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A Dance with Dragons" est enfin disponible depuis deux semaines. Six ans,
as the crow flies, après la sortie du décevant "
A Feast for Crows". L'attente fut longue mais l'inquiétude jamais forte ; la "relative" déception que fut le tome précédent étant due aux fils qui y étaient développés, le suivant ne pouvait, mécaniquement, qu'être plus apprécié (on se souvient en effet que "
A Feast for Crows" et "
A Dance with Dragons" constituent un seul énorme volume, scindé pour raisons pratiques ; en fait "
A Dance with Dragons", après avoir renoué les fils parallèles, poursuit sur sa lancée, ce qui fait que la chronologie est retissée, permettant le retour de certains fils du précédent tome). Plus ici de Brienne de Tarth ou de vipères de Dorne (ou si peu), et tant mieux. Reste Arya (j'en redirai un bref mot).
Je vais m'efforcer d'être bref et cryptique afin de ne pas spoiler. Si certains lecteurs veulent des détails précis, qu'ils me contactent par le lien dédié ou
ici.
Ce qui caractérise cet énorme volume (plus de 1000 pages) est la thématique de la métamorphose. La Guerre des Trones a culminé, ceux qui n'ont pas chuté vers leur mort sont arrivés en haut de la montagne, et tous redescendent maintenant, en suivant les lignes de force existantes et les pentes de moindre résistance, vers un nouvel équilibre stable, encore lointain mais qu'on sent poindre à l'horizon, ou vers l'oblitération qu'apportent l'Hiver et les Autres. En équilibre sur ce maximum comme sur son Mur, Jon Snow se dit plusieurs fois qu'il doit tuer le garçon en lui pour devenir un homme ; c'est la problématique à laquelle la plupart des personnages sont confrontés. Et c'est long, pénible, douloureux. Adoptons l'approche Point de Vue qui est celle de George RR Martin.
Tyrion, le nain le plus sexy (et le plus priapique) de l'histoire de la
fantasy, est confronté à un problème qui a le mérité d'être clair : "Comment survivre ?". Il devra abandonner toute fierté et devenir le dernier des derniers pour y parvenir. Lui qui tirait les ficelles devient une marionnette, mais comme son cerveau est le mieux fait des Sept Royaumes, il saura tirer partie de la première opportunité pour couper ses fils.
Daenerys doit devenir reine. Après la guerre et la conquête, elle doit gagner la paix, épreuve bien plus difficile. Elle devient la "mère" du peuple qu'elle a libéré et tente toujours de convaincre plutôt que de soumettre. Elle apprendra dans sa chair qu'une reine ne fait pas ce qu'elle veut mais ce qu'elle doit, et qu'on gouverne avec sa tête et pas avec son coeur, même si le sien tente souvent de prendre le contrôle. Elle sera peut-être le plus grand des Targaryen, en tout cas le plus compatissant.
Jon Snow, nouveau Commandeur du Mur, se doit d'être neutre dans les conflits du royaume. Il a besoin de l'aide, imposée, de Stannis et de sa sorcière rouge, il doit se positionner par rapport aux
wildlings, imposer son autorité sur des "frères" souvent loins de cautionner ses choix ou sa personne, tenter de protéger du mieux possible les royaumes humains face aux terreurs d'au-delà du Mur. Confronté aux conséquences d'un choix qu'il regrette en partie, il tentera de faire ce qu'il croit juste et assumera ses choix
the hard way.
Bran, porté (littéralement) vers son destin, s'éloigne du monde des hommes pour commencer à devenir ce qu'il est. Plus et moins que le chevalier qu'enfant il rêvait d'être, son rôle dans les combats à venir sera certainement déterminant.
Théon, pauvre Théon. Le
turncloak paie très lourdement ses diverses trahisons entre les mains du dément Ramsay Snow (nouvellement Bolton, par la grâce du roi Tommen). Le "conquérant de Winterfell" tombe plus bas qu'il semble possible. Devenu beaucoup moins qu'un chien, une seconde chance lui sera donnée, presque par hasard.
Stannis, toujours aussi raide et morne, se lance, comme Hitler et Napoléon avant lui, dans sa campagne de Russie. Alors que ses hommes meurent, qu'on mange les chevaux, que des traitres l'entourent, il avance, porté par la foi qu'il a dans son destin et la justesse de sa cause. Il en sortira endurci, ou mort.
Les dragons ne sont plus des jeunes. Ils deviennent des dragons adultes, qui mangent beaucoup, tuent des gens à l'occasion, déchainent chaos et destruction. Avant d'être l'arme dont Daenerys a besoin, ils sont le problème qu'elle doit gérer. Un problème de plusieurs tonnes, tout en griffes, crocs, flammes.
Ser Barristan Selmy, archétype des valeurs chevaleresques, serviteur fidèle et silencieux de nombreux souverains, est obligé pour la première fois de sa vie d'entrer dans le jeu des trones. Hanté par le souvenir de ses échecs passés, à son corps défendant et par amour pour sa reine, il prend place dans le jeu politique de Meereen, jusqu'à la guerre.
Cersei doit descendre de son piédestal pour sauver, peut-être, sa vie. L'humiliation qu'elle subit la sort du jeu. Et nul ne peut dire comment Tommen, invisible, se positionnera par rapport à cette mère, si différente de la lionne flamboyante qu'elle fut.
Je ne parlerai pas ici de Davos Seaworth, de Mance, de Melisandre, des délicieux Boltons. Je ne parlerai pas non plus du nouveau prétendant, sérieux, au Trône de Fer, ni du prétendant malheureux. Je ne parlerai pas des éléphants, des criquets au miel, de la traitrise constitutionnelle des mercenaires, de la maladie blanche, des Ironmen et de leur prêtre rouge, ni de tant d'autres choses dont je pourrais parler. Vous verrez par vous-mêmes le moment venu.
Je ne parlerai pas non plus d'Arya, dont le fil me paraît toujours aussi ennuyeux et pénible, tant il est éloigné du jeu des trones. Elle me rappelle le
Ozzie Isaacs de Pandora's Star, parti baguenauer dans l'Univers pendant le chaos.
Rapide à lire malgré son éléphantesque taille, très plaisant car toujours aussi détaillé, descriptif, précis, tortueux à souhait, superbement et intelligemment dialogué,
cruel sans merci aucune, "
A Dance with Dragons" tient toutes ses promesses. Le lecteur avance dans l'histoire vers une conclusion encore impossible à prévoir. Nombre de personnages rencontrent un destin définitif. La tectonique des plaques politiques continue de déplacer les positions des uns et des autres. De ce point de vue le roman tient ses promesses.
Que peut-on lui reprocher alors ? Sûrement d'être un peu trop long. Certains passages sont trop descriptifs (et c'est une chose que je ne dis que très rarement), certaines questions ne progressent pas assez vite, un fil entier (auto-contenu dans ce volume) aurait pu être négligé
imho (et ce n'est pas celui d'Arya). George RR Martin aurait pu faire plus court en nombre de pages, et de ce fait plus court en temps d'écriture (et de lecture), sans que le lecteur y perde beaucoup. Ceci dit, la seule, mais intense, frustration qu'inspire le livre est qu'il finit trop tôt. On aurait voulu savoir. De là l'angoisse causée par le délai prévisible (deux, trois, cinq, dix ans ?) qui sépare le lecteur de la parution du sixième tome.
George RR Martin, A Dance with Dragons
Commentaires
@ Munin : On va finir par croire que je te paye ;-)
@ Muad Dib : Chevaucher le Dragon est plus ardu que chevaucher le Shai-Hulud, parce qu'il vole.
Et si on me demande si je pense vraiment ce que je dis, je répondrais simplement que je flatte.
Hormis cela, des articles comme celui-là me donnent envie d'entamer la lecture de cette saga titanesque.
Mais ton billet me donne terriblement envie de m'y replonger !
Je suis toujours admirative de ceux qui parviennent à lire en anglais ^^
Comme toi, je me demande où Arya va nous conduire. Mais je fais confiance à GRRM pour renouer tous les fils de sa tresse, même les plus touffus.
Je reviendrai en 2014 :'(
Pour revenir sur Arya, je pense que George RR Martin prend aussi le temps de nous faire découvrir son univers, et Arya en est une des fenêtres (avec Bran). Mais elle reviendra, j'en suis certaine, et sera mortellement dangereuse...
Et pour Arya, je comprends qu'elle se forme mais je trouve ça un peu long. Le seul bon passage avec elle a été chez les Bloody Mummers (mais ce n'est que mon avis, j'ai des copains fans d'histoires d'assassins qui se régalent).