysant et assez proche pour rassurer, au point de pouvoir être lu, imho, par un non amateur de SFFF s’encanaillant dans la lecture de genres comme Oscar Wilde dans l’East End.
Parlons d’abord du contexte. Afrique du Sud, Zoo City, le slum géant dans lequel vivent les « animalés ». Car un événement « cosmique » inexpliqué s’est produit, il y a peu. Depuis quelques années, sans qu’on sache vraiment pourquoi, les humains ayant des choses graves à se reprocher voient se matérialiser un animal qui s’attache à eux comme un familier, communique vaguement par impressions, et dont la mort signifierait l’oblitération pour son possesseur, la disparition définitive dans un au-delà magique et inconnu. Ces animalés sont surnommés des Zoos et, portant sur eux le stigmate de leur passé, ils sont mal vus par les bonnes gens. Dans Zoo City vivent aussi des pauvres gens qui n’ont pas les moyens d’aller ailleurs, malgré l’insécurité, les gangs, les meurtres, etc. Tout ce monde vit, mal, dans des immeubles, en partie squattés, en partie défoncés, hors de toute protection d’une police qui a d’autres chats à fouetter et des sociétés de sécurité privées qui protègent leur bloc et pas celui d’en face. Ce que décrit Lauren Beukes, animal spirites mis à part, c’est un ghetto comme on en trouve sur toutes la planète, y compris en France. Pas inintéressant, vraisemblablement exotique pour les bonnes gens, mais sûrement moins excitant que le Shiba de Neuromancer.
Autre exotisme facile, l’Afrique entre tradition et modernité. La ville où évolue Zinzi (l’héroïne) est moderne et n’envie rien aux villes occidentales, mais la magie y est omniprésente dans l’inconscient des gens, dans quelques échoppes où on la pratique, dans la manière dont l’enquête (car il y a une enquête) est résolue. Attendu et un peu navrant ; les auteurs traiteront dignement l’Afrique quand ils ne sentiront plus obligés de cacher des colliers en os de poulet sous les complets des protagonistes.
Enfin le contexte continental est souvent présent, par le biais d’un background dans lequel les guerres civiles, les massacres, les réfugiés des pays voisins ne sont pas oubliés. C’est peut-être là que Beukes réussit son pari d’ancrer le fantastique dans le réel, même si ce background est plus décoratif qu’autre chose. Bien mieux, en tout cas, que dans le name-dropping pénible qui consiste, par exemple, à mélanger Madonna et personnage fictif pour crédibiliser l’ensemble de la création (et je passe sur Zinzi December / Dulcie September).
Disons-le tout de suite, le roman n’a pas fonctionné pour moi. La faute à un personnage principal trop peu développé et/ou charismatique pour inspirer empathie ou simple intérêt, et à des personnages secondaires d’une épaisseur de papier à cigarette malgré quelques trucs (de jeu de rôle) consistant à leur donner un vague passé censé leur apporter de la profondeur. La faute aussi à une histoire à la fois trop simple, et trop emberlificotée pour être crédible dans ses rebondissements. De plus, quelques sous-intrigues, largement inutiles, raccourcissent encore le cœur de ce court roman. "Zoo City" manque dramatiquement de développement, de longueur, de profondeur. Tout est survolé, rien n’est traité à fond par l’auteur (le pire étant les animaux spirites dont à peu près rien n’est fait dans le roman et qui ne sont donc au final qu’un gimmick censé donner une touche urban fantasy). La faute enfin à une écriture souvent faite de phrases courtes au présent, j'imagine pour dynamiser le style mais qui le transforme en litanie.
"Zoo City" est un roman ennuyeux situé dans un cadre original. Aussi paresseux que l’animal que porte Zinzi, il peine à séduire. Jamais rédhibitoire, il n’est néanmoins jamais excitant non plus, passé les trente premières pages de découverte.
Zoo City, Lauren Beukes

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